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Jean-Pierre Fleury, nouveau président de la FNB

" Changement d'époque " et de Pac

Nouvellement élu à la présidence de la Fédération nationale bovine,
Jean-Pierre Fleury se livre au jeu des questions réponses en marge du
salon international de l'Agriculture.
Par Publié par Cédric Michelin
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Vous venez d'être élu à la présidence de la FNB à un moment crucial pour l'élevage français et vous avez donc été aux commandes sur le salon de l'Agriculture, un salon où derrière le décor, les questions économiques et politiques priment. Quels ont été les dossiers les plus discutés ?
Jean-Pierre Fleury :
La Pac d'abord, le dossier arrive à son terme après une année de suivi intensif par la FNB. Il va falloir faire preuve de réalisme, nous changeons d'époque, les moyens financiers se raréfient, partout les baisses budgétaires imposent leurs exigences, on tourne doucement mais sûrement la page vers 2020.
Côté PMTVA, les enveloppes financières ne jouent pas en notre faveur et en Bourgogne notamment nous sommes plus près des 90 vaches par actif que des 40. Une réalité qui a fait que les DPU élevages étaient plutôt plus élevés en Bourgogne que dans les autres régions. Les chiffres ne sont pas encore connus mais avec la convergence, il est évident que les élevages les plus extensifs vont perdre. Sur le plan protéines, le principe du mélange a été acté, avec un mix légumineuses et graminées, mais il va falloir faire attention à ne pas dégrader le montant de l'aide.
Pour l'ICHN et la PHAE, on ne peut que se féliciter de la fusion réalisée, en revanche, la situation va être difficile pour les zones hors handicaps. Sur le salon nous avons abordé la nécessité d'une mesure herbagère de plaine. La MAE représente d'ailleurs un double défi pour la Bourgogne, car c'est une mesure qui concerne à la fois les productions végétales et l'herbe, les risques de télescopage pour la même enveloppe sont donc bien réels. Et chaque orientation est légitime au regard des spécificités de notre région. Une bonne nouvelle, l'Etat a affecté sa part (Feader) sur la MAE. Autre avancée, les compteurs sont remis à zéro en ce qui concerne le retournement des prairies. Le suivi s'organise désormais au plan régional.
Les discussions avec le commissaire européen Dacian Ciolos ont permis de clarifier certains points : la politique de handicap va continuer, le couplage sera maintenu, l'aide verte confirmée (mais sans entraver la production). Reste à gérer les discussions très serrées entre les USA et l'Europe. Nous serons vigilants sur ce dossier, car les accords conclus avec le Canada ont créé un précédent. Ils doivent être ratifiés par les parlements nationaux mais les USA pourraient s'engouffrer dans toute brèche un peu trop large...

Quels sont les grands chantiers des années à venir, pour lesquels la FNB va peser de tout son poids ?
J. P. Fleury : Au plan européen, on peut dire que le chantier de la prochaine Pac est d'ores et déjà ouvert. D'ici 2020 il va falloir favoriser l'adaptation des exploitations, adaptation aux aléas du marché, aux aléas climatiques et aux aléas sanitaires, ce qui suppose d'instaurer plus de flexibilité à l'année dans l'utilisation des fonds européens.
Le prix reste au centre de nos préoccupations, sachant que le maintien des prix sur le marché intérieur dépend aussi des résultats à l'export. Nous avons tiré les enseignements de ce qui s'est passé avec la Turquie, on ne bâtit pas dans la durée sur des "coups". La cellule export sera prochainement mise en place, nous ciblons le pourtour méditerranéen et l'Asie, mais cela bouge aussi avec la Russie. Nous avons reçu beaucoup de délégations étrangères sur le salon de l'Agriculture. Le prochain congrès mondial de la viande se déroulera en Chine en juin, c'est un énorme marché de 600.000 tonnes, soit la moitié de la production française ! Maintenant il s'agit aussi de ne pas négliger nos partenaires historiques, comme les Italiens qui ont besoin d'être ré-assurés. Une chose est sûre, tout ce que l'on gagnera à l'extérieur permettra de tenir les prix intérieurs.
Autre grand chantier, l'engraissement. Le modèle est en train de changer, les structures vont évoluer tout en restant dans une dimension qui corresponde aux attentes sociétales, mais les éleveurs devront se regrouper et se structurer pour répondre à la demande. Sinon la filière n'aura pas d'autre choix que l'intégration. Reste aussi à faire entrer la volatilité dans la définition du prix en intégrant les indicateurs des coûts de production. Nos efforts doivent porter également sur la qualité du produit. Deux paramètres sont à travailler en priorité : la méthode de préservation et la maturation. Les données du problème sont connues, mais les solutions ne sont pas simples à mettre en oeuvre. La FNB a ouvert le dossier sur le plan interprofessionnel avec les outils d'abattage et les GMS qui participent aux échanges.
Enfin, la modernisation et la compétitivité des exploitations. Il nous faut conserver une politique de bâtiment ambitieuse et explorer les pistes du photovoltaïque et de la méthanisation.

Quels défis vous semblent les plus importants à relever et quelle feuille de route vous êtes-vous donnée ?
J. P. Fleury :
Sans conteste celui du renouvellement des générations. C'est un dossier sur lequel je m'investis personnellement. Le problème du financement du capital doit être mené à son terme et il faut accélérer le mouvement. La Bourgogne est plutôt en avance sur ce sujet du fait du dimensionnement des exploitations. Pour le reste, le travail de la FNB c'est d'abord l'ambition d'une équipe qui s'enrichit des compétences d'Emmanuel Bernard et de nos collègues de Saône-et-Loire. Nous serons très présents à Bruxelles mais j'entends aussi être très présent dans les régions, à l'écoute du terrain. Un terrain qui doit être conscient que les curseurs ont bougé, la décentralisation est actée et nous glissons vers un système à l'allemande, avec une montée en puissance des régions. D'où l'importance de ne pas se tromper dans l'utilisation des fonds européens qui sont désormais des aides au développement, à l'initiative et à l'innovation.