Réforme de la Pac
Moins commune, plus verte et redistribuée
Une politique agricole un peu plus écologique, redistributive avec bon
nombre d’options nationales : tel est le résultat des négociations qui
ont abouti, le 26 juin, à un accord politique sur la réforme de la Pac
scellé dans les locaux du Parlement européen.
nombre d’options nationales : tel est le résultat des négociations qui
ont abouti, le 26 juin, à un accord politique sur la réforme de la Pac
scellé dans les locaux du Parlement européen.
Les pourparlers ont été ardus entre les États membres et les députés, qui exerçaient leur pouvoir de codécision pour la première fois sur un dossier aussi vaste et sensible, mais aussi au sein du Conseil agricole des Vingt-sept, où, entre autres, n’a pas brillé l’entente franco-allemande.
Le verdissement des aides, même quelque peu édulcoré, est sans nul doute l’aspect le plus spectaculaire de cette Pac de l’après-2013, qui, s’agissant des paiements directs, sera mise en œuvre seulement en 2015. Un virage, mais en douceur. Toute aussi prudente, la convergence tant au niveau national ou régional qu’entre les États membres n’en est pas moins un autre élément novateur. Elle conduit aussi à une redistribution des aides qui, pour le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, devrait surtout bénéficier aux éleveurs. Reste que, pour s’adapter aux contraintes diverses des agricultures – et des gouvernements – de l’Union, cette politique perd un peu plus de sa dimension commune. Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a annoncé ouvrir très bientôt une phase de concertation pour définir ses modalités françaises.
[WEB]Après trois jours de négociations intenses, le Parlement européen, la Commission et le Conseil sont parvenus le 26 juin à un accord politique sur la réforme de la politique agricole commune pour la période 2014-2020.
« C’est un changement de paradigme dans la Pac, car pour la première fois depuis très longtemps, on ne change pas seulement quelques règles ici et là mais on touche en profondeur à la répartition des fonds agricoles », a estimé le commissaire européen Dacian Ciolos.
Les négociateurs du Parlement européen avaient été invités à prendre part aux discussions du Conseil à Luxembourg. Les députés se sont faits désirer mais ils sont finalement venus le 24 juin. Ces discussions ont permis de trouver des accords sur la quasi-totalité du règlement sur les paiements directs (notamment le verdissement, la convergence interne des aides et le soutien aux jeunes agriculteurs) et sur le développement rural. La négociation s’est faite par “paquet”. Par exemple, les questions des jeunes agriculteurs, des petits agriculteurs et des agriculteurs actifs se sont réglées ensemble. Sur une proposition du commissaire européen, il a été décidé d’adopter un dispositif obligatoire pour les jeunes en contrepartie d’une mise en œuvre volontaire du dispositif pour les petits agriculteurs et d’une liste réduite d’activités exclues de facto du bénéfice des soutiens directs.[/WEB]
L’OCM bloque les discussions
Sur les volets organisation commune du marché (OCM unique) et gestion et financement de la Pac (règlement horizontal), de nombreux points restaient à régler. Le Parlement européen a longuement tenté de remettre en question l’interprétation de l’article 43 (3) du traité de Lisbonne conférant au Conseil le pouvoir d’adopter, sur proposition de la Commission, « les mesures relatives à la fixation des prix, des prélèvements, des aides et des limitations quantitatives ». Le Conseil s’est montré intransigeant, ne concédant que la fixation des prix de référence. La chancelière allemande, Angela Merkel, s’est impliquée personnellement dans le débat. Les questions du sucre (date de fin des quotas) et du lait (extension des règles du paquet lait) ont également occupé le centre des discussions.
L’axe franco-allemand totalement grippé
Sur la base de cette première journée de négociations, le lendemain, le Conseil a pu revoir, non sans mal, son mandat. Durant ces discussions, la France et l’Allemagne se sont vivement opposées sur la régulation des marchés. Dans l’ensemble, la France a obtenu ce qu’elle voulait, Berlin n’étant pas parvenu à bloquer les dispositions sur l’organisation des marchés, et notamment le renforcement du pouvoir de négociation des producteurs dans la chaîne alimentaire. Au final, à l’occasion du vote du Conseil le mardi soir, l’Allemagne, qui n’avait pas non plus apprécié la hausse des aides couplées et la limitation de l’effort de convergence (alors que cette convergence est effective chez elle depuis plusieurs années), s’est abstenue sur le règlement OCM, suivie par le Royaume-Uni qui n’a pas manqué l’occasion de faire connaître son désaccord. Une mauvais humeur réitérée lors du sommet européen à propos de son chèque.
À l’occasion du dernier trilogue, le ministre irlandais, Simon Coveney, n’a pas laissé le choix aux députés : soit ils acceptaient l’ensemble, soit le Conseil refusait l’accord en rejetant la faute sur l’Assemblée. Le compromis final correspond donc quasiment mot pour mot au mandat révisé du Conseil adopté le 25 juin dans la nuit. Le 27 juin, l’accord européen sur le budget venait valider certaines options décidées dans le cadre de la Pac.
