Accès au contenu
Jean-Marc Cholet - journaliste à France 3

Expliquer l'agriculture intensive aussi

Alors que le XXe siècle a été l'ère des médias de masse, presse, radio et télévision évoluent avec l'arrivée d'Internet, métamédia qui regroupe tous les médium et plus encore (réseaux sociaux, mails...). Contre-pouvoir des trois premiers (exécutif, légisaltif, judiciaire) historiquement, les médias traditionnels sont confrontés à une crise économique (baisse des recettes publicitaires, des abonnements...). Du coup, certains ne cherchent plus forcément à donner aux citoyens une vision universelle et des clés de compréhension pour leur permettre à chacun d'acquérir une autonomie de jugement sur les faits de société et les décisions politiques. En pleine infobésité, et info-divertissements, comment le monde médiatique traite-t-il encore l'agriculture et la ruralité ? Rencontre avec des journalistes.
Par Publié par Cédric Michelin
129165--chollet.jpg
Comment faites-vous le lien entre agriculture et environnement dans les sujets sur France 3 ?
Jean-Marc Cholet :
Les rédactions de France 3 traitent régulièrement des enjeux environnementaux liés à l’agriculture car c’est une préoccupation du public. Il y a d’un côté tous les reportages consacrés aux nuisances qu’entraîne une agriculture intensive sur l’écosystème. C’est le cas en Bretagne ou dans certaines régions céréalières. Très souvent, il s’agit de problèmes concrets et nous donnons la parole aux associations environnementales locales de préférence ainsi qu’aux représentants agricoles car il y a souvent polémique.
La difficulté est de bien cerner les faits, car chaque protagoniste a ses certitudes. Aussi il est intéressant de recueillir la position d’un intervenant moins impliqué dans la querelle, une autorité scientifique comme l’Inra ou autre mais là aussi on s’aperçoit que bien souvent ses avis servent l’une ou l’autre forces en présence, comme c’est le cas pour les OGM .

Pensez-vous que l’image des agriculteurs s’est ternie depuis quelques années dans l’opinion ?
J-M. C. : Je suis toujours étonné de voir à quel point la façon dont les agriculteurs exercent leur métier suscite autant d'intérêt et de discussions dans l'opinion publique. Je me demande si ceux qui voudraient leur apprendre leur métier sont capables de planter un rang de tomates ou d'élever deux poules. Il y a une petite poignée qui pense qu'on les empoisonne mais il y a aussi une grande majorité de Français qui ont un bon coup de fourchette et qui se régalent. Il n'y a qu'à voir le succès du salon de l'agriculture pour se rendre compte que les agriculteurs sont plutôt bien considérés. C'est un métier noble, de chef d'entreprise, qui fait appel à des connaissances diverses, au contact de la nature. Et c'est un métier de bosseur. Mais tout dépend aussi de quelle agriculture on parle. Je crois que les Français ont une bonne opinion de l'agriculture de "proximité", dont ils voient les produits, et qu'ils sont plus critiques sur une agriculture plus intensive, plus rationnelle, plus concentrée, aux produits standardisés. Curieusement les éleveurs de bovins viande bénéficient d'une très bonne cote tandis que d'autres productions restent plus en retrait.

Sur quels sujets les paysans devraient-ils s’exprimer plus largement ?
J-M. C. : Les paysans s'expriment déjà grâce aux multiples opérations "portes ouvertes". Et ils doivent continuer à le faire. Mais ils devraient aussi expliquer les enjeux de l'agriculture intensive. Des produits bons marchés, des emplois, des exportations. Productrice de biens alimentaires qui répondent à des normes, à des contrôles même si bien sûr ce ne sont pas des AOP ou des labels. Expliquer aussi les efforts faits depuis des années en matière d'environnement. Peut être faut-il aussi montrer les maillons de l'aval, la transformation quand cela est possible. C'est cette agriculture-là qui doit redorer son blason, en expliquant ses défis face à la concurrence et aux attentes des consommateurs. Mais il faut montrer aussi que quelle que soit le type d'agriculture, familiale ou en société, le paysan d'aujourd'hui est formé, connecté à internet, au fait des affaires européennes, soucieux d'une éthique dans son métier, tout en étant à la tête d'une entreprise confrontée au marché.

Quels sont pour vous les symboles du monde agricole ?
J-M. C. : Je vois un couple, assis à l'ombre d'un pommier, la bouteille de Chinon est déjà entamée. Les salades sont fraîches et croquantes.
Ils finissent un poulet fermier avant d'attaquer le pot au feu de Dodin Bouffant. Sur la desserte il y a un plateau de fromages et des coupes de fruits. Derrière eux, dans le pré, il y a une Normande et une Aubrac qui les observent. Ils parlent politique mais surtout cuisine.
Et puis je vois un bateau, au port de La Palisse, il y a plein de poussière car on charge 15.000 tonnes de blé berrichon pour l'exporter au Moyen Orient. Où on en fera des bons petits pains, car c'est un blé de très bonne qualité.

La France se fait dépasser sur les podiums en matière agricole en Europe et dans le monde, c’est un sujet « transversal » à France 3 ou cela reste confié à l’agricole ?
J-M. C. : C'est un sujet que nous abordons pour tous les secteurs de l'économie. Les hauts fourneaux, l'électroménager ont fait la Une ces derniers mois pour ces mêmes raisons. Et j'en oublie. Nous avons fait des reportages en Alsace, sur les maraîchers confrontés à une concurrence qui est pour eux à vingt kilomètres, de l'autre côté de la frontière. Plusieurs sujets aussi sur les producteurs de fruits et de pêches notamment ces dernières années. Mais nous avons abordé aussi les problèmes de la volaille et du porc.