Application de la Pac
Tensions autour de la surprime
L’ensemble des grands syndicats agricoles ont affirmé leur position
quant à l’application de la future Pac en France. La zone de fracture se
situe principalement sur l’application ou non de la surprime aux 50
premiers hectares pour les aides aux exploitants. Un refus net de la
part de la FNSEA, une demande tout aussi nette de la part de la
Confédération paysanne, et des questions venant de la Coordination
rurale. Ce système, dit également « paiement redistributif », a été
voulu, négocié et obtenu à Bruxelles par le ministre de l’Agriculture
Stéphane Le Foll. Il y voit un élément majeur de la redistribution des
aides, en faveur des éleveurs mais surtout des petites exploitations. À
cet égard, la concertation durant l’été et ce qui en résultera cet
automne constituent un test pour une politique de gauche en agriculture.
quant à l’application de la future Pac en France. La zone de fracture se
situe principalement sur l’application ou non de la surprime aux 50
premiers hectares pour les aides aux exploitants. Un refus net de la
part de la FNSEA, une demande tout aussi nette de la part de la
Confédération paysanne, et des questions venant de la Coordination
rurale. Ce système, dit également « paiement redistributif », a été
voulu, négocié et obtenu à Bruxelles par le ministre de l’Agriculture
Stéphane Le Foll. Il y voit un élément majeur de la redistribution des
aides, en faveur des éleveurs mais surtout des petites exploitations. À
cet égard, la concertation durant l’été et ce qui en résultera cet
automne constituent un test pour une politique de gauche en agriculture.
Stéphane Le Foll va-t-il réussir à mettre en place une politique de gauche en agriculture ? Peu ou prou, c’est bien ainsi que peut être analysée, par avance, la concertation qui a commencé à se dérouler cet été sur l’application en France de la future politique agricole commune. Une négociation où la ligne de partage est très clairement la mise en place du « paiement redistributif », autrement dit, d’une surprime aux 50 premiers hectares, surprime qui absorberait jusqu’à 30% du montant des aides Pac. Le mécanisme a été imaginé à Paris par le ministre et son entourage, ardemment négocié puis obtenu à Bruxelles. L’idée de départ était simple : en accordant une surprime aux 50 premiers hectares, on favorise les petites exploitations parmi lesquelles figurent les éleveurs ; et on évite aux exploitations à gros chiffre d’affaires mais petites surfaces (éleveurs intensifs, polyculteurs-éleveurs) de voir leurs soutiens baisser drastiquement alors même qu’ils subissent le choc de la hausse de leurs intrants (aliments du bétail).
Les limites du paiement redistributif
Après plusieurs simulations, la réalité de l’impact s’est révélée plus complexe. Les quatre scénarios proposés par le ministre aux syndicats en guise de hors d’œuvre pour les négociations de l’été le montrent bien. Appliqué dans les scénarios 3 et 3 bis, ce paiement redistributif n’empêche pas, voire même provoque, une baisse très nette, entre 2019 et 2010, des aides aux producteurs de lait (modèle intensif à base de maïs) soit de 18% soit de 16% ; pour les polyculteurs viande, cette réduction des aides est évaluée à 6%. La baisse est, certes, moins forte pour les petites exploitations qui bénéficient même d’une évolution positive dans le cas des polyculteurs. Il n’empêche : le résultat obtenu ne correspond sans doute pas à ce qui était espéré. D’autant, fait-on remarquer à la FNSEA, que l’agriculture française est très complexe et qu’il est difficile de se borner à la classer en « Otex » (grandes cultures, bovins lait, bovins viande, etc.) trop simples ou en classes de tailles par surface qui ne tiennent pas compte de la qualité des surfaces (zones intermédiaires par exemple). Pour François Lucas, vice-président de la Coordination rurale, « cette réforme a été faite en tenant compte d’agriculteurs moyens qui n’existent pas », argumentant qu’on ne peut pas redistribuer entre céréaliers et éleveurs alors que de nombreux agriculteurs pratiquent les deux activités. Autre problème évoquée par Xavier Beulin, celui des ayant-droits : la surprime risque d’être en grande partie absorbée par des propriétaires aussi peu agriculteurs que possible, investissant sur quelques dizaines d’hectares avec une activité n’ayant aucun ou peu de lien avec l’agriculture. Et de poser le problème des agriculteurs retraités ne liquidant pas leur retraite mais continuant à entretenir quelques dizaines d’hectares.
