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Les Rencontres À Table !
Vœux départementaux

« Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup »

Lundi soir 6 janvier à Mâcon, le président du Département et le préfet de Saône-et-Loire donnaient leurs vœux aux corps constitués. Des vœux pour revenir sur l’année 2024, dans un contexte politique et économique inédit, mais pour réaffirmer aussi certaines priorités, dont l’agriculture fait partie. Le préfet annonçant préparer un « nouveau dispositif territorial » face aux loups.

Par Cédric Michelin
« Quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup »

Parlementaires, conseillers régionaux et surtout départementaux, présidents d’intercommunalités et maires mais également les services publics (pompiers, policiers, gendarmes, procureurs, sous-préfets, directeurs des services…) étaient présents aux côtés des représentants du monde économique, associatifs pour la traditionnelle cérémonie des vœux commun entre le président du Département et le préfet, en l’occurrence, André Accary et Yves Séguy. Plus de 700 personnes se pressaient à l’espace Duhesme à Mâcon. Littéralement même pour être au premier rang, entre les parlementaires, les élus et le corps préfectoral qui s’agitent en ces temps de dissolution de l’Assemblée nationale, de censure du Gouvernement et pour les places dans des Ministères. Point de photo donc pour ne pas faire de jalousie mal placée.

André Accary n’est pas de ce genre et faisait plutôt l’éloge de ceux qui œuvrent tous les jours sur le terrain. Tout comme Yves Séguy. Tous deux remerciaient les pompiers, forces de l’ordre, soignants, monde associatif et économique. Tous deux saluaient ceux qui ont permis le succès des JO 2024 et la reconstruction de Notre Dame de Paris. Tous deux apportaient également leur soutien aux Français de Mayotte, dévastée par le cyclone Chido, il y a trois semaines.

Mais en l’absence de stabilité politique, avec un gouvernement Bayrou pas assuré de ne pas finir censuré comme celui de Michel Barnier, record du plus éphémère premier Ministre de la cinquième République (90 jours), les analyses, les inquiétudes et les critiques se ressentaient dans les discours de la première collectivité départementale comme dans les propos du premier représentant de la République en Saône-et-Loire.

André Accary revenait, sans s’appesantir, sur le contexte national « plus qu’instable depuis un an » car la dissolution et l’absence de consensus des députés font que le budget français n’est toujours pas voté, ni même prêt ou prévisible. La dégradation de la note économique de la France vient de l’instabilité politique. Et cela rejaillit sur toute l’économie. L’agriculture en paie un lourd tribut, avec le recul à nouveau des réponses attendues depuis les manifestations de janvier 2024. Mais les collectivités ne sont pas plus épargnées. Pour André Accary, pas de doutes, « les conséquences seront concrètes dans quelques mois pour les collectivités, les entreprises, sans aucune vision sur les investissements possibles », se faisait-il le porte-voix de toutes et tous. Et de se lâcher : « nos élus ou dirigeants nationaux ont réussi la prouesse de créer de toutes pièces une crise, voire une situation chaotique… et là, je dis : Chapeau bas ! »

35 millions d’euros repoussés

Concrètement, pour le Département, ce flou budgétaire se traduit par l’obligation de « repousser au moins 35 millions d’euros d’investissement, ce qui impactera forcément les acteurs locaux », se désolait-il, lui qui doit être garant de l’équilibre obligatoire des comptes Départementaux. Le vote du budget sera donc « différé », pour un vote prévu pour l’heure en mars, en attendant de savoir à quelle sauce les collectivités seront mangées. Sachant « la dette colossale de notre pays », peu d’espoir. « Vous trouverez une urne à la sortie. À votre bon cœur Mesdames, Messieurs ! », ironisait-il face à l’absurdité de la situation menaçant de virer aux drames.

Mais point de défaitisme pour l’année 2025, André Accary affichait sa volonté de construire un budget « avec l’ambition qu’un euro dépensé soit un euro utile pour nos concitoyens ». Et de prévenir devoir « réduire la voilure » et « refuser les demandes d’aides exceptionnelles » qui continuent d’arriver aux oreilles des élus départementaux. Sa priorité est claire, « l’aide aux communes pour que notre département continue sa dynamique d’attractivité », critiquant au passage ses collègues d’autres Départements qui se résignent à faire une « année blanche » côté investissements. Si la prudence est de mise, tout le travail 2025 consistera à « observer avant d’agir » et « innover » pour continuer « d’aller de l’avant ». Il citait l’offre de soins de santé et Dominique Lotte pour « amplifier le recrutement d’assistants médicaux et d’infirmier » pour renforcer les 102 médecins installés dans les sept centres de santé et antennes. 40.000 saône-et-loiriens ont ainsi pu retrouver un médecin traitant. Outre, le projet d’ouverture d’une première année de médecine à Chalon-sur-Saône, le programme Hippocrate 71 visera à favoriser le maintien et l’installation de futurs médecins libéraux avec des aides « incitatives sous condition d’exercice en Saône-et-Loire durant un certain nombre d’années ». Il continuait de donner des exemples autour des compétences du Département : l’enfance, le handicap, l’insertion professionnelle… Ou encore l’aménagement du territoire avec la RCEA ou la fin du déploiement de la fibre optique Internet.

