Le Syndicat caprin de Saône-et-Loire promeut l’engraissement des chevreaux à la ferme
Le syndicat caprin de Saône-et-Loire encourage les éleveurs à engraisser leurs chevreaux à la ferme. Le projet collectif Cabri + est là pour les accompagner.

Lors de la dernière assemblée générale du syndicat caprin de Saône-et-Loire (lire notre précédente édition), il a longuement été question du projet de valorisation de la viande de chevreaux fermiers dans lequel est engagé l’élevage départemental. Jérôme Normand de l’Institut de l’Élevage est venu présenter Cabri +, une démarche collective nationale qui implique la Fédération Nationale des Éleveurs de Chèvres, la Ferme expérimentale du Pradel (Ardèche) et neuf partenaires territoriaux dont la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire.
Une filière autrefois très prisée
Le projet Cabri + est né des difficultés grandissantes dans la collecte des chevreaux, rappelait Jean-Philippe Bonnefoy, président du syndicat caprin. Quand les chevreaux trouvent un débouché, leurs carcasses trop légères sont mal valorisées : en barquettes, libre-service, à bas prix… Seulement trois gros opérateurs se partagent l’essentiel des chevreaux à l’échelle nationale sans grande conviction… Ces abatteurs sont en effet plus intéressés par le lapin ou la volaille… « Pourtant, autrefois, la vente des chevreaux sur les marchés était un grand moment », remémore Jean-Philippe Bonnefoy. Comme si les opérateurs avaient fait mourir une filière… « La viande de chevreau est une viande fine, la plus consommée dans le monde ! », défend le président. Aussi, « il faut que ce soit nous qui relancions la dynamique. Nous avons la chance d’avoir des outils d’abattage locaux. En tant que naisseurs de cabris, nous avons déjà effectué les trois quarts du travail et nous faisons tous de la vente directe ». La démarche collective Cabri + est là pour accompagner les éleveurs qui souhaitent se lancer dans l’engraissement de leurs chevreaux à la ferme.
Des freins et des points positifs…
Le projet Cabri + se décline dans neuf territoires, dont la Saône-et-Loire, où des groupes d’éleveurs se sont constitués. La démarche passe par un état des lieux de l’existant avec inventaire des ressources, cartographie des acteurs… Une étape est consacrée à l’identification des freins et points positifs. De ce travail découlent des leviers d’actions bâtis sur les besoins et attentes des éleveurs.
Les freins identifiés portent sur la main-d’œuvre, la maîtrise technique (alimentation, bâtiment, sanitaire…), la rentabilité (marge). Des questionnements portent aussi sur l’aval avec la disponibilité des abattoirs et des ateliers de transformation, les relations avec ces outils, la rentabilité d’une valorisation en circuit court… Un frein réside aussi dans la méconnaissance de la viande de chevreau par les consommateurs.
Des points positifs ont aussi été recensés comme la fierté, pour les éleveurs, de pouvoir valoriser l’ensemble des produits issus de leurs élevages. Ils sont également motivés par l’idée de promouvoir cette viande auprès des restaurateurs.
Itinéraire technique, coûts de production, promotion…
Pour 2025-2026, il est prévu de réaliser une frise chronologique de l’engraissement retraçant tout l’itinéraire technique de cette production. Concernant la rentabilité, les groupes vont travailler sur le coût de production. En Saône-et-Loire, les éleveurs du groupe Cabri + réfléchissent à un atelier collectif.
Au niveau de l’aval, il est prévu d’actualiser l’inventaire des prestations proposées par les abattoirs locaux (découpe, transformation, tarifs). Le plan d’action prévoit de rencontrer les différents opérateurs. Un travail est également programmé sur la valorisation des carcasses, pour « recenser tout ce qu’il est possible de faire », y compris la faisabilité d’un report de viande faisant appel à une congélation… Le projet se donne comme objectif d’identifier collectivement un produit phare à base de viande de chevreau. Une forme de promotion originale est également à l’étude de même que des actions en direction des restaurateurs, formations pour les futurs bouchers et cuisiniers, travail avec les collectivités territoriales… Au terme de cet exposé, Jean-Philippe Bonnefoy encourageait les éleveurs à participer au groupe Cabri + en Saône-et-Loire.
