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Urbanisme

Qualification d'un abri de piscine

Trente ans d’application de la loi Spinetta (loi du 4 janvier 1978 qui a instauré des obligations en matière d’assurance construction) n’ont pas tari le contentieux relatif aux ouvrages susceptibles d’entrer dans le champ d’application de la responsabilité décennale.
L’article 1792 du code civil n’ayant pas défini la notion d’ouvrage, celle-ci dépend toujours de l’appréciation souveraine des juges du fond, sous le contrôle de la Cour de cassation.
Les abris de piscine font partie des installations qui suscitent un contentieux régulier en raison des diverses techniques utilisées.
Un arrêt du 30 mars 2011 rendu par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation permet de faire une synthèse de cette jurisprudence.
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Rappel des conditions d’application de la garantie décennale (articles 1792 et suivants du Code civil)
Tout constructeur d'un ouvrage dont l'édification a été entreprise après le 1er janvier 1979 est responsable de plein droit envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage :
- des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ;
- des dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.
Par ailleurs, les constructeurs sont déchargés des responsabilités et garanties pesant sur eux après 10 ans à compter de la réception des travaux.

Les ouvrages immobiliers entrant dans le champ d’application de la responsabilité décennale doivent répondre à deux critères :
- leur réalisation doit faire appel à de véritables techniques de construction, ce qui exclut les travaux de simple pose ;
- ils doivent être attachés au sol ou au sous-sol par des travaux d’implantation ou de fondation même en l’absence d’incorporation véritable au sol.
Il a été ainsi jugé qu’un abri de piscine télescopique de grandes dimensions, dont l’élément le plus grand était fixé au sol, constituait un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil.

A l’inverse, une telle qualification n’a pas été retenue pour un abri rétractable dont la partie fixe était simplement posée au sol par quelques boulons.
La qualification d’ouvrage, lorsqu’elle est rejetée, n’écarte pas pour autant l’application de la responsabilité décennale si l’abri est considéré comme un élément indissociable de la piscine.
Il faut alors que sa dépose, son démontage ou son remplacement ne puisse s’effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage, condition qui s’avère rarement remplie s’agissant d’un abri repliable et mobile.
C’est dans la droite ligne de cette jurisprudence que s’inscrit l’arrêt rendu par la Cour de Cassation le 30 mars 2011.

Qualification de l’abri de piscine
En l’espèce, à la suite de deux sinistres successifs ayant gravement endommagé un abri de piscine repliable et mobile, le propriétaire avait engagé une action en indemnisation à l’encontre du constructeur sur le fondement de la garantie décennale.
Il prétendait qu’un abri de piscine ancré au sol par des pieds scellés dans les dalles en béton de la terrasse de la piscine était un ouvrage ou, à tout le moins, un élément indissociable, malgré sa possibilité de déplacement et de repliement.
L’argument n’a pas été accueilli favorablement par les juges. Ceux-ci ont constaté que la structure reposait sur des roues orientables, non insérées dans un rail et que l’ancrage au sol était prévu sur des dalles simplement posées, les sangles et bracons étant fixés de manière précaire sur un muret de clôture et sur un grillage.
Au vu de ces constatations, ils ont retenu que l’abri était un élément « repliable et mobile qui n’était pas rattaché définitivement ni à la piscine, ni au sol de la terrasse ».
La Cour de cassation considère qu’ils ont pu, à juste titre, en déduire que la structure en cause n’était ni un élément indissociable de la piscine, ni un ouvrage au sens de l’article 1792 du code civil.

La solution doit retenir l’attention pour sa pédagogie. En effet, elle nous enseigne qu’un abri de piscine n’est pas nécessairement un ouvrage ou un élément d’équipement, faute de constater l’existence d’une fixation définitive au sol ou à l’ouvrage auquel il se rattache.
Dans le cas contraire, d’autres voies de recours restent ouvertes au propriétaire lésé, notamment sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.