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Syndicalisme

La Confédération paysanne se renouvelle

La Confédération paysanne a tenu son congrès à Nevers, renouvelant ses
élus nationaux. Le syndicat s'impatiente et demande des mesures
concrètes à Stéphane Le Foll, qui avait fait le déplacement.
Par Publié par Cédric Michelin
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La Confédération Paysanne a tenu son congrès à Nevers (Nièvre) les 23 et 24 avril, réunissant plus de 300 militants. Le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll a fait le déplacement pour montrer que son projet d'agroécologie va dans le sens de leurs revendications, et affirmer que ses ambitions seraient traduites dans la loi d'avenir agricole, « qui doit permettre de combiner les ambitions économiques et écologiques ».
Philippe Collin, le porte-parole du syndicat, a félicité le ministre de son implication dans la possibilité de surprime des premiers hectares dans la future Pac. Mais il a précisé que la mesure « ne peut être efficace qu'avec un recouplage maximum et un plafonnement des aides plus acceptable pour les citoyens et plus juste pour les paysans », demandant à ce qu’elle soit mise en place rapidement.
Stéphane le Foll a répondu attendre la fin des négociations sur la Pac, mais estime que « le plus tôt sera le mieux ». Philippe Collin a également félicité le ministre pour la modification de l’attribution de la prime aux jeunes bovins afin qu’elle ne soit plus « réservée aux plus grosses exploitations », et pour les nouvelles règles favorisant le pluralisme aux élections professionnelles, « même si le signe aurait pu être plus fort ».

Des demandes en attente



Mais Philippe Collin estime que « la liste de nos revendications non aboutie est nettement plus longue ». D’abord, la mise en place de contrats collectifs entre les éleveurs laitiers et les laiteries, promise par François Hollande alors qu’il était encore candidat. Ensuite, la reconnaissance des droits des 70.000 cotisants solidaires. Stéphane Le Foll a assuré que le sujet serait traité dans la Loi d’avenir agricole. Enfin, la Confédération paysanne a demandé la modification de la loi sur les certificats d’obtention végétale. Le ministre veut « plus de souplesse pour maintenir le triage à façon, tout en prenant en compte les questions d’obtention et en permettant de financer la recherche ».
Stéphane le Foll espère également « faire progresser la régulation des marchés agricoles » au niveau Européen, notamment dans le secteur laitier, qui doit être dérégulé en 2015 avec la fin des quotas. « Il ne faut pas sortir des quotas sans règle de maîtrise de la production », affirme-t-il.
Il a par ailleurs annoncé que l'obligation d'identification électronique des petits ruminants serait repoussée à fin 2014. La Confédération paysanne se bat contre cette obligation, qu’elle qualifie de « stupide et inefficace ».

Une structure en renouvellement



Ce congrès marque une transition pour le syndicat. « on est sortis de la période des élections politiques et professionnelles, on peut prendre le temps de réfléchir à construire le syndicat pour les 10 prochaines années », explique Philippe Collin.
Plus de la moitié du comité national, qui réunit les représentant des départements, a été renouvelée. Le 22 mai, ce comité national élira le nouveau secrétariat national, qui sera « rajeuni et féminisé ». Six des sept membres ne se représentent pas, sauf Marie-Noëlle Orain, secrétaire générale.
Dans ses statuts, le syndicat oblige à ne pas y faire plus de 4 mandats (soit 8 ans) dans une carrière. « Contrairement aux autres structures syndicales, on applique le principe de non cumul des mandats, et on retourne dans nos fermes », explique Gérard Durand, secrétaire national.
Le syndicat réfléchit à des rapprochements avec d’autres structures, suite aux Rencontres des agricultures organisées en 2012 à Laval, avec notamment le Modef, la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) ou le Mouvement rural de jeunesse chrétienne. « Je crois qu'on a tous pris conscience qu'on devait travailler ensemble, mais tout reste à écrire », selon Philippe Collin.
Lors des élections aux chambres d’agriculture, des alliances entre la Confédération Paysanne avec la Coordination Rurale (notamment la liste victorieuse du Puy-de-Dôme) avaient fait débat. Lors du congrès, « il n’y a pas eu de discussion sur ce sujet », affirme Philippe Collin, car le syndicat n’est pas une structure centralisée. « Nous avons un comité national, mais pas de comité central ni de politburo : ce sont les structures locales qui décident ».



