Droit à l'erreur : publication de la loi
La loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance - dite également « Loi Essoc » - a été publiée au Journal Officiel (JO) du 11 août dernier. Ce texte a fait l’objet de plusieurs mois de débats parlementaires, d’un échec de commission mixte paritaire et de plusieurs centaines d’amendements. Composé de quarante articles lors de son passage en Conseil des Ministres le 27 novembre 2017, il en contient désormais soixante-quatorze. La profession agricole a fait le point et se félicite notamment de huit avancées pour le secteur de l'agriculture.

1. Suppression de l’expérimentation de suppression du contrôle des structures
Pour rappel, le projet de loi initial prévoyait une expérimentation de suppression du contrôle des structures. La FNSEA a obtenu l’annulation de cette mesure. En effet, une telle mesure prise isolément sans approche globale avec les autres tenants de la politique foncière agricole (statut du fermage, Safer) risquait de déstabiliser le marché du foncier (difficulté d’installation des JA, financiarisation grandissante, coûts des transmissions familiales…). Une approche globale dans le projet de loi Foncière en cours de réflexion semble bien plus pertinent. Un rapport parlementaire paraîtra à l’automne et le projet de loi est attendu courant 2019.
2. Droit à erreur : extension de son application au regard du droit de l’environnement (article 2)
Un citoyen qui ne respecte pas une règle, pour la première fois, ne sera pas sanctionné s’il corrige son erreur par lui-même ou suite à une demande de l’administration. Cette dernière présume de la bonne foi du citoyen et n’applique pas la sanction pécuniaire (par « sanction pécuniaire », le texte vise uniquement les amendes administratives). Cependant, s’il est prouvé qu’il y a fraude ou mauvaise foi, l’administration appliquera la sanction. C’est donc un renversement de la charge de la preuve au bénéfice du citoyen.
Le droit à l’erreur s’applique dès que trois conditions sont réunies :
1. une erreur de bonne foi ;
2. pour la première fois ;
3. rectification de l’erreur (à son initiative ou à la demande de l’administration).
Le droit à l’erreur n’est pas applicable :
- aux sanctions pénales (y compris les amendes) ;
- en cas de fraude ou de mauvaise foi avérée (preuve à la charge de l’administration) ;
- aux sanctions requises pour la mise en œuvre du droit européen (ex : PAC) ;
- aux sanctions prévues par un contrat (ex : contrat public).
- aux sanctions en cas de méconnaissance des règles préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l’environnement ;
Initialement, le droit à l’erreur ne pouvait s’appliquer à aucune règle en matière environnementale. La FNSEA a obtenu de circonscrire la mention « environnement » et permettre d’appliquer le droit à l’erreur à certaines règles environnementales en faisant ajouter le mot « directement ».
3. Employeur : modulation des sanctions administratives et allègement des obligations déclaratives de employeurs (article 18)
Le code du travail est modifié afin d’y introduire la possibilité d’appliquer des sanctions non pécuniaire (avertissement) à la place d’amende en cas de manquement aux règles portant sur la durée du temps de travail, sur les règles sanitaires, d’hébergement et de restauration sur les lieux de travail, ainsi que sur le salaire minimum de croissance.
De plus, la loi allège la charge déclarative pour les emplois saisonniers. Ainsi, lorsque la durée du contrat de travail est inférieure à un mois, un seul bulletin de paie sera émis par l’employeur (y compris lorsque le contrat est « à cheval » sur deux mois calendaires).
Afin de rendre cette mesure de simplification réellement pertinente, il faudra la mettre en cohérence avec les obligations de déclaration mensuelle en matière de DSN.
4. Droit d’opposer une circulaire : extension de son application au regard du droit de l’environnement (article 20)
Avant le texte de loi, une circulaire n’avait pas de valeur juridique en soi et aucune personne ne pouvait s’en prévaloir devant le juge. Désormais, les circulaires sont opposables à l’administration dès lors qu’elles sont publiées. Toute circulaire non publiée est considérée comme abrogée. Ainsi, toute personne pourra se prévaloir de l’interprétation d’une règle dès lors qu’elle est inscrite dans une circulaire publiée, même si cette interprétation est erronée (et tant qu’elle n’est pas modifiée).
Un décret en conseil d’Etat devra préciser les règles portant sur l’abrogation des circulaires non publiées.
Initialement, ce droit d’opposer une circulaire à l’administration était limité et ne pouvait pas porter sur des règles préservant l’environnement. La profession a élargi la portée de ce droit. Le droit d’opposer une circulaire ne peut pas concerner des « règles préservant directement l’environnement ».
5. Transfert systématique des PV en police de l’environnement (article 39)
Cet acquis de la première heure a été maintenu tout au long des discussions. Auparavant, il n’existait aucune obligation de transmission à l’intéressé du procès-verbal fait à son encontre en matière de police de l’environnement. Désormais, sauf décision contraire du Procureur, cette transmission est obligatoire. Le délai de transmission sera défini par un décret. Ce décret n’est pas encore paru. Cette transmission permettra à l’agriculteur de savoir que des faits lui sont reprochés (il n’était pas rare que des agriculteurs découvrent l’existence d’un PV lorsqu’ils sont convoqués chez le Procureur) et de connaître avec précision les faits reprochés afin d’assurer une meilleure défense en cas de poursuite.
6. L’extension à tous les projets IOTA et ICPE de l’allègement de procédure d’évaluation environnementale (article 56)
Cet article met en place une expérimentation de trois ans portant sur la transformation de l’enquête publique en consultation par voie électronique (moins lourde, moins coûteuse) lorsqu’un projet a fait l’objet d’une concertation préalable avec garant. Cette expérimentation s’appliquera dans certaines régions définies par décret (en attente). Elle concerne tous les projets soumis à autorisation environnementale.
Initialement, cet article ne concernait que certains projets agricoles dont la liste devait être définie par décret. Nous avons obtenu d’étendre le champ de l’expérimentation à tout projet soumis à autorisation environnementale.
7. Allègement de la procédure de consultation du public – élevage soumis à la Directive IED (article 62)
Pour le réexamen des conditions d'autorisation des élevages IED (meilleures techniques disponibles), une simple mise à disposition des informations suffira à la place d'une enquête publique.
8. Allègement de la procédure de saisine pour un projet d’extension ICPE/IOTA (article 62)
Afin de savoir si un projet d’extension ou de modification d’ICPE ou d’ouvrage IOTA est soumis à évaluation environnementale, le pétitionnaire devra solliciter le préfet de département (et non plus l’autorité environnementale).
Service Juridique de la FDSEA de Saône-et-Loire