Des fromages de chèvres et des volailles de Bresse

À l’issue de l’assemblée générale du syndicat caprin, Delphine Cuvillier et Joseph Sachetat ont ouvert les portes de leur exploitation qui produit fromages de chèvres, volailles de Bresse, bovins charolais et même énergie solaire à Frontenard. Les chèvres sont apparues sur cette exploitation familiale au début des années 1970. La Guyotte Ferme Bressane trait aujourd’hui entre 80 et 120 chèvres et transforme près de 100.000 litres de lait par an pour un chiffre d’affaires fromager d’environ 240.000 €, révèle Joseph Sachetat. L’élevage est au contrôle laitier et adhère à Cap Gènes depuis 1976. La production annuelle par chèvre est montée jusqu’à 1.000 kg il y a quelques années avant de chuter brutalement, confie Joseph. Un déséquilibre minéral et les foins peu appétant de cette année en seraient à l’origine, explique l’éleveur. La ferme de la Guyotte a une conduite très technique. Le troupeau est en pâturage tournant. Les chèvres reçoivent également du maïs grain à raison de 400 g par jour et par chèvre et 600 à 700 g de concentré à 23 % de MAT. La quantité de tourteau est modulée en fonction de la pousse de l’herbe et l’alimentation est adaptée au quotidien en fonction de la qualité du lait et du caillé en fromagerie, explique Joseph. Bien que les fromages de la ferme ne bénéficient d’aucune appellation, l’éleveur s’impose son propre cahier des charges sans OGM ni huile de palme, fait-il valoir. La Guyotte Ferme Bressane transforme du lait toute l’année. La reproduction du troupeau est dessaisonnée. Les trois ateliers permettent de valoriser tous les sous-produits de la ferme. Le mauvais foin et les refus vont aux charolaises. Le lactosérum est quant à lui distribué aux volailles de Bresse.
Delphine et Joseph écoulent beaucoup de fromages auprès de professionnels, grossistes de Rungis, restaurateurs, crémiers… et la vente directe complète les débouchés. Le bassin de consommation local est plutôt restreint. Et, historiquement, la Bresse est une zone très influencée par le fromage comté, fait valoir l’éleveur.
Le lait est transféré à l’aide d’un tank à lait du bâtiment d’élevage à la fromagerie située à quelques centaines de mètres. Dans un petit atelier de transformation, Delphine Cuvillier transforme 300 litres de lait par jour. Ingénieure agro de formation ayant travaillé un temps au centre fromager de Bourgogne, elle a pour habitude d’utiliser du ferment indigène. La gamme de fromages se compose de lactiques et de tomes affinées dans un hâloir spécifique.
Les volailles de Bresse constituent plus de 60 % du revenu de l’exploitation, fait valoir Joseph. La ferme dispose de son propre abattoir et elle est agréée pour les 4 AOP de la volaille de Bresse. Avec 30.000 volailles abattues par an (dont 10.000 pour d’autres producteurs), la ferme de la Guyotte détient le plus gros abattoir fermier de Saône-et-Loire, signale l’éleveur. La structure occupe jusqu’à vingt personnes à l’approche des fêtes de fin d’année.
Cap’Climat Territoires pour s’adapter au changement climatique
L’autre grand projet national sur lequel les éleveurs caprins de Saône-et-Loire se sont engagés est Cap’Climat Territoires. Il s’agit d’adapter la conduite des exploitations au changement climatique. On s’attend à « une hausse moyenne de + 4°C d’ici la fin du siècle », rappelait Caroline Sauvageot de l’Institut de l’Élevage. Globalement, il n’y aurait pas moins de pluies, mais elles seraient moins bien réparties dans l’année avec des extrêmes secs et humides. Quel sera l’impact de ce changement climatique sur la pousse de l’herbe ? Grosso modo, l’arrêt de la pousse printanière interviendra plus tôt dans la saison et les repousses d’automne seront plus ou moins au rendez-vous. On verra une augmentation de la fréquence d’années à printemps pluvieux et d’années sans repousse d’automne alors que les années poussantes seront plus rares. La conclusion de ce tableau est qu’il faudra à tout prix « réussir les récoltes de printemps et ne pas se louper », résumait Caroline Sauvageot. Les éleveurs engagés dans la démarche Cap’Climat Territoires cherchent ensemble comment adapter leur gestion de l’herbe à ce changement climatique.