Une redistribution qui profite avant tout à l’élevage
Quelles sont les grandes lignes de la Pac adoptée ? Le verdissement, évidemment mais aussi un accent donné à une redistribution des aides. Selon le ministre français Stéphane Le Foll, la nouvelle PAC permet surtout une redistribution des aides, « qui profite avant tout à l’élevage ainsi qu’aux exploitations créatrices d’emplois ». C’est le cas de ce qui s’appelle désormais les « paiements redistributifs » passant en particulier par des aides majorées aux 50 premiers ha en France. Une majoration qui profitera surtout aux éleveurs et à la polyculture élevage. Le recouplage d’une proportion des aides (13 % auxquels s’ajoutent 2 % pour les productions contribuant à l’autonomie européenne en protéines) va également dans le sens d’un meilleur soutien et d’une orientation de l’élevage. Enfin, le plafond encadrant les ICHN (Indemnitéscompensatrices de handicaps naturels) a été relevé. Or, cette ICHN vient en aide avant tout aux éleveurs. Autre redistribution importante, le supplément d’aides dont bénéficieront les jeunes
agriculteurs. Tout ceci donne une physionomie nouvelle à une Pac qui inclut beaucoup d’options nationales. En témoigne la grande diversité de réactions, la plus critique étant, en France, celle des grandes cultures (Orama). Mais les Français auront pour la plupart, estimé que le pire a été évité, notamment grâce à l’obtention de quelques
garde-fous comme la limitation à 30% de la baisse maximale possible des aides Pac pour une exploitation. Stéphane Le Foll a annoncé la mise en place rapide d’une concertation pour en définir le détail. La phase 2 dela réforme de la Pac va commencer.
Une renationalisation inévitable à 28 membres
La question du caractère volontaire ou obligatoire des mesures agricoles a occupé le centre des débats tout au long des négociations. Résultat : en dehors du cas des jeunes agriculteurs, cette nouvelle Pac est marquée par une forme de renationalisation, avec de nombreux éléments laissés à la discrétion des Etats membres. Ce que dénonce notamment l’eurodéputé Vert José Bové. Mais pour le commissaire européen Dacian Ciolos, ces critiques viennent des anciens États membres de l’UE : « Maintenant nous sommes 28 États membres ! Si nous décidons de règles trop rigides, il y a un risque de sclérose et d’inégalités. Toute politique européenne, de manière générale, doit désormais être adaptable pour que l’Europe ne soit pas quelque chose de trop lourd ». Mais, précise le commissaire, « Bruxelles ne peut pas être qu’un comptable en charge du budget, c’est pourquoi dans cette Pac il y a des objectifs et des outils communs ».
Le verdissement des aides, même quelque peu édulcoré, est sans nul doute l’aspect le plus spectaculaire de cette Pac de l’après-2013, qui, s’agissant des paiements directs, sera mise en œuvre seulement en 2015. Un virage, mais en douceur. Toute aussi prudente, la convergence tant au niveau national ou régional qu’entre les États membres n’en est pas moins un autre élément novateur. Elle conduit aussi à une redistribution des aides qui, pour le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, devrait surtout bénéficier aux éleveurs. Reste que, pour s’adapter aux contraintes diverses des agricultures – et des gouvernements – de l’Union, cette politique perd un peu plus de sa dimension commune. Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a annoncé ouvrir très bientôt une phase de concertation pour définir ses modalités françaises.
[WEB]Après trois jours de négociations intenses, le Parlement européen, la Commission et le Conseil sont parvenus le 26 juin à un accord politique sur la réforme de la politique agricole commune pour la période 2014-2020.
« C’est un changement de paradigme dans la Pac, car pour la première fois depuis très longtemps, on ne change pas seulement quelques règles ici et là mais on touche en profondeur à la répartition des fonds agricoles », a estimé le commissaire européen Dacian Ciolos.
Les négociateurs du Parlement européen avaient été invités à prendre part aux discussions du Conseil à Luxembourg. Les députés se sont faits désirer mais ils sont finalement venus le 24 juin. Ces discussions ont permis de trouver des accords sur la quasi-totalité du règlement sur les paiements directs (notamment le verdissement, la convergence interne des aides et le soutien aux jeunes agriculteurs) et sur le développement rural. La négociation s’est faite par “paquet”. Par exemple, les questions des jeunes agriculteurs, des petits agriculteurs et des agriculteurs actifs se sont réglées ensemble. Sur une proposition du commissaire européen, il a été décidé d’adopter un dispositif obligatoire pour les jeunes en contrepartie d’une mise en œuvre volontaire du dispositif pour les petits agriculteurs et d’une liste réduite d’activités exclues de facto du bénéfice des soutiens directs.[/WEB]
L’OCM bloque les discussions
Sur les volets organisation commune du marché (OCM unique) et gestion et financement de la Pac (règlement horizontal), de nombreux points restaient à régler. Le Parlement européen a longuement tenté de remettre en question l’interprétation de l’article 43 (3) du traité de Lisbonne conférant au Conseil le pouvoir d’adopter, sur proposition de la Commission, « les mesures relatives à la fixation des prix, des prélèvements, des aides et des limitations quantitatives ». Le Conseil s’est montré intransigeant, ne concédant que la fixation des prix de référence. La chancelière allemande, Angela Merkel, s’est impliquée personnellement dans le débat. Les questions du sucre (date de fin des quotas) et du lait (extension des règles du paquet lait) ont également occupé le centre des discussions.
