Exportations de céréales
La France rafle la mise

Depuis le début de la guerre en Ukraine, les capacités d’exportations de grains et la stabilité institutionnelle de la France sont des atouts économiques et diplomatiques enviables, selon Intercéréales. Sur la scène internationale, notre pays a su s’y appuyer pour rester dans la cour des grands.

La France rafle la mise

Le 15 mars dernier, Philippe Heusèle, président d’Intercéréales, animait un colloque intitulé « Marchés chahutés, quelles réponses de la filière céréalière française pour aujourd’hui et demain ? ». Cet événement était organisé par l’interprofession céréalière et par Agro Paris Bourse. Depuis le début de la guerre en Ukraine, la France doit sa notoriété sur la scène internationale, non pas seulement à sa stabilité institutionnelle, mais aussi à ses capacités d’exportations. Comme elle en fait un levier diplomatique, il lui revient de rester le 4e pays exportateur au monde de blé. L’an passé, la France a du reste réalisé un solde commercial céréalier de 11 milliards d’euros.

 

La planète a besoin de blé

 

Lorsque les marchés des grains sur la Mer Noire étaient en plein chaos, les céréales françaises étaient disponibles à l’export. Les ventes françaises ont en partie suppléé l’arrêt du trafic maritime sur les ports d’Odessa et de Marioupol le 24 février 2022. Tandis que de nombreux pays importateurs refusaient un temps de s’approvisionner en Russie lorsqu’elle a fait de son blé une arme alimentaire. Par ailleurs, la Mer d’Azov était devenue une zone maritime très risquée. Dans ce contexte, le blé français a été un atout pour restaurer des relations économiques et diplomatiques de la France, pas toujours au beau fixe, avec certains pays. Par exemple, le Maroc et l’Algérie sont revenus aux achats. La filière céréalière a aussi reconquis quelques parts de marché perdues depuis 2016 quand sa récolte avait été catastrophique. De son côté, la Chine a substitué une partie du maïs ukrainien qu’elle ne pouvait pas importer par du blé français dont elle loue les qualités. En fait, la guerre dans le bassin de la Mer Noire a montré que la planète a besoin du blé russe et des céréales ukrainiennes pour assurer sa sécurité alimentaire. Or l’Ukraine va être durablement affaiblie. « Aussi, il revient à l’Union européenne (UE) de combler en partie son absence en produisant plus de grains », explique Philippe Heusèle. En conséquence, la Commission européenne doit reconsidérer sa stratégie Farm To Fork dont elle instille les préceptes dans chacun de ses nouveaux règlements. Compter sur les marchés pour importer les céréales que l’UE cultivera plus pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, contribuera à renforcer l’insécurité alimentaire de la planète.

 

Marché multipolaire

 

« Produire plus de grains, c’est aussi cette ambition qu’il faut inculquer aux jeunes agriculteurs céréaliers qui seront amenés à prendre la relève dans les dix prochaines années, implore aussi Philippe Heusèle. Mais le retour de la valeur de l’alimentation rend dorénavant ce discours audible ». Ce retour, on l’a du reste retrouvé exprimé par chacun des intervenants invités à la journée de France export céréales. Selon Yann Lebeau, responsable du bureau France Export Céréales Maghreb-Afrique, certaines populations ne prennent plus deux repas par jour. En Égypte, le gouvernement a réduit la taille des pains vendus pour ne pas augmenter leurs prix subventionnés. La flambée des prix des céréales a plongé de nouveaux pays dans la précarité alimentaire. Ils ont renoncé à une partie de leurs importations pour des raisons budgétaires. En fait, les pays importateurs de céréales constituent un marché multipolaire. Des pays ont des ressources pétrolières ou minières pour payer leurs grains (l’Algérie par exemple) alors que d’autres n'en ont aucune (Maroc, Tunisie). Depuis la guerre en Ukraine, l’Égypte qui a perdu 1,5 million de touristes russes et ukrainiens par an.