Des « dommages collatéraux » qui impliquent la mise en œuvre d’autres dispositifs, recouplage des aides à destination des ruminants, amélioration des ICHN (Indemnités compensatoires de handicaps naturels), plafond maximal au risque de baisse des aides, de manière à assurer un retour suffisant aux éleveurs, qu’ils soient intensifs ou extensifs. La FNSEA va plus loin. Autant abandonner le principe du paiement redistributif, dit-elle en substance. Le 24 juillet, en conférence de presse, Xavier Beulin proposait au ministre de l’Agriculture de mettre à l’étude son scénario 2 (convergence à 60% des aides, pas de paiement redistributif) avec le maximum de recouplage d’aides orientées vers les ruminants, une ICHN (intégrant la PHAE, prime herbagère) configurée pour un retour maximum vers les éleveurs, le filet de sécurité limitant la baisse à 30 % des aides entre 2019 et 2010. Une position discutée quelques heures plus tôt en conseil fédéral de la FNSEA, avec plus de 300 délégués. Et qui semblait, après force discussions, concilier les intérêts des céréaliers, des éleveurs intensifs ou extensifs.
Entre viande et lait
Autres demandes à concilier, celles des producteurs de lait et des éleveurs de bovins à viande : le recouplage devenu possible à 13 % plus 2 % pour l’autonomie fourragère des exploitations (selon l’expression de Stéphane Le Foll) donnera un budget supplémentaire de l’ordre de 250 millions d’euros. Ce budget devrait pouvoir, selon la FNSEA, financer une prime aux ruminants, capable, sous réserve des curseurs choisis, de satisfaire les éleveurs de bovins viande (prime à la vache allaitante) et les producteurs de lait (prime à la vache laitière). Sans oublier les petits ruminants.
Le syndicalisme majoritaire convaincra-t-il Stéphane Le Foll ? Rien n’est moins sûr. Le ministre de l’Agriculture s’est totalement investi dans la surprime aux 50 premiers hectares, mesure qui pourrait devenir emblématique d’une politique de gauche en agriculture. Destiné sans doute à de nouvelles fonctions ministérielles dans un avenir plus ou moins proche, Stéphane Le Foll a sans doute à cœur de laisser ce paiement redistributif comme mesure phare de son mandat. D’autant qu’il est appuyé dans cette idée par la Confédération paysanne. Celle-ci va même plus loin, défendant une politique vigoureuse de redistribution vers les petites exploitations : la majoration aux premiers hectares serait forfaitaire, indépendante des références historiques, de niveau significatif (minimum 250 euros/ha). Cependant, admet la Confédération paysanne, la majoration aux premiers hectares reste d’une efficacité redistributive limitée. La Confédération insiste donc pour qu’elle soit associée à un recouplage significatif des aides. Pas question pour elle, cependant, d’y renoncer tant le symbole est fort, politiquement. Au fond, tandis que la FNSEA cherche à atténuer les effets de la surprime, à défaut d’obtenir sa suppression, la Confédération cherche au contraire à l’amplifier. La Coordination rurale, qui ne veut pas s’impliquer dans une réforme qui ne lui convient pas, constate tout de même que personne n’avait pensé que cette surprime bénéficierait aussi à de nombreuses exploitations qui n’en ont pas besoin.
Symbole politique plus fort qu’il n’y paraît, outil de redistribution moins efficace qu’il ne le semblait, la surprime aux cinquante premiers hectares risque de cristalliser une bonne partie des négociations. Celles-ci doivent en principe aboutir mi-septembre. Mais, côté syndicats, on en doute : « J’ai cru comprendre que l’échéance du 15 septembre était globalement la date limite pour aboutir à cette ossature (de la Pac appliquée en France), remarque Xavier Beulin. Mais ça n’est pas possible. Ce sera donc sans doute un peu plus tard », poursuit le chef de la centrale agricole qui estime qu’il ne faut pas se précipiter et qu’« il convient de bien simuler telle ou telle hypothèse ».
Les limites du paiement redistributif
Après plusieurs simulations, la réalité de l’impact s’est révélée plus complexe. Les quatre scénarios proposés par le ministre aux syndicats en guise de hors d’œuvre pour les négociations de l’été le montrent bien. Appliqué dans les scénarios 3 et 3 bis, ce paiement redistributif n’empêche pas, voire même provoque, une baisse très nette, entre 2019 et 2010, des aides aux producteurs de lait (modèle intensif à base de maïs) soit de 18% soit de 16% ; pour les polyculteurs viande, cette réduction des aides est évaluée à 6%. La baisse est, certes, moins forte pour les petites exploitations qui bénéficient même d’une évolution positive dans le cas des polyculteurs. Il n’empêche : le résultat obtenu ne correspond sans doute pas à ce qui était espéré. D’autant, fait-on remarquer à la FNSEA, que l’agriculture française est très complexe et qu’il est difficile de se borner à la classer en « Otex » (grandes cultures, bovins lait, bovins viande, etc.) trop simples ou en classes de tailles par surface qui ne tiennent pas compte de la qualité des surfaces (zones intermédiaires par exemple). Pour François Lucas, vice-président de la Coordination rurale, « cette réforme a été faite en tenant compte d’agriculteurs moyens qui n’existent pas », argumentant qu’on ne peut pas redistribuer entre céréaliers et éleveurs alors que de nombreux agriculteurs pratiquent les deux activités. Autre problème évoquée par Xavier Beulin, celui des ayant-droits : la surprime risque d’être en grande partie absorbée par des propriétaires aussi peu agriculteurs que possible, investissant sur quelques dizaines d’hectares avec une activité n’ayant aucun ou peu de lien avec l’agriculture. Et de poser le problème des agriculteurs retraités ne liquidant pas leur retraite mais continuant à entretenir quelques dizaines d’hectares.
