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Avortements en élevage bovins

Quand s’alerter et que rechercher ?

La survenue des avortements chez les ruminants constitue le support de deux types d’actions : la surveillance de maladies d’intérêt public d’une part (brucellose et fièvre Q), le diagnostic différentiel des avortements en série d’autre part pour une meilleure prévention dans l’élevage. Il est donc important de mener ces deux types d’actions de façon complémentaire et cohérente.
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En effet certains prélèvements sont communs pour ces deux actions ; la déclaration obligatoire des avortements constitue la porte d’entrée d’un diagnostic différentiel et inversement la conduite de diagnostic différentiel est en mesure de favoriser la déclaration…


Avortement - déclaration ?



Au même titre que la prophylaxie annuelle, la déclaration des avortements est un maillon important de la surveillance des maladies d’intérêt public notamment de la brucellose. L’exemple récent du foyer de brucellose diagnostiqué en Belgique en est un cas d’école. C’est la déclaration dès le premier avortement par l’éleveur qui a permis de diagnostiquer précocement ce foyer de brucellose avant qu’il n’ait diffusé dans les cheptels voisins…
En Saône-et-Loire, le nombre d’avortements déclarés sur la dernière campagne est d’environ 1.100 avortements, ce qui paraît très faible au regard du nombre de femelles reproductrices du département… Des efforts sur la déclaration des avortements sont donc à faire…
Tout avortement doit être déclaré auprès de son vétérinaire sanitaire. Dès le premier avortement, il est donc important de contacter son vétérinaire.
Pour rappel, du point de vue légal, est considéré comme animal avortant « toute femelle qui donne naissance à un veau vivant né avant terme ainsi qu’un veau mort ou qui meurt dans les 48 heures après sa naissance ».
C’est cette seconde définition qui doit servir de règle car elle intègre la notion de morti-natalité (veau né mort après le 260e jour de gestation) et la notion de mortalité néo-natale précoce (mort dans les 48 heures après le vêlage).


Au-delà de la brucellose et de la fièvre Q, quelles recherches ?



Déterminer les individus à prélever
Pour réaliser un bon prélèvement, il convient de déterminer judicieusement :
- les individus à prélever (la vache qui a avorté mais aussi les animaux qui ont déjà avorté ou qui présentent des troubles de la reproduction) ;
- le moment de l’intervention (la mise en évidence d’un avortement à Coxiella notamment par la sérologie nécessite de réaliser la prise de sang trois semaines après l’avortement) ;
- le site (le placenta convient mal à la recherche de la néosporose alors que le parasite est décelable dans le cerveau et le cœur du fœtus).
Ce choix nécessite un échange entre l’éleveur et son vétérinaire pour obtenir des commémoratifs précis sur l’élevage.

Déterminer les analyses à effectuer
La recherche des germes : examen direct
- L’analyse bactériologique permet de rechercher la bactérie en cause par isolement à partir d’un prélèvement du fœtus, du placenta ou d’un écouvillon vaginal (ex : recherche salmonelle, listeria…).
- La PCR consiste à mettre en évidence du matériel génétique spécifique du germe (après des cycles de multiplication). Elle peut se faire soit sur le sang, l’avorton, le placenta ou sur écouvillon vaginal. C’est une méthode très sensible, capable de détecter une très faible quantité de germes dans un prélèvement (ex : recherche fièvre Q, BVD, néosporose...).
- L’antigénémie met en évidence la présence des antigènes d’un germe. C’est une technique Elisa qui est utilisée essentiellement pour la recherche des virus de la BVD .

Les examens indirects : la sérologie
La sérologie consiste à rechercher les anticorps dans le sang des animaux. Elle est simple à mettre en œuvre puisqu’elle se fait à partir d’une prise de sang. Attention cependant à l’interprétation des résultats.
En cas de résultat positif, les anticorps peuvent être une trace d’un contact ancien qui n’a rien à voir avec l’épisode abortif actuel.
à l’inverse, si l’animal vient de croiser la maladie, il n’a pas encore produit d’anticorps. Le résultat peut alors être provisoirement faussement négatif.
Dans tous les cas, une sérologie sur un animal n’est pas suffisante pour établir un diagnostic. Il faudra soit réaliser une cinétique (évolution du taux d’anticorps chez un animal à 3 semaines d’intervalle par exemple) ou réaliser un sondage sur un lot d’animaux (ex : six vaches d’un lot de femelles ayant avorté ou ayant présenté des troubles de la reproduction).

Interpréter les résultats avec son vétérinaire

Les résultats d’analyse ne donnent pas forcément la réponse : l’interprétation doit être faite de façon rigoureuse en tenant compte de la nature du prélèvement, du contexte… Seuls, un choix rigoureux des animaux prélevés, des prélèvements, une prescription méthodique, une rigueur dans l’interprétation des résultats permettent de poser sinon un diagnostic de certitude, au moins un diagnostic de forte présomption, ou, et cela est loin d’être négligeable, d’éliminer certaines causes.

Quelles suites?
Les suites à donner seront fonction du diagnostic mais également d’autres critères pour l’utilisation d’une politique basée sur la mise en place de mesures sanitaires éventuellement associées à des mesures médicales (vaccinations, antibiotiques…).

Et si aucune piste infectieuse n’est retrouvée ?
D’autres causes, outre que les problèmes infectieux peuvent expliquer des avortements :
- les manipulations d'animaux peuvent causer des stress importants qui peuvent conduire à des avortements traumatiques ;
- certaines intoxications peuvent conduire à des avortements : l’ergot de certaines céréales est par exemple toxique et peut entraîner des avortements ;
- des causes alimentaires peuvent également expliquer des avortements notamment chez la brebis et la chèvre. C'est le cas de la toxémie de gestation liée à un manque d'énergie entraînant une hypoglycémie. Avant la mise bas, les déficits énergétiques sont fréquents car les chevreaux ou agneaux en gestation demandent beaucoup d'énergie tout en occupant un volume important dans le ventre de la mère qui limite donc sa prise alimentaire. C'est surtout le cas quand il y a deux chevreaux pour une primipare ou plus de deux chez une multipare. Pour compenser ce manque d'énergie, les femelles ayant accumulé des réserves sous forme de graisse vont les « déstocker ». Elles transforment alors ces graisses dans le foie en glucoses assimilables par l'organisme mais aussi en corps cétoniques qui deviennent toxiques quand ils sont en trop grande concentration dans le sang. C'est cette accumulation de corps cétoniques dans l'organisme à une concentration toxique qui va créer les symptômes de la toxémie de gestation. Sans traitement, cela peut conduire à la mort de l'animal.
Cécile Chuzeville

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