Le maire de Versaugues auditionné pour avoir curé un fossé
A Versaugues, des travaux de remise en état d’un fossé ont valu au maire de la commune d’être convoqué à la gendarmerie pour être auditionné. Une affaire de trop illustrant le climat détestable entretenu dans les campagnes par la police de l’eau.

Maire de Versaugues, Louis Accary a entrepris en 2015, avec la commission voirie de son conseil municipal, de remettre en état un fossé et un chemin communal très endommagés. « Le fossé était complètement comblé et c’est le chemin qui faisait office de fossé à sa place. L’ouvrage était infesté de ragondins. Cela faisait trente ans qu’aucun entretien n’avait été réalisé », décrit Louis Accary. Une première partie du fossé a été curée en 2015, « sans rien demander à personne », reconnait le maire. Au printemps 2018, alors que la commune s’apprêtait à poursuivre ces travaux, le maire, par ailleurs membre de la Chambre d’agriculture, s’est procuré auprès de cette dernière la carte des cours d’eau de sa commune. Sur le document officiel issu de la DDT, le fossé en question n’apparaissait pas comme classé « cours d’eau ». Par acquis de conscience, l’élu communal a fait une demande auprès de l’Agence Française pour la biodiversité – la police de l’eau dépendant du Ministère de l’Environnement. Dans son courriel posté au mois de mai, Louis Accary requérait l’avis de l’administration compétente et un rendez-vous sur place pour présenter son projet.
Sans réponse de la part de l’administration concernée, le maire a renouvelé sa demande en juin et cette fois, l’Agence pour la biodiversité (AFB) lui a demandé de fournir la carte de la DDT et d’apporter quelques précisions géographiques. Nouveau silence jusqu’en juillet où le maire a du réitérer sa demande.
« Avis favorable… »
Une réponse est intervenue le 13 juillet informant qu’un agent de l’AFB s’était rendu sur place le 21 juin. Le maire n’en avait pas été informé. Dans ce courrier officiel, il est d’abord expliqué que « l’écoulement » en question, « bien que de dimension modeste, possède toutes les caractéristiques d’un cours d’eau ». Ce qui contredit la carte fournie par la DDT. D’autre part, l’AFB précise cependant que « l’entretien du cours d’eau pourra intervenir sans démarche particulière… », dans le respect des règles du code de l’environnement toutefois. « Ainsi les travaux pourront consister à : déboucher les passages busés existants sur 10 m de part et d’autre des ouvrages ; reprendre les passages mal positionnés sous dimensionnés ou défectueux, etc… », précise le courrier de l’administration qui conclut que « dans la mesure où ces préconisations seront prises en compte, nous émettons un avis favorable à la réalisation des travaux ». En toute bonne foi, la commune y a vu l’autorisation de refaire le fossé et avec tous les propriétaires concernés et les fermiers, elle s’est organisée pour réaliser les travaux.
Commune maître d’oeuvre
Le fossé étant un fossé dit « banal », son entretien est à la charge des propriétaires. Ces derniers ont demandé à la commune de gérer les travaux à leur place et de ce fait, le maire a accepté d’assumer la responsabilité et le suivi du chantier auprès de l’entreprise retenue. C’est la commune qui devait régler le coût de la prestation à l’entreprise. Ensuite, les propriétaires ont reversé leur cote part à la municipalité suivant une convention signée entre les parties, précise Louis Accary. La réalisation des travaux est intervenue fin octobre. L’opération a été rondement menée. « Les fermiers ont roulé la terre. Ils se sont chargés de déboucher les aqueducs à l’aide d’une puissante tonne à eau. L’entreprise a remplacé les deux aqueducs détruits. Nous avons respecté les consignes de la police de l’eau en termes de longueur et de profondeur vis-à-vis du lit du fossé », confie le maire.
Audition de deux heures trente
Huit jours après la fin des travaux, un agent l’Agence pour la biodiversité était sur place, visiblement mécontent de la nature de l’ouvrage. Cette fois, le maire n’a pas attendu longtemps avant d’avoir des nouvelles de l’administration verte, en uniforme et armée. Louis Accary s’est retrouvé convoqué pour audition à la Gendarmerie de Paray-le-Monial dans le cadre d’une procédure avec enquête, « soupçonné d’avoir commis ou tenté de commettre l’infraction de : modification du profil en long et en travers d’un cours d’eau », « susceptible de constituer l’infraction suivante : exécution sans autorisation de travaux nuisibles à l’eau ou au milieu aquatique… ». Une audition de près de 2 heures 30 au cours de laquelle, le maire a découvert que la carte sur laquelle il s’appuyait n’avait pas été actualisée. Au terme de cette audition, le maire s’est vu demander s’il reconnaissait l’infraction, ce à quoi il a eu la sérénité de répondre non. Sa demande d’une copie du procès-verbal lui a été refusée, tandis qu’un compte-rendu de l’audition devait être envoyée au Procureur.
Dernier épisode en date : la police de l’eau veut maintenant auditionner aussi l’entreprise qui a réalisé les travaux. L’étape de trop pour Louis Accary qui, en temps que maire, tenait à assumer seul la responsabilité de l’ouvrage et qui redoute qu’ensuite, ce soit au tour des propriétaires d’être entendus. Cet enchaînement de procédures a fini par révolter le maire de Versaugues. Après avoir témoigné son indignation à la dernière session de la Chambre d’agriculture, Louis Accary a demandé à recevoir sur place la sous-préfette de Charolles. La visite est prévue ce 21 décembre.
« Appel au bon sens »
Pour l’élu communal, ce climat détestable autour de tout ce qui touche aux cours d’eau ne peut plus durer. « J’ai reçu des témoignages d’autres maires. Ils ont tous peur de ces agents de la police de l’eau. Du coup, plus personne n’ose rien faire et l’entretien ne se fait même plus ! », confie Louis Accary qui voudrait, à travers son témoignage, « faire évoluer les choses pour qu’on arrive à s’y prendre autrement en la matière". L’élu en appelle au bon sens. « Que les cartes soient actualisées et qu’on se mette d’accord une bonne fois pour toute sur la classification des cours d’eau ». Que les agents de l’AFB, auxquels le maire reproche d’avoir été sourds à ses demandes en amont des travaux, soient moins dans la répression et plus dans le dialogue constructif. Clairement, l’application policière de la législation sur l’eau doit évoluer. Car tant que les impératifs environnementaux seront appliqués de façon vexatoire ou punitive, ils ne pourront emporter l’adhésion de la population. D’autant plus si tout concourt à entretenir une fracture sourde entre une administration technocratique hors-sol et une réalité de terrain toujours ignorée.