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Depuis 1996

La productivité agricole s’infléchit

Une étude de l’Inra montre que depuis 1996 la productivité agricole
française s’essouffle. Cela pour des raisons diverses : stagnation des
rendements pour les grandes cultures, effets du découplage pour la
viande bovine, interdiction de pesticides pour les fruits et légumes…
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Il est bien loin le temps où la productivité agricole française s’accroissait de +1,9 % par an... C'était entre 1979 et 1996. Depuis, elle a été ramenée à +0,6 % par an de 1996 à 2008. Jean-Pierre Butault et Vincent Réquillart, tous deux chercheurs de l’Inra, analysent cette situation dans une étude qui vient d’être mise en ligne sur le site de l’Observatoire des prix et des marges, organisme gouvernemental.

L’hyperspécialisation en cause


Pour les grandes cultures, les progrès de la génétique - qui permettaient de valoriser l’utilisation croissante des intrants - ne remplissent plus autant ce rôle. Conjuguée au réchauffement climatique, l’hyperspécialisation des exploitations de grandes cultures participe à l’atonie du progrès technique.
Les deux chercheurs de l’Inra écartent cependant la thèse du déclin du progrès de la recherche génétique, citant à l’appui l’avis des généticiens. Ils s’attardent par contre sur ce qu’en disent les agronomes, qui mentionnent le raccourcissement des cycles de rotation des cultures, « l’augmentation de la culture du colza générant par exemple un recours plus important aux pesticides ».
L’hypothèse d’une rupture du progrès technique peut dès lors être admise en France. Ce dernier serait pénalisé par la spécialisation de cultures fragiles et exigeantes en intrants (blé tendre, colza). Parallèlement, « les recherches mondiales en génétique profitent surtout à d’autres cultures comme le maïs et le soja, moins adaptées aux cultures françaises », soulignent les deux chercheurs.

Le piétinement du commerce extérieur quantifié



Cependant les ralentissements de progrès de productivité sont les plus forts dans les secteurs de la viande, constatent-ils, évoquant « les effets des réformes de la Pac - lesquels ont mené à une extensification de l’élevage bovin - et du processus de libéralisation des échanges ».
Quant au secteur des viandes blanches, il a fortement pâti de la suppression des restitutions à l’exportation.
En productions animales plus généralement, les mesures de mise aux normes des bâtiments, l’instauration de conditions sur l’épandage et l’identification des animaux ont généré des coûts supplémentaires « qui peuvent être à la source de la détérioration de la productivité des consommations intermédiaires et du capital ».
Enfin l’interdiction de certaines molécules phytopharmaceutiques peut expliquer le ralentissement des gains de productivité en cultures fruitières.
La combinaison de tous ces reculs de productivité s’est traduite dans le net recul de la compétitivité de l’agriculture française, à travers les ratios du commerce extérieur. Les deux chercheurs ont mesuré ces reculs, dans un graphique « en cloche », faisant figurer le rapport entre le volume des exportations et celui des importations agricoles et alimentaires françaises entre 1980 et 2009.
Un dossier dont la profession espère que le tout nouveau ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, s’empare sans tarder, tant l’agriculture demeure une réelle solution pour la France. Elle en est une chance, aucunement un problème !