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Ecotaxe

« Suspension mais pas suppression »

Depuis quelques semaines déjà la tension est montée du côté des
opposants à l’écotaxe. Jean-Marc Ayrault a annoncé sa suspension le 29
octobre. Les réactions ne se sont pas faites attendre.
Par Publié par Cédric Michelin
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Devant le perron de Matignon, le 29 octobre, c’est la majorité de la presse française qui s’était réunie pour l’occasion. C’est donc après plus d’une heure trente de réunion avec les élus bretons et les ministres concernés - dont Guillaume Garot (agroalimentaire) et Stéphane Le Foll (agriculture) - que le Premier ministre a annoncé la suspension de l’écotaxe sur tout le territoire.
« Suspension mais pas suppression », a-t-il nuancé. Pour mettre en œuvre cette taxe poids lourds, Jean-Marc Ayrault souhaite « un dialogue sincère aux niveaux national et régional ». « Ce dialogue aura pour objectif d’améliorer les dispositions propres à la filière agricole et agroalimentaire », a-t-il explicité. Aucune précision n’a été apportée quant à la durée de la suspension de cette écotaxe mais le Premier ministre a spécifié que la taxe poids lourds doit « être corrigée » car elle reste « utile aux financements des infrastructures de transports, routières ou ferroviaires ». « L’impératif, c’est de dis-cu-ter », a martelé Guillaume Garot, le ministre délégué à l’Agroalimentaire en écho aux propos du Premier ministre. Stéphane Le Foll, qui n’était pas prompt à répondre aux médias à la sortie de la réunion, a tout de même ajouté qu’ « un geste avait été fait ». Désormais, c’est à « chacun de prendre ses responsabilités ». Pour lui, cette décision « doit permettre de débloquer la situation », mais celle-ci engendrera « un coût de 800 millions d’euros ». Où plutôt un manque à gagner pour l'Etat... A noter que les élus UMP n’étaient pas présents à la réunion. Seuls les députés socialistes, écologistes ainsi qu’un député de l’UDI avaient fait le déplacement.


Les bonnets rouges bretons



A propos de la situation économique, et notamment des licenciements dans les abattoirs Doux et Gad, Jean-Marc Ayrault a tenu à rappeler que « l’écotaxe n’est pas la cause de l’agroalimentaire et de sa crise », car elle n’est pas encore entrée en vigueur. Le Premier ministre en appelle désormais à tous les responsables politiques, économiques et sociaux à venir discuter de l’écotaxe mais aussi du plan Bretagne, du plan agroalimentaire et du pacte d’avenir. Les préfets de région et les ministres concernés seront mobilisés « dès demain ». Pour la ministre bretonne de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, cette suspension est un « geste extrêmement courageux ». Les manifestations du week-end du 25 et 26 octobre ont échauffé les esprits et les « bonnets rouges », finistériens - en référence à la révolution antifiscale du XVIIè siècle - ont fait beaucoup parler d’eux dans la presse. « La confrontation doit céder la place au dialogue, et je le dis dans l’intérêt de la Bretagne et du pays tout entier », a répondu Jean-Marc Ayrault. Mais il ne semble pas qu’il ait été entendu car les fameux bonnets rouges ont annoncé sur leur compte Twitter que la manifestation à Quimper prévue le 3 novembre sera maintenue. De son côté, la FNSEA s’engage à participer au dialogue proposé par le Premier ministre mais « refuse et refusera toujours une application qui fragilise l’agriculture et l’agroalimentaire et pénalise les territoires ruraux ». Le syndicat majoritaire n’est pas « contre le principe mais contre l’application de l’écotaxe telle qu’elle était définie jusqu’à présent. »


Un premier pas pour la FNSEA et des JA



« Depuis plusieurs semaines, les acteurs agricoles et agro-alimentaires se sont fortement mobilisés dans toute la France pour demander l’ajournement de l’écotaxe dans un contexte économique difficile », ont rappelé les syndicats FNSEA et JA. Ils précisent qu’ils « accueillent cette décision favorablement et considèrent que ce premier pas du Gouvernement devrait permettre de reprendre le dialogue et de réunir l’ensemble des acteurs concernés autour de la table ». Mais ils nuancent quelque peu : « il est cependant nécessaire aujourd’hui de prendre du temps et de remettre à plat l’ensemble du dispositif. En effet, les agriculteurs, sans s’opposer à son principe, estiment nécessaire de s’assurer que l’écotaxe renouvelée ne pénalise pas nos exploitations et nos filières déjà très fragilisées. »



Les vignerons satisfaits


Pour les Vignerons coopérateurs de France, la suspension de l’écotaxe est « annonciatrice d’un nouveau dialogue sur cette taxe controversée ». En effet, pour les caves coopératives, la répercussion par les transporteurs de la charge de l’écotaxe représente un surcoût à la fois « à l’entrée » des caves (réception des matières sèches) et « à la sortie » (enlèvement du vin), est-il écrit dans un communiqué du 29 octobre. « La suspension de l’écotaxe, dont il reste bien sûr à connaître le détail, est un signe favorable adressé par le Gouvernement pour la compétitivité de nos filières », ajoutent-ils.




Pourquoi l'écotaxe risque de revenir ?


Si la profession agricole reste mobilisée, c'est que l'ecotaxe n'est que suspendue. En effet, en octobre 2007, à la suite du Grenelle de l'Environnement, le gouvernement - et les députés de tous bords politiques - votent le principe de "pollueur-payeur", englobant les poids lourds sur les réseaux routiers non concédés. Les ressources libérées doivent, selon l'engagement, être affectées "aux infrastructures ferroviaires". Il s'agit là du principe même de la fiscalité écologique : utiliser l'impôt pour changer les comportements. Cela va dans le sens d'une directive européenne dite Eurovignette, mise en place en 1999, et qui avait été proposée pour l'ensemble de l'Europe... par la France. Sacrés Français !


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