Se serrer les coudes

S’engageant à ne fermer aucun collège, il insistait sur l’éducation à l’alimentation de qualité avec « l’incitation à consommer localement avec une adhésion unanime à la plateforme Agrilocal », mettant en lien les gestionnaires des collèges et des producteurs agricoles. Il élargissait sa vision et le « bon sens » de ce soutien au monde agricole — qui va des plans alimentaires territoriaux (PAT) à bien d’autres événements (circuits-courts, concours…) – pour « tenir compte des évolutions, des besoins et de la nécessaire diversification de l’activité agricole », citant son vice-président en charge, Frédéric Brochot. Les politiques environnementales ou touristiques du Département étant parfaitement complémentaires. André Accary concluait par une mise en garde néanmoins : « il va falloir nous serrer les coudes, faire preuve de vigilance, rassurer, être là, à l’écoute et dans l’action, comme nous l’avons été jusqu’à présent ».

Loup : un « nouveau dispositif territorial » annoncé

Bien ennuyeux de discourir lorsqu’on doit être le représentant de l’État en ce moment. Le flou l’emporte encore sur la stabilité de l’Assemblée ou du gouvernement. C’est bien les élections Européennes et les législatives qu’il a pourtant fallu organiser coup sur coup dans 750 bureaux de votes pour les plus de 403.000 électeurs du département. Pour autant, le préfet, Yves Séguy ne s’en laissait pas conter. « Nous pouvons faire en toutes opportunités, cause commune, pour accompagner les bons projets, ou encourager les grands desseins ». À l’image, des Jeux Olympiques et Paralympique de Paris 2024, de la célébration du 80e anniversaire de la Libération ou du 130e Congrès national des Sapeurs-Pompiers organisé à Mâcon, fin septembre 2024. Des événements qui ont fait vibrer la France et créer du lien à tous les échelons du département, ce qui se ressentait dans l’espace Duhesme, avec des gens heureux de se retrouver. Même si le préfet revenait donc plutôt sur l’année 2024, il parlait un peu de 2025 avec notamment l’organisation des élections à la chambre d’Agriculture qui se dérouleront du 15 au 31 janvier par correspondance, mais aussi par vote électronique. L’occasion de rappeler « les nombreux chantiers » conduit avec la profession pour tenter d’apporter des réponses à la crise et aux manifestations agricoles. Mais là encore, les agriculteurs comme ses services restent dans l’attente d’une politique nationale. Cela ne veut pas dire que rien ne s’est fait, listait-il avec la charte de gestion des zones humides, la charte sur l’entretien et la valorisation des haies, le renforcement des circuits courts, la charte sur la sobriété des usages de l’eau, celle sur la réalisation des travaux dans les cours d’eau. Sans oublier, le travail sur la coordination des contrôles ou sur un meilleur partage de la valeur. Il ne citait pas la simplification des règles, lois et administratifs agricoles, pouvait-on noter. Le préfet Séguy consacrait en revanche un moment à sensibiliser les 700 décideurs du Département « aux difficultés que rencontre la filière élevage compte tenu de la présence du loup dans notre département ». Il soupesait chaque mot pour ne pas tomber « dans des poncifs » sachant trop bien que ce sujet est « bien plus complexe que d’aucuns ne l’imaginent ». Il réaffirmait donc vouloir traiter la prédation des loups « avec grande attention et forte implication » et « avec la même énergie en 2025 ». Pour cela, il annonçait préparer un « nouveau dispositif territorial », sans en dire plus. Espérons que ce ne sera pas comme la phrase à la mode sur le budget en ce moment, attribuée à Martine Aubry : « quand c’est flou, c’est qu’il y a un loup ».

À noter d’autres sujets autour de la planification écologique, la gestion de la ressource en eau et notamment la gestion de la compétence Gemapi (gestion milieux aquatiques et prévention des inondations) avec l’ensemble des collectivités, afin notamment d’établir un plan territorial de gestion de l’eau sur le bassin de l’Arroux.

Il commentait « le vocabulaire institutionnel » : résilience, sobriété et souveraineté. Il notait l’évolution du vocable autour de la transition écologique, énergétique, climatique, économique ou numérique. L’État rajoute au terme transition, le terme accélération pour « ne pas dire parfois "sans transition" », preuve d’un monde en pleine révolution à tous points de vue, parlant de l’Intelligence artificielle « rétrécissant l’espace temporel » encore un peu plus vite.