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Pensons ensemble

Les erreurs des générations passées

Une de nos récentes rubriques "Pensons ensemble" –consacrée aux propos
d’Erik Orsenna– a suscité la réaction d’un de nos fidèles lecteurs,
Louis Collaudin. Nous reproduisons ici son analyse, dans laquelle chacun
verra la hauteur de l’analyse qui caractérise indéniablement cet ardent
militant syndical.
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« Dans le numéro de L’Exploitant Agricole de Saône-et-Loire du 1er juin, j’ai lu avec intérêt la page consacrée aux positions d’Erik Orsenna, sur la situation de l’agriculture dans l’opinion publique aujourd’hui.
J’avais déjà entendu, avec intérêt, ce même intervenant à Cluny, lors d’une réunion sur l’Agriculture, alors organisée par le Parti socialiste. À cette occasion, avec le même courage, il avait dit son opinion face à une salle pourtant acquise, pour partie, aux discours des "semeurs de peur" : c’est ainsi que je nomme ceux qui, sans cesse soutenus par certains médias, sèment le trouble dans l’opinion, n’acceptant pas l’arbitrage de la recherche, lequel arbitrage risquerait d’aller à l’encontre de leurs soi-disant vérités, comme lors de certaines de leurs interventions dans les centres de recherche de l’Inra. Et sa position reprenait alors le même ton que dans le relevé de ses interventions, parues dans notre journal du 1er juin.
Agriculteurs jeunes et anciens…
Mais c’est sur un autre fait que je veux revenir dans le débat que souhaite ouvrir L’Exploitant Agricole de Saône-et-Loire "Pensons ensemble". Le Journal de Saône-et-Loire, début mars, relatait le déroulement de l’assemblée des Jeunes agriculteurs. Avec en gros titre : "Autocritique pour progresser". Ce papier rapportait alors les propos tenus par le représentant du CNJA, Nicolas Mounier ; l’article relevait ainsi, dans les positions exprimées par celui-ci, que les erreurs de l’agriculture, au plan de l’environnement, n’étaient pas dues « aux agriculteurs d’aujourd’hui », termes exacts rapportés par le journaliste, ce qui revenait à faire rejaillir la responsabilité sur les agriculteurs d’hier.
Je n’ai pu m’empêcher de réagir, et cela dès le 18 mars en transmettant un courrier au CNJA, espérant qu’il arriverait à son destinataire, présent à l’assemblée de Saône-et-Loire, et que celui-ci, peut-être, démentirait les propos rapportés dans le journal. À ce jour, aucune réponse du CNJA.
J’avais également fait connaître mon sentiment, et ma réaction au président des JA de Saône-et-Loire, et là, je dois reconnaître qu’il a tenté de me joindre par téléphone, mais nous n’avons pas encore pu nous expliquer de vive voix, étant absent lors de son appel.
La "Révolution silencieuse"…
Ce que j’avais rappelé au CNJA, dans mon courrier, c’est un peu ce qu’avaient vécu tous ceux de ma génération, pour appuyer, le formidable développement de l’agriculture des années 1950.
D’abord le problème de la faim des années de guerre, où j’ai vu moi-même les Lyonnais venir jusqu’à La Clayette pour trouver de quoi se nourrir dans ces moments de disette.
Puis l’appel qui nous fut lancé par la nation, "pour retrousser nos manches" et ainsi produire la nourriture dont notre pays avait besoin. Nous y avons répondu ; je me souviens, dans notre secteur, de la création du Ceta (Centre d’études techniques agricoles) dans les années 1950, puis du GVA, enfin de la venue du premier technicien agricole de la chambre d’agriculture sur nos secteurs de Matour et de La Clayette, pour lancer la "Révolution silencieuse" et ainsi répondre à l’appel qui nous avait été lancé par le pays dans son entier, pouvoirs publics et population, qui tous comprenaient à ce moment la nécessité d’augmenter la production de nourriture.
Quelle responsabilité ont les agriculteurs d’hier dans les problèmes environnementaux d’aujourd’hui ?
Nous avons à la fois répondu à un appel à produire, et aux choix des consommateurs toujours à la recherche du prix le plus bas, et des distributeurs, faisant pression sur nos prix, pour répondre aux choix des clients.
Nous avons –à une époque où la seule formation agricole était les cours par correspondance– fait confiance à la recherche, et au savoir de ceux qui nous assistaient techniquement, et nous nous sommes lancés dans l’intensification. Nous avons utilisé des produits, engrais ou produits de traitements, testés et ayant toujours, une autorisation de mise en marché.
Nous avons monté des ateliers hors sol pour répondre à la demande, et combler l’exode rural, qui conduisait et à l’agrandissement et à l’intensification.
Depuis les années 1975-1980, notre pays est devenu un exportateur important, participant à la richesse du pays, et à la diminution de la dette.
Face aux prévisions de l’augmentation de la population mondiale, je ne crois pas que l’on reviendra à l’agriculture des années d’avant-guerre, avec quelques volailles dans la cour, et des labours par des vaches et des bœufs, ce que souhaitent certains "faiseurs de peur". Et j’en ai rencontré et entendu l’un d’eux sur ce sujet…
Si effectivement il y a eu des erreurs, dont les responsabilités sont partagées, la recherche et les organismes d’autorisation de mise en marché des produits de traitements –et non des pesticides, comme ils sont nommés péjorativement– doivent travailler pour répondre à ce souci, que j’ai toujours partagé, de laisser notre terre intacte et productive aux générations qui nous suivent.
Je puis témoigner qu’au temps où certaines hormones étaient autorisées pour la volaille, dans notre exploitation, du jour où l’une d’elles a été jugée dangereuse et interdite, nous avons arrêté son emploi.
Alors de grâce, ne culpabilisons pas à outrance notre génération qui a participé au développement de notre pays, mais continuons à demander à nos chercheurs de trouver les vraies solutions à ces problèmes et que cesse cette condamnation permanente, et ces mobilisations outrancières, comme celles contre des élevages hors-sol en projets : Chassigny-sous-Dun, Reclesne, Vérosvres entre autres parmi les récents qui me viennent à l’esprit.
Sinon, c’est là encore des déséquilibres qui se produiront –citons par exemple le manque d’œufs dans notre pays aujourd’hui– et qui accroîtront le déficit commercial de notre pays.
À l’heure où le problème de la dette de notre pays met en danger et notre équilibre financier et notre économie, de grâce arrêtons ces dénonciations permanentes et faciles (faire peur sans certitudes scientifiques) et respectons un peu plus ce travail des agriculteurs qui, même de façon intensive, veulent contribuer au développement général.
Et je souhaite que là aussi, les médias abordent ces problèmes avec moins de complaisance et plus de retenu, ayant la patience d’attendre les réponses de nos organismes de recherche ».




Parce qu’il y en plus dans cent têtes que dans dix et a fortiori que dans une seule, parce que le réseau professionnel est fort et riche de ses nombreuses initiatives, L’Exploitant Agricole de Saône-et-Loire dispose d’une rubrique "Pensons ensemble". Celle-ci est destinée à enrichir le collectif de ses propres expériences et/ou réflexions, et ainsi à amener de la réflexion à tous.

Alors vous aussi, vous souhaitez partager –dans un sens constructif– une expérience, une idée, une opinion, n’hésitez pas, contactez Nicolas Durand par téléphone au 03.85.29.55.29 ou par courriel à ndurand@agri71.fr.