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Gouvernement français

La compétitivité en priorité

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault place la
compétitivité en tête des objectifs de sa politique concernant les
filières agricoles et alimentaires. Le coup d’envoi d’une série de
réunions régionales visant à préparer sa politique a été donné le 25
septembre. Une orientation jugée plutôt positivement mais des
représentants agricoles se méfient de ce qui se prépare en amont, pour
les exploitations agricoles : des projets d’alourdissement de taxes et
de contraintes renforcées qui n’amélioreront pas la compétitivité de
l’agriculture elle-même.
Par Publié par Cédric Michelin
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Compétitivité ! Le mot, appliqué à l’industrie et aux filières agroalimentaires, est répété inlassablement. Qu’il s’agisse des ministres Stéphane Le Foll ou Guillaume Garot et tout autant de François Hollande, la compétitivité, notamment pour les filières alimentaires, est devenue la priorité du gouvernement de gauche. Laurent Fabius lui-même, qu’on n’aurait pas attendu sur cette thématique, est intervenu le 24 septembre aux états-Unis pour représenter et défendre l’industrie agroalimentaire française. C’est aussi le Haut Conseil du financement de la protection sociale qui s’est invité à ce sujet, évoquant, parmi les paramètres du financement social, la nécessité pour le pays de renforcer sa compétitivité. C’est tout le problème de l’allègement des charges sociales qui est posé. Le gouvernement de Jean-marc Ayrault, après avoir vivement critiqué la notion de TVA sociale du temps de son prédécesseur, prépare les esprits à accepter un renforcement de la TVA pour financer l’allègement des charges sociales patronales. La CSG, la TVA « sociale » et certaines taxes écologiques pourraient venir financer ces allègements de charges. L’agriculture et l’industrie agroalimentaire,
gros employeurs de main d’œuvre et en butte à la concurrence des bas salaires en Allemagne, sont le premier secteur concerné par ce type d’allègement. Les filières agricoles et alimentaires seront également concernées par les travaux d’une mission d’information parlementaire sur les coûts de production, présidée par l’ancien président de l’Assemblée nationale Bernard Accoyer.

Conférences régionales



Temps fort de l’expression de cette politique en devenir, la première rencontre régionale pour l’avenir de l’agroalimentaire et la forêt, à paris, le 25 septembre. Une rencontre organisée par les ministres de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et du Redressement productif ainsi que par l’Association des régions de France, l’ARF. Cet exercice, qui rassemblera, dès octobre 2012, dans chaque région, entreprises, collectivités locales, organisations professionnelles et syndicales, interprofessions, associations, etc., aboutira en mai 2013 à des propositions « d’outils opérationnels », a promis Guillaume Garot, ministre délégué à l’Agroalimentaire.
Les enjeux de ces réflexions pour la relance des industries de ces deux secteurs étaient posés par Eric Allain, directeur général des politiques agricole, agroalimentaire et des territoires : développer la compétitivité des PME et TPE (Très petites entreprises) des territoires, accompagner la transition
écologique, favoriser l’émergence de grands champions, et conquérir des parts de marché à l’export.

« Passer à l’action »



« Ce n’est pas la énième grand-messe », a ajouté le ministre délégué à l’Agroalimentaire. Aujourd’hui, « il ne s’agit plus de faire un diagnostic, il s’agit de passer à l’action », a renchéri Stéphane Le Foll. Le diagnostic est d’ailleurs assez clair : « La France a un problème de croissance, auquel s’ajoute un déficit de la balance commerciale, qui nécessitent un effort de relance collective », a posé le ministre de l’Agriculture. Cet effort passera par les filières de l’agro-alimentaire et de la forêt. Et pour cela, la compétitivité est un des maîtres-mots pour le gouvernement socialiste. « Il faut identifier des secteurs qui offrent des perspectives de croissance. Il faut identifier les lieux et les outils dont nous avons besoin pour permettre à des PME /PMI de [développer] leurs capacités exportatrices », a souligné Stéphane Le Foll. Et Arnaud Montebourg de préciser : « Il faut regagner des parts de marché à l’exportation. Cela veut dire, par exemple, qu’on est capables de trouver, de négocier des accords de coopération entre les différents acteurs de la filière : depuis l’amont agricole jusqu’à l’aval distributeur. » Le ministre du Redressement productif semble d’ailleurs croire à l’intérêt de « bâtir des coopérations qui n’existent pas ». Dans la foulée, François Patriat, vice-président de l’ARF, vantait les mérites des pôles de compétitivité et autres clusters (rassemblements de compétences et d’entreprises dans un but de développement industriel). Il insistait également sur les enjeux de l’emploi et de la formation, notamment dans l’industrie agro-alimentaire, la nécessité de créer de la valeur ajoutée, et d’avoir des outils cohérents entre les niveaux régional et national.
Il n’empêche : il n’est pas neutre de voir un gouvernement de gauche placer en priorité l’objectif de compétitivité avant celui de l’emploi.