L’axe franco-allemand totalement grippé
Sur la base de cette première journée de négociations, le lendemain, le Conseil a pu revoir, non sans mal, son mandat. Durant ces discussions, la France et l’Allemagne se sont vivement opposées sur la régulation des marchés. Dans l’ensemble, la France a obtenu ce qu’elle voulait, Berlin n’étant pas parvenu à bloquer les dispositions sur l’organisation des marchés, et notamment le renforcement du pouvoir de négociation des producteurs dans la chaîne alimentaire. Au final, à l’occasion du vote du Conseil le mardi soir, l’Allemagne, qui n’avait pas non plus apprécié la hausse des aides couplées et la limitation de l’effort de convergence (alors que cette convergence est effective chez elle depuis plusieurs années), s’est abstenue sur le règlement OCM, suivie par le Royaume-Uni qui n’a pas manqué l’occasion de faire connaître son désaccord. Une mauvais humeur réitérée lors du sommet européen à propos de son chèque.
À l’occasion du dernier trilogue, le ministre irlandais, Simon Coveney, n’a pas laissé le choix aux députés : soit ils acceptaient l’ensemble, soit le Conseil refusait l’accord en rejetant la faute sur l’Assemblée. Le compromis final correspond donc quasiment mot pour mot au mandat révisé du Conseil adopté le 25 juin dans la nuit. Le 27 juin, l’accord européen sur le budget venait valider certaines options décidées dans le cadre de la Pac.
Une redistribution qui profite avant tout à l’élevage
Quelles sont les grandes lignes de la Pac adoptée ? Le verdissement, évidemment mais aussi un accent donné à une redistribution des aides. Selon le ministre français Stéphane Le Foll, la nouvelle PAC permet surtout une redistribution des aides, « qui profite avant tout à l’élevage ainsi qu’aux exploitations créatrices d’emplois ». C’est le cas de ce qui s’appelle désormais les « paiements redistributifs » passant en particulier par des aides majorées aux 50 premiers ha en France. Une majoration qui profitera surtout aux éleveurs et à la polyculture élevage. Le recouplage d’une proportion des aides (13 % auxquels s’ajoutent 2 % pour les productions contribuant à l’autonomie européenne en protéines) va également dans le sens d’un meilleur soutien et d’une orientation de l’élevage. Enfin, le plafond encadrant les ICHN (Indemnitéscompensatrices de handicaps naturels) a été relevé. Or, cette ICHN vient en aide avant tout aux éleveurs. Autre redistribution importante, le supplément d’aides dont bénéficieront les jeunes
agriculteurs. Tout ceci donne une physionomie nouvelle à une Pac qui inclut beaucoup d’options nationales. En témoigne la grande diversité de réactions, la plus critique étant, en France, celle des grandes cultures (Orama). Mais les Français auront pour la plupart, estimé que le pire a été évité, notamment grâce à l’obtention de quelques
garde-fous comme la limitation à 30% de la baisse maximale possible des aides Pac pour une exploitation. Stéphane Le Foll a annoncé la mise en place rapide d’une concertation pour en définir le détail. La phase 2 dela réforme de la Pac va commencer.
Une renationalisation inévitable à 28 membres
La question du caractère volontaire ou obligatoire des mesures agricoles a occupé le centre des débats tout au long des négociations. Résultat : en dehors du cas des jeunes agriculteurs, cette nouvelle Pac est marquée par une forme de renationalisation, avec de nombreux éléments laissés à la discrétion des Etats membres. Ce que dénonce notamment l’eurodéputé Vert José Bové. Mais pour le commissaire européen Dacian Ciolos, ces critiques viennent des anciens États membres de l’UE : « Maintenant nous sommes 28 États membres ! Si nous décidons de règles trop rigides, il y a un risque de sclérose et d’inégalités. Toute politique européenne, de manière générale, doit désormais être adaptable pour que l’Europe ne soit pas quelque chose de trop lourd ». Mais, précise le commissaire, « Bruxelles ne peut pas être qu’un comptable en charge du budget, c’est pourquoi dans cette Pac il y a des objectifs et des outils communs ».