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Restauration collective

Le dessous des cartes

Le 12 octobre, le préfet de Saône-et-Loire, Gilbert Payet venait
témoigner du soutien de l’Etat dans la démarche visant à développer les
circuits courts en restauration collective. Cinq fournisseurs locaux
présentaient justement leurs produits au Restaurant de la Cité
administrative Mâcon (Rescam). Entre volonté politique, rigueur
économique, subventions, rapport qualité-prix, opportunités commerciales
ou encore faisabilité technique… l’équilibre est fragile.
Par Publié par Cédric Michelin
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Entre 2,55 et 10,4 € pour un même repas. L’écart des prix publics est grand au Restaurant Cité administrative Mâcon. Pas de fraude à l’horizon pourtant. Le Rescam est le restaurant des administrations d’Etat. Se cache donc derrière une association surveillée par la Direction départementale des finances publiques. Le président de l’association Rescam, Gilles Hoarau doit d’années en années « trouver un équilibre économique ». Pas évident. Car, de plus, le restaurant n’est ouvert "que" « 150 » midis par an. Les fonctionnaires mangeant ont aussi des tarifs différenciés « selon leurs indices » dans la fonction publique. Enfin, le Rescam ne doit pas « chercher à concurrencer de trop » les restaurants alentours. D’où le prix « raisonnable » fixé à 10 € pour les visiteurs.

36.000 repas par an



Au final, le Rescam tourne tout de même à plus de 36.000 repas en 2015, au rythme de 200 convives environ chaque jour. L’association reçoit pour chaque repas, « 1,22 € de subvention de l’Etat, subvention établie par arrêté Ministériel, avec un complément de 2 € des administrations (DDPP, DDT…) cotisantes. Il reste donc à charge 4,5 € pour les adhérents ». Soit environ 7 € en moyenne facturée par plateau.
De l’autre côté, le coût achat moyen du menu « économique » (entrée + plat + dessert) calculé sur l’année est de 3,08 € au Rescam. « Evidemment, plus la fréquentation augmente, plus le prix baisse », raisonne Gilles Hoarau. Un discours logique de gestionnaire… ne mentionnant pas forcément la qualité en retour.
Depuis la circulaire ministérielle de 2015, le contrat entre le Rescam et son prestataire prévoit pourtant de donner une priorité aux circuits courts et aux produits frais, de saison, en particulier, s’agissant des viandes, à celles produites en Saône-et-Loire et à proximité. Le préfet, Gilbert Payet insiste sur cette volonté « de faire des efforts pour montrer que c’est possible de jouer la carte du local et de la qualité ». Le président de la Chambre d’Agriculture, Christian Decerle vérifiait de lui-même.

50 % de produits locaux



Un nouveau prestataire a donc été sélectionné début juin. Il s’agit de la société API Restauration. Basée près de Lille, cette société est le 4e opérateur national et officie dans une quarantaine de départements en France. Le chef du secteur Saône-et-Loire, Christophe Peltier explique préparer 1.500 couverts par jour dans le département (Maisons de retraite, établissements scolaires…).
Pour aller dans le sens de la commande publique, la société a donc du « intégrer des fournisseurs locaux » et communiquer dessus. Pour l’heure, elle annonce au Rescam de fortes proportions : « 47 % pour les fruits et légumes ; 45 % pour les viandes ; 55 % pour les produits laitiers et 100 % pour le pain ». Tous ces produits sont cuisinés sur place. API Restauration fournit une « prestation clé en main » pour cela. De la gestion à l’embauche du personnel en cuisine (6,5 ETP) en passant par l’organisation et les formations. Pour le reste, une cuisine centrale livre depuis Genlis près de Dijon.

10-20 % plus cher



« Nous sommes 10-20 % plus chers que nos concurrents », reconnaît-il. D’API Restauration toujours, Didier Hurel, le responsable des achats Sud Bourgogne, part auditer les producteurs pour les référencer ou non. « C’est parfois compliqué de trouver les producteurs, ou alors ils ne peuvent pas livrer, ou bien, on les écarte en raison des normes d’hygiène... Mais le niveau monte », juge-t-il. Il a par exemple du mal à trouver du… lapin ! Le chef cuisinier d’API pour le Rescam, Christian Mathuriau travaille également avec des producteurs locaux par l’intermédiaire de l’association Terroirs de Saône-et-Loire qui œuvre depuis quatre ans, justement pour ce rapprochement.

Du sur-mesure…



De la société Volailles Fontanel, Sandrine Orcel fait partie de ses fournisseurs directs. Elle « se bat pour promouvoir les produits de nos régions ». L’entreprise familiale basée à Crèches-sur-Saône propose uniquement les produits « de qualité » des abattoirs locaux (Guillot-Copreda à Cuisery ; Mairet à Branges ; Palmidor à Trambly…) mais aussi d’autres plus éloignés (Landes, Bretagne…). « Avant, nous étions dédiés aux bouchers-traiteurs mais, avec leurs disparitions progressives, nous avons dû nous tourner vers les collectivités en 1988. C’est un marché avec des "monstres" qui cassent les prix. Il faut donc un service de qualité. On livre à la demande, sans imposer de tonnage, entre 4h30 et 8h. Mais, cela ne suffit plus, on perd des clients », témoigne cette fille de volailler. L’entreprise est désormais « obligée de se diversifier » à nouveau et va sur les marchés des particuliers, des CE ou des associations.

…ou des quantités



A côté d’elle, Thomas Bernard de la laiterie du même nom à Saint-Vincent-des-Près présente sa gamme de fromages et de desserts pour les collectivités. La laiterie travaille déjà avec Bourgogne Repas ou la Sogeres. Depuis mi-2016, Thomas Bernard a rajouté API à sa liste de clients "pro". « On souhaiterait s’étendre » en profitant du réseau national d’API. « C’est jouable », a-t-il l’impression suite aux bons retours « mais ce sera aussi délicat car ils n’ont pas un gros budget pour les produits locaux et pour nous, cela implique de créer des produits moins chers, en faisant plus de quantités pour satisfaire leur demande ».
Deux exemples symboliques et symptomatiques… Au-delà des effets d’annonces,les producteurs attendent donc d’avoir un minimum d’engagement de la part des sociétés de restauration sur des volumes de commandes afin d’organiser leur production. Faute de visibilité, l’offre locale peinera à se structurer.

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