L’emploi, deuxième défi



L’emploi figure cependant parmi les thèmes de travail qui ont été identifiés. Guillaume Garot en a fait « un deuxième défi » : « Il y a un grand chantier à conduire pour les syndicats, dit-il. Les contrats de génération, par exemple, voyons comment ils peuvent être adaptés à l’IAA et à nos PME. Penchons-nous sur la formation, la qualification, l’attractivité de nos métiers. » Ces thèmes seront abordés dans les tables rondes régionales : emploi, export, stratégies collectives en seront les trois principaux. Les attentes des consommateurs, l’innovation, l’accès aux financements, la modernisation des relations commerciales ou encore la valorisation complète de la matière, pour le bois seront également évoqués. Le calendrier de ce projet a été fixé : les travaux régionaux seront lancés en octobre et novembre, les réunions se dérouleront ainsi entre novembre 2012 et février 2013, « avec un point d’étape en milieu d’hiver », a précisé Guillaume Garot. Les restitutions auront lieu en février et mars 2013 et des plans d’actions seront présentés en mai 2013. Le ministre délégué a annoncé qu’il lançait très prochainement un plan de réduction du gaspillage alimentaire.
En réponse aux préoccupations des professionnels présents dans la salle, Guillaume Garot a assuré que les décisions seront les plus opérationnelles possibles. Les industriels des filières agroalimentaires et bois auront toute leur place dans ces tables rondes pour avancer leurs propositions, ont insisté les ministres.
Guillaume Garot reconnaissait toutefois : « On ne va pas répondre à toutes les questions au niveau régional. Oui, il y a besoin également d’une réflexion à l’échelon national ». De mémoire d’industriel on n’avait jamais autant vu de politiques se pencher sur l’agroalimentaire : Stéphane Le Foll, Guillaume Garot, le délégué interministériel Alain Berger, jusqu’à Arnaud Montebourg qui, entre des dossiers PSA et Sanofi, aime à s’exprimer longuement sur les IAA. « On sent bien qu’il se passe quelque chose », constate un professionnel des industries agroalimentaires.

L’amont agricole vigilant



Dans l’amont agricole, tout autant concerné par la compétitivité des clients que sont les industriels, on est plus sceptiques. Les agriculteurs entendent des paroles encourageantes sur les filières agricoles et agroalimentaires, mais ils voient avec surprise et méfiance certains projets sortir des conclusions de la récente Conférence environnementale. Des projets inclus dans la feuille de route alors qu’il n’en avait pas été question : fiscalité sur les engrais minéraux azotés, augmentation des redevances « pollutions diffuses » sur les produits phytosanitaires, aménagement des redevances sur les prélèvements d’eau. « Nous serons vigilants » affirme Didier Marteau, président de la Chambre d’agriculture de l’Aube et chargé de l’environnement au sein de l’APCA. Autre surprise, l’initiative conjointe des ministères de l’Agriculture et de celui de l’Environnement de porter à 4% le pourcentage de surface topographique réclamées aux agriculteurs. Bon nombre de professionnels s’étonnent que l’on affiche des programmes ambitieux pour les filières et leur contribution au redressement productif du pays tout en renforçant la pression fiscale ou les contraintes sur l’amont agricole.