Demande de destruction des peupliers génétiquement modifiés de l’Inra



La ConfédératIon paysanne demande « la destruction immédiate » de peupliers
génétiquement modifiés cultivés par l’Inra. Ces essais étaient destinés à l’origine à fournir en matière première l’industrie papetière, mais cette dernière n’est aujourd’hui plus intéressée. L’Inra propose de s’en servir comme biomasse pour fabriquer des agrocarburants, et a demandé une autorisation pour la prolongation d'un essai en plein champ au ministère de l’agriculture. « On sait aujourd'hui que les agrocarburants ne contribuent pas à la réduction des gaz à effet de serre », argumente la Confédération Paysanne, qui craint également la "contamination" OGM des peupliers sauvages si la culture était lancée à grande échelle.
Le syndicat demande que l'Inra « se recentre sur le développement de l'agriculture paysanne et des pratiques réellement agroécologiques ».



« La résignation ne peut pas s’imposer »



Après six ans au secrétariat national de la Confédération paysanne dont les deux dernières comme porte-parole, Philippe Collin va passer la main et à des projets sur son exploitation.

Vous êtes porte-parole de la Confédération paysanne depuis 2009. Quel bilan tirez vous de cette mandature ?
J’ai été au bureau de 2007 à 2013, d'une élection aux chambres à une autre. Je garde le sentiment que l'agriculture évolue très vite et que sa diversité n'a jamais été aussi forte qu'aujourd’hui, mais avec de moins en moins de monde. Cela rend difficile la création de dynamiques collectives dans lesquelles les paysans se retrouvent pour échanger à partir de leur activité professionnelle quotidienne.
Depuis 2007, l'agriculture traverse une crise très violente, de volatilité des prix des denrées agricoles parfois à la hausse, mais plus souvent à la baisse, qui fait que les schémas traditionnels de réaction et d'accompagnement sont parfois faibles par rapport à l'ampleur des besoins.
C'est aussi ce qui génère une impatience, une incompréhension, parfois une violence des agriculteurs, parce que personne ne voit aujourd'hui le projet que la société leur assigne. Cette palette de missions qu'on demande à l'agriculture génère aussi les tensions internes au milieu paysan.

La Confédération paysanne a obtenu près de 20% des voix lors des élections aux chambres d’agriculture. Comment expliquez vous ce résultat ?
C’est un bon résultat compte tenu de la rapide disparition des paysans. On croit toujours que ça va s'arrêter, mais parmi ceux qui restent, on arrive toujours à en "éliminer". Cette érosion forte du nombre de paysans touche de façon assez mécanique les petites et les moyennes fermes, qui est préférentiellement l'électorat de la Confédération paysanne. Donc, le fait de maintenir notre pourcentage des voix est encourageant. Ce n'est pas un artifice arithmétique, c'est une expression de rapports de forces syndicaux qui sont stables. Mais cette stabilité apparente masque des bouleversements départementaux et liés à la nature des productions.

Vous êtes céréalier, mais vous montez un atelier de production laitière. Pourquoi, sachant que de nombreux producteurs font l’inverse en France ?
C’est quelque chose qui correspond à ce que je souhaitais, pour des raisons de cohérence agronomique et de pertinence économique. Je crois aux vertus de l’exemplarité, je veux montrer que c’est possible, parce que la résignation est un élément majeur de l’évolution de nos sociétés. Elle se distille à petites doses répétées et finit par donner le sentiment que les choses sont inéluctables alors qu’elles ne le sont pas forcement. Ce choix correspond aussi à une tentative de créer de la valeur ajoutée sur des fermes sans changer la taille de la structure, en restant dans quelque chose qui doit être vivable et viable. C’est un projet passionnant. Aujourd’hui, on fait des clôtures, on sème des prairies, les vêlages doivent se faire courant novembre, le travail m’attend ! On n’est pas uniquement dans la posture syndicale, on montre que la résignation ne peut pas s’imposer.

Quels doivent être les grands combats de vos successeurs ?
Ils devront être vigilants sur la traduction des engagements pris par le gouvernement sur la redistribution plus juste des soutiens publics, et sur la loi d’avenir pour l’agriculture et la forêt. Nous en attendons des éléments solides sur nombre de sujets, comme l’installation, le foncier, l’évolution des rapports entre acheteurs et vendeurs, et l’accompagnement de la modification des pratiques agricoles. Les marges de manoeuvre nationales existent. Bonne chance et bon courage à mes successeurs !