sur la bonne suite à donner des EGAlim, « personne ne le fera à votre place ! », insiste Serge Papin, ex-PDG de Système U
Invité d’honneur de la prochaine assemblée générale de la FDSEA de Saône-et-Loire qui se déroulera le 21 mars prochain à Saint-Sernin-du-Bois, l’ancien président emblématique de Système U, Serge Papin nous livre sa vision du futur de la distribution alimentaire en France. Et notamment, sur les rapports de force dans la filière agroalimentaire avec l’entrée en vigueur à venir des Etats généraux de l’alimentation. Son message est clair pour obtenir un plus juste retour de la valeur : « personne ne le fera à votre place ». Interview.
L’Exploitant Agricole de Saône-et-Loire : Mr papin, quel est votre parcours professionnel ?
Serge Papin : J’ai toujours été au service de Systeme U. Je suis rentré en 1976 et occupé différents postes dont celui d’aider les adhérents à créer leurs magasins. A l’époque, il s’agissait d’épiciers, de bouchers, de boulangers… qui voulaient prendre le train en route de la grande distribution. J’ai monté un Super U en Vendée et en tant qu’adhérent de la coopérative Système U, je suis devenu administrateur puis j’ai succédé au président Jean-Claude Genet et ai été PDG du groupe Système U de 2005 à 2018.
L’E.A.de S.-et-L. : Quels sont les grands chiffres du groupe Système U ?
S.P. : Notre groupement pèse 20 milliards d’€ hors carburant pour 70.000 collaborateurs dans 1.600 magasins. Système U représente 11 % de part de marché de la grande distribution française.
L’E.A.de S.-et-L. : Quel est le poids de l’alimentaire dans vos métiers (non alimentaire, finances, tourisme…) ?
S.P. : On parle de marché « food » chez nous qui va de la crème chantilly à la crème à raser, qui inclus donc le non-alimentaire avec les rayons textiles et bazar. Mais je dirais environ 70 % de notre chiffre d’affaires est sur l’alimentaire, produits transformés inclus.
L’E.A.de S.-et-L. : Quelle articulation politique et économique entre le sourcing de votre centrale d’achat et l’approvisionnement de vos magasins en produits locaux ?
S.P. : Nous avons trois niveaux d’assortiments. Le tronc commun qui contient les grandes marques de consommation, l’assortiment régional et enfin les achats locaux. Mais les niveaux varient selon les régions. Alasace ou Bretagne ont beaucoup plus de produits locaux car il s’agit d’important bassin de production. Mais nous encourageons les producteurs locaux et pouvons même les aider à être référencé au national.
Après la ré-industrialisation, la ré-artisanalisation
L’E.A.de S.-et-L. : Du côté des clients, quelles grandes orientations – bio, bien-être animal, sans-OGM… - prenez-vous ?
S.P. : Nous prônons la ré-artisanalisation qui consiste à créer une distinction agréable autour des métiers de bouche avec une approche très professionnelle. Avec nos marques U, nous nous tournons vers la qualité. Nous cherchons également à faire disparaître les substances controversées vis à vis de la santé ou de l’environnement. Enfin, l’agriculture bio et une troisième voie, le sans résidu.
L’E.A.de S.-et-L. : Quel est votre premier bilan suite à la loi issue des Etats généraux de l’alimentation ?
S.P. : Nous voyons déjà des avancées alors que certains concurrents disaient qu’elle ne servirait à rien. Elle sert déjà à stopper la spirale infernale de destruction de valeur. Des engagements sont pris par la distribution dans le secteur bovin lait et viande. Système U va signer avec la FNB pour une meilleure rémunération des éleveurs.
Reste à voir encore les ordonnances des EGAlim. Voire la péréquation entre produits nationaux (polémique Nutella, Coca ou Ricard, NDLR) qui vont coûter plus cher puisque les GMS refaisaient leurs marges sur les produits – bruts ou 1ère transformation - moins connus jusqu’à présent.
L’E.A.de S.-et-L. : Qui va surveiller sa bonne application ?
S.P. : L’Etat à son rôle à jouer. L’observatoire des prix et des marges aussi. Les Interprofession aussi. Mais surtout, c’est tous les agriculteurs – et même tout le monde – qui doit se sentir concerné. On sait qu’il y a de la valeur ajoutée dans les filières mais où va-t-elle ? Les engagements faits à la filière laitière par exemple, aux éleveurs de demander des comptes. Personne ne le fera pour eux. La loi EGAlim donne de nouvelles marges de manœuvre en la matière.
L’E.A.de S.-et-L. : En France, qu’est-ce qui vous empêche de vous approvisionner à l’étranger ?
S.P. : Nous sommes très engagés pour le « madein France » et cela ne passerait pas si les produits venaient majoritairement de l’étranger. Pour une petite partie peut-être mais globalement, les français font preuve d’un patriotisme agricole.
L’E.A.de S.-et-L. : Enseignes bio, nouvelles enseignes, drives, ventes web/Internet… Comment voyez-vous l’avenir de la distribution alimentaire en France ?
S.P. : Le commerce n’est jamais que le reflet de la société. Et les 22 métropoles prennent le pouvoir, siphonnent les richesses, les emplois, la démographie… avec des gens plus solitaires entre individualistes, célibataires, couples sans enfant… Derrière, le grand hyper – « tout sous le même toit » - est moins à l’aise dans cette configuration. Le commerce se fragmente avec des réseaux de proximité, Internet…
Il y aura aussi la fin des emballages plastiques qui va obérer les choix et provoquer des mutations. On devra s’adapter avec de plus petites structures, distribuer avec des drives, des drives piétons… et des plateformes digitales. On reviendra à des ventes en vrac ou du prêt à manger. Il y aura plein d’initiatives. Mais, il n’y aura plus la domination du modèle du grand Hyper comme dans les années 1980.