Des « dommages collatéraux » qui impliquent la mise en œuvre d’autres dispositifs, recouplage des aides à destination des ruminants, amélioration des ICHN (Indemnités compensatoires de handicaps naturels), plafond maximal au risque de baisse des aides, de manière à assurer un retour suffisant aux éleveurs, qu’ils soient intensifs ou extensifs. La FNSEA va plus loin. Autant abandonner le principe du paiement redistributif, dit-elle en substance. Le 24 juillet, en conférence de presse, Xavier Beulin proposait au ministre de l’Agriculture de mettre à l’étude son scénario 2 (convergence à 60% des aides, pas de paiement redistributif) avec le maximum de recouplage d’aides orientées vers les ruminants, une ICHN (intégrant la PHAE, prime herbagère) configurée pour un retour maximum vers les éleveurs, le filet de sécurité limitant la baisse à 30 % des aides entre 2019 et 2010. Une position discutée quelques heures plus tôt en conseil fédéral de la FNSEA, avec plus de 300 délégués. Et qui semblait, après force discussions, concilier les intérêts des céréaliers, des éleveurs intensifs ou extensifs.
Entre viande et lait
Autres demandes à concilier, celles des producteurs de lait et des éleveurs de bovins à viande : le recouplage devenu possible à 13 % plus 2 % pour l’autonomie fourragère des exploitations (selon l’expression de Stéphane Le Foll) donnera un budget supplémentaire de l’ordre de 250 millions d’euros. Ce budget devrait pouvoir, selon la FNSEA, financer une prime aux ruminants, capable, sous réserve des curseurs choisis, de satisfaire les éleveurs de bovins viande (prime à la vache allaitante) et les producteurs de lait (prime à la vache laitière). Sans oublier les petits ruminants.
Le syndicalisme majoritaire convaincra-t-il Stéphane Le Foll ? Rien n’est moins sûr. Le ministre de l’Agriculture s’est totalement investi dans la surprime aux 50 premiers hectares, mesure qui pourrait devenir emblématique d’une politique de gauche en agriculture. Destiné sans doute à de nouvelles fonctions ministérielles dans un avenir plus ou moins proche, Stéphane Le Foll a sans doute à cœur de laisser ce paiement redistributif comme mesure phare de son mandat. D’autant qu’il est appuyé dans cette idée par la Confédération paysanne. Celle-ci va même plus loin, défendant une politique vigoureuse de redistribution vers les petites exploitations : la majoration aux premiers hectares serait forfaitaire, indépendante des références historiques, de niveau significatif (minimum 250 euros/ha). Cependant, admet la Confédération paysanne, la majoration aux premiers hectares reste d’une efficacité redistributive limitée. La Confédération insiste donc pour qu’elle soit associée à un recouplage significatif des aides. Pas question pour elle, cependant, d’y renoncer tant le symbole est fort, politiquement. Au fond, tandis que la FNSEA cherche à atténuer les effets de la surprime, à défaut d’obtenir sa suppression, la Confédération cherche au contraire à l’amplifier. La Coordination rurale, qui ne veut pas s’impliquer dans une réforme qui ne lui convient pas, constate tout de même que personne n’avait pensé que cette surprime bénéficierait aussi à de nombreuses exploitations qui n’en ont pas besoin.
Symbole politique plus fort qu’il n’y paraît, outil de redistribution moins efficace qu’il ne le semblait, la surprime aux cinquante premiers hectares risque de cristalliser une bonne partie des négociations. Celles-ci doivent en principe aboutir mi-septembre. Mais, côté syndicats, on en doute : « J’ai cru comprendre que l’échéance du 15 septembre était globalement la date limite pour aboutir à cette ossature (de la Pac appliquée en France), remarque Xavier Beulin. Mais ça n’est pas possible. Ce sera donc sans doute un peu plus tard », poursuit le chef de la centrale agricole qui estime qu’il ne faut pas se précipiter et qu’« il convient de bien simuler telle ou telle hypothèse ».