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Pays-Bas

Une vision libérale du verdissement

Numéro deux mondial des exportations agricoles, les Pays-Bas tentent
d’afficher une productivité sans faille tout en acceptant des
contraintes environnementales. Lors du congrès de l’Association
française des journalistes agricoles (AFJA), qui s’est déroulé le 22 et
23 mai aux Pays-Bas, les acteurs de l’agriculture ont expliqué leur
vision du verdissement.
Par Publié par Cédric Michelin
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Avec leurs maisons propres et leurs jardins aux allées bien tracées, les fermes des Pays-Bas n’ont pas du tout l’aspect de la ferme traditionnelle française. Ici, point d’odeurs, ni trop d’animaux dans les prés. « On est à la campagne et pourtant tout est urbanisé, les consommateurs veulent des vaches élevées dans des prairies. Du coup, on les met dehors pour faire plaisir aux voisins », annonce sans manière Annke De Groot, productrice de lait lors de la visite des journalistes agricoles français venu à l’occasion du congrès de l’Afja les 22 et 23 mai. Dans sa ferme en élevage intensif, tout est étudié et optimisé pour assurer la productivité. Annke De Groot , avec son mari, parle aussi bien anglais que néerlandais et s’autorise même quelques phrases en français. L’agriculture des Pays-Bas à vocation mondiale. Numéro deux à l’export avant la France et après les USA, ce pays situé entre la Mer du Nord, l’Allemagne à l’Est (le principal partenaire commercial) et la Belgique au Sud exporte près de 80 % de sa production. Malgré des rendements intensifs, l’agriculture néerlandaise est principalement composée d’exploitations familiales. Les terres agricoles couvrent quasiment les deux tiers du territoire. Aux Pays-Bas, pays du vélo et du recyclage, l’agriculture est soumise à de fortes contraintes environnementales et pourtant, les agriculteurs ne semblent pas en souffrir. Chacun ayant l’air de s’être adapté à sa manière de façon pratique. Visite d’une production horticole : sous les serres implantées sur 3,7 hectares, s’alignent des rangées de poivrons rouges soit une densité de 33 kg de poivrons au mètre carré. Pendant onze mois, ces pieds de poivrons cultivés hors sol, ne cessent d’avoir du rendement. Pour contrebalancer cette « superproduction », une unité de co-génération a été installée. Sorte d’énorme moteur qui produit de la chaleur pour la serre et de l’électricité, réinjectée dans le réseau local. Ainsi, l’énergie n’est pas un surcoût pour la production de poivrons mais un atout, qui permet de baisser les coûts de production. « L’introduction de CO2 dans les serres, grâce au principe de co-génération permet un rendement de 20 % en plus par rapport à une production à l’extérieur », indique Aad Sonneveld, l’exploitant. Un principe de verdissement à la néerlandaise. D’un côté, on produit, de l’autre on compense.


La main verte




Même façon de penser du côté du ministère de l’Agriculture et des syndicalistes agricoles. « Nos normes environnementales sont élevées mais nous l’acceptons. Cela ne nous empêche pas d’être productifs et de travailler de façon intensive pour rester compétitif », fait remarquer Dick Hylkema, directeur de LTO-Glaskracht (syndicat agricole néerlandais). Questionné sur la volonté de « verdir » la PAC, le représentant du ministère, Roald Laperre, directeur adjoint de l’Agriculture, ne semble pas inquiet: « Les aides aux revenus vont baisser, il faudra les remplacer par de l’innovation écologique et de la durabilité. Notre solution : passer par des paiements directs aux agriculteurs sous conditions écologiques ». Un raisonnement simple : les pratiques environnementales des agriculteurs seront récompensées. Les Pays-Bas n’ont pas peur d’afficher leur libéralisme. A l’instar de la France, ils croient fermement dans le marché et la fameuse main invisible prônée par Adam Smith (une action faite dans un intérêt personnel et qui contribue à l’enrichissement commun). Une main invisible, souvent transformée en main verte. « Le gouvernement est un partenaire important pour les décisions, notamment pour le verdissement, mais le marché a toujours le dernier mot », confirme Dick Hylkema du syndicat LTO. Le directeur de Dutch Produce Association (équivalent du syndicat de légumes français), Hans Van Es, va encore plus loin en prônant une économie mondialisée : « en agriculture, il nous manque des leaders, les idéologies nationales doivent disparaître, au profit d’un marché mondial. L’avenir ne sera pas entre les pays mais entre les filières ». Aux Pays-Bas, chaque décision semble soumise à son aspect « productivité ». Par exemple, pour les OGM, il n’y pas de « débat dans la société » selon le gouvernement. Comme en France, le pays importe du soja et du maïs transgéniques mais ne produit pas de cultures transgéniques sur le territoire. Avec une grande confiance dans les instances européennes, le représentant du gouvernement indique que si l’Autorité européenne de sécurité pour les aliments (EFSA) décide que les cultures OGM sont meilleures et sans risque, alors, elles seront cultivées sur le territoire.


Bien-être animal




Aux Pays-Bas, les défenseurs du bien-être animal sont nombreux. Ils ont même créé un parti politique. Dans les exploitations porcines, un label, « Good Farming Star » a été mis en place par l’abatteur Vion. Les éleveurs de porcs signent une charte de bien-être animal. Concrètement, cela se traduit par moins de porcs dans les boxes, des jouets pour distraire l’animal ou encore la non castration des mâles. Comme dans les élevages intensifs français, les porcs sont élevés sur des caillebotis. « Pourtant ce n’est pas comme la France ici, fait remarquer l’éleveur. Le bien-être animal est très important pour le consommateur, ils acceptent de payer plus cher pour avoir la garantie d’un animal bien traité ». Les éleveurs sont quand à eux assurés de vendre tout leur porc à Vion au prix du marché mais avec une prime en plus et la garantie d’une continuité dans la vente.