Une transition pour rebondir
tenues trois jours durant à Cluny, de nombreuses questions de fond ont
été abordées sur la transition énergétique notamment. Derrière bien des idées reçues sur l’environnement,
certaines dualités urbain/rural, consommation/sobriété ou encore
mutualisation/autonomie… sont ressorties, durcissant les idéologies.
Pourtant, la transition énergétique devrait permettre à la France de
rebondir durablement et pour les générations futures.
Un discours qui faisait écho aux propos préliminaires, le mercredi, de Didier Château, directeur régional de l’Ademe Bourgogne : « en France, on parle beaucoup mais on ne fait pas beaucoup. Les citoyens en ont marre. Ils veulent voir des projets. A Tramayes, les énergies renouvelables ont ainsi permis de mobiliser la population autour de la sobriété énergétique ».
Patriat hué sur le Pôle nucléaire
Mais, il faut dire que les oppositions –idéologiques et politiques– sont fortes dans notre pays. Hué par une partie de la salle, le Président de la Région assumait : « en Bourgogne, nous avons un pôle nucléaire et un parc éolien. Ils ne sont pas en contradiction. La transition doit être soutenable ». François Patriat livrait même ses craintes pour réussir « à changer de modèle ». « Je redoute les citoyens qui se disent conscients mais qui refusent toutes alternatives chez eux (Nimby, NDLR) ».
Autre souci dans un pays jacobin, la décentralisation des projets semble mieux fonctionner. Sollicités et impliqués avant, les habitants acceptent les projets décidés localement. Les exemples des communes de Montdidier ou Lambesc démontraient que les élus doivent surtout être accompagnés. Se déclarant parfois « incompétents » en la matière, différents élus expliquaient que le recours à de l’ingénierie a permis à leur commune de récupérer la rentabilité des projets (plusieurs millions d’€ parfois).
L’urbanité pollue-t-elle le rural ?
Didier Château expliquait d’ailleurs que les Territoires à énergies positives (TEPOs) sont ainsi un moyen de redonner de la « valeur économique » –et pas que environnementale– aux territoires ruraux face à « des villes centres qui captent les richesses ».
Mais ce n’est pas gagné d’avance. Ayant travaillé au ministère de l’Environnement avant de devenir Maire de Cluny, Jean-Luc Delpeuch constate des « décalages et paradoxes » avec ses « anciens collègues de la DGEC (Direction générale de l’énergie et du climat) ». Ce polytechnicien juge que l’administration parisienne ne voit que « des problématiques : les maisons et voitures individuelles, les industries et les vaches qui pètent… donc le milieu rural » résumait-il. Paris établirait alors des lois « centrées vers les métropoles » selon lui. Normal donc de ne ressentir que des contraintes ici après. Pourtant, la ruralité cultive le vivant alors que les villes, par leurs activités humaines, consomment des ressources, sans produire de vie.
Des projets communautaires
Pour la présidente de la Communauté de communes du Pays de Saint-Seine en Bourgogne, « la ruralité n’est pas un vilain mot. Il faut la défendre car elle est essentielle. Nous, petits poucets, sommes conscients des réalités du terrain et des territoires ne vivant qu’avec l’économie de l’agriculture et rien d’autre. On s’inscrit dans l’avenir avec l’écologie pour générer des économies d’échelles, comme avec l’implantation d’un parc de 25 éoliennes –et bientôt 32– sans co-visibilité pour respecter le patrimoine culturel, dont l’abbaye de Saint-Seine » défendait Catherine Louis. Autre projet, mais public cette fois, Eva Stegen montrait qu’une mobilisation via une coopérative d’énergie citoyenne à permis « de racheter le réseau local (à l’opérateur historique, NDLR) pour devenir fournisseur » d’électricité en Allemagne, en réactivant de vieilles centrales, des cogénérateurs puis plus tard avec des panneaux photovoltaïques. En France, des SAS –sociétés privées– se montent mais portées par des habitants locaux, créant un modèle quelque part, mi-public mi privé.
Guerre de clochers et grand méchant !
Dans la salle millénaire de Saint-Hugues, une question pointait le risque d’une « politique de clochers » entre chaque projet individuel ou communautaire, pouvant déboucher à « mettre les territoires en compétition ».
Si tous appelaient de leurs vœux une organisation des filières, sa forme ne sera pas aisée à trouver. Le passé et les idéologies ralentissent l’adaptation. Des tensions se faisaient jour. Pour preuve, le « grand méchant réseau centralisé », ERDF, n’avait pas bonne presse écologiste. Il est vrai que la réussite passée du nucléaire retarde aujourd’hui l’émergence des énergies renouvelables en France. Pourtant, pour Catherine Halbwachs d’ERDF, « l’opérateur national remplit bien son rôle de service public aux ordres ».
Dans l’impôt ou dans la facture
Surtout, elle insistait sur « les lois de la physique » et la gestion de la répartition sur le réseau « au plus court » « entre offre et demande » électrique. Les lieux de production n’étant pas les mêmes que ceux de consommation, et surtout pas au même moment.
Se posait donc invariablement la question du stockage de l’énergie. Mais aussi la question des coûts d’entretien et de gestion du réseau qui « seront les mêmes » pour RTE/EDF. Des coûts fixes qui « se retrouveront, ou dans l’impôt, ou dans la facture » des citoyens consommateurs. Le 13 juin, avec la ministre de l’Environnement, ERDF devrait annoncer évoluer vers une « échelle régionale pour planifier ».
Le luxe des économies
Beaucoup dans la salle critiquaient également le chauffage électrique. Avec la crise financière et économique, les chauffages d’appoint –véritables « grille-pains »– rajoutent à la précarité économique, celle énergétique, tout comme le fioul.
Tous les participants répétaient inlassablement que l’énergie la moins chère est celle qui n’est pas dépensée. Les compteurs électriques intelligents (Smartgrid) ou le Plan national de rénovation des bâtiments vont dans ce sens de la sobriété. Non évoqué, le télétravail permettrait aussi de limiter les transports maison-travail, surtout en milieu rural.
Mais, pour arriver à des Territoires à énergie positive (négawatt), le « dernier watt non dépensé n’est pas forcément le moins cher », glissait l’animateur. « Il faut sortir l’environnement des seuls écolo-bobos qui peuvent se payer le luxe de faire des économies d’énergie. Il faut former les professionnels à de nouvelles pratiques dans leurs métiers. La vraie révolution viendra de l’engagement de tout le monde ». La transition énergétique pourrait alors avoir un effet rebond pour l’économie. L’idée étant, non pas de pouvoir consommer plus, mais mieux…
Stocker l’énergie pour autonomiser les territoires
Revenant sur la question centrale du stockage de l’énergie, Corinne Lepage évoquait l’innovation prochaine de la méthanation, à ne pas confondre avec la méthanisation. Ce premier procédé industriel convertit de l'hydrogène et du monoxyde de carbone en méthane. Aussi évoqué, le projet Volt Gaz Volt (VGV) qui pourrait répondre à une double logique économique par la lutte contre les déperditions électriques et l’utilisation du captage de CO2. La députée européenne envisageait de pouvoir ainsi « décentraliser ses usines près des industries » et permettre ensuite « de fermer des usines nucléaires en en faisant tourner d’autres la nuit », ce qui n’est pas le cas aujourd’hui faute de pouvoir stocker l'énergie nucléaire. Les stations de transfert d'énergie par pompage (STEP) étaient aussi évoquées.