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L’ergot sur les céréales

Méfiez-vous des grains noirs !

Outre les conséquences économiques que la contamination des plantes par l’ergot (Claviceps purpurea) peut engendrer au niveau des cultures, l’ingestion par les bovins d’aliments contaminés par ce champignon est à l’origine d’une intoxication qui peut se manifester de diverses manières. Dans cet article, une revue des symptômes observés chez les bovins intoxiqués à l’ergot est présentée ainsi que les moyens de diagnostic et de prévention.
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L’ergot est susceptible de contaminer différentes herbes et céréales : blé, triticale, orge… et toutes sortes de graminées herbacées.
La sévérité de la contamination des plantes par l’ergot varie d’une année à l’autre car elle dépend avant tout des conditions climatiques. Le temps frais et humide augmente les risques de contamination des plantes en favorisant la germination des sclérotes et ainsi la production de spores, mais également en prolongeant la période pendant laquelle les fleurons restent ouverts sur la plante. L’obscurité, le temps sombre et le temps sec sont défavorables au développement de l’ergot. La carence des sols en cuivre augmenterait aussi les risques de contamination des céréales. En détournant à son profit le carbone absorbé par la photosynthèse, l’ergot retarde la maturité du grain et entraîne des pertes économiques considérables suite à la baisse du rendement et à la dévalorisation de la qualité de la récolte.
Du point de vue chimique, l’ergot contient, à différentes concentrations, plusieurs alcaloïdes. Certains alcaloïdes induisent principalement une contraction des fibres musculaires lisses, ce qui provoque notamment une vasoconstriction au niveau des petits vaisseaux. Ces alcaloïdes peuvent donc être toxiques pour les animaux.

Symptomatologie



L’intoxication à l’ergot est un trouble connu depuis longtemps chez différentes espèces : bovins, ovins, caprins, chevaux, chiens et oiseaux et même chez l’Homme.
Chez les bovins, des signes d’intoxication peuvent apparaître à partir de 0,02 % de concentration dans l’alimentation (sur base du poids en matière sèche). Classiquement, cette intoxication se manifeste principalement sous deux formes :
- soit sous forme nerveuse, beaucoup plus fréquente chez les carnivores, les chevaux et les ovins ;
- soit sous forme gangreneuse, plus fréquente chez les bovins, et dont la conséquence physiopathologique la plus spectaculaire est la nécrose, ou gangrène sèche des extrémités.
Certains auteurs considèrent que les avortements constituent la troisième forme de l’intoxication à l’ergot.
La forme nerveuse serait due à l’absorption de grandes quantités d’ergot en une seule prise (forme aiguë) alors que la forme gangreneuse serait due à une ingestion plus prolongée dans le temps de petites quantités d’ergot (forme chronique).
Chez les bovins, le premier symptôme généralement observé est une boiterie qui concerne principalement les membres postérieurs et qui peut apparaître 2 à 6 semaines après l’exposition à l’alimentation contaminée. Les articulations gonflent et, quelques jours après, une perte de sensibilité et une gangrène sèche se développent. Cette gangrène est due à la vasoconstriction qui entraîne l’anoxie des tissus. La boîte cornée des onglons peut même se détacher et la queue et les oreilles peuvent être atteintes de la même façon.
D’autres signes cliniques ont été décrits : hyperthermie, problèmes respiratoires (tachypnée, dyspnée), tachycardie, grands besoins en eau, salivation importante, diarrhées, problèmes cutanées, troubles de la reproduction, avortements, chute de production laitière, inappétence, défaut de croissance…

Prévention



Le retrait des aliments contaminés de la ration constitue la clé de voûte du traitement de l’intoxication. Néanmoins, la prévention contre la contamination reste le meilleur moyen pour éviter les intoxications chez les animaux. Dans tous les cas, il faut éviter de distribuer des aliments contaminés au bétail. Pour la meunerie, la réglementation européenne déclare non admissible à l’intervention les lots de froment et de seigle contenant respectivement plus de 0,06 % et 0,05 % en poids de sclérotes. La prévention de la contamination des plantes passe par plusieurs étapes :
- rotation des pâturages : la sclérote de l’ergot reste viable dans le sol une année seulement ;
- labourer profondément les terrains infestés : l’enfouissement des sclérotes au-delà de deux centimètres et demi empêche leur germination ;
- utiliser des semences non-contaminées : il convient de séparer les grains contaminés par l’ergot du reste du grain. Ce nettoyage peut se faire, soit mécaniquement, soit en plongeant les grains dans une solution saline à 25 % (chlorure de sodium ou de potassium). Les sclérotes vont flotter et il suffit alors de les enlever, de rincer les semences, de les sécher et de les semer ensuite ;
- doser le cuivre dans le sol et supplémenter si nécessaire (5 à 30 kg de CuSO4/ha/an) : sur des sols riches en cuivre, le degré de contamination des céréales (le seigle mis à part) est minime voire nul ;
- stocker les semences pendant deux ans : les sclérotes de l’ergot vont mourir alors que les grains resteront viables durant plusieurs années encore ;
- moyens de lutte biologiques : certaines maladies s’attaquent à l’ergot (hyperparasitisme). Les champignons Gibberella gordonia et Fusarium roseum seraient les hyperparasites les plus prometteurs dans le cadre d’une lutte biologique contre l’ergot.
L’intoxication à l’ergot n’appartient pas au passé et est toujours bien d’actualité. Dans les cas où la contamination des grains est visible, le diagnostic est assez facile à poser, ce qui n’est pas le cas si les grains contaminés sont transformés. En cas de suspicion, une analyse de laboratoire est indispensable.
C. C., GDS 71
Ces données sont principalement issues d’un travail de synthèse “l’intoxication à l’ergot chez les bovins”, réalisé par Brihoum M., Desmecht D., Rollin F. (Université de Liège) et Bony S. (Inra Lyon).