FDSEA et JA de Saône-et-Loire
Acte I de la visite préfectorale, lait et céréales au menu du petit dej'

Cédric Michelin
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Grosse journée pour le préfet ce mardi. Sur le pont toutes ces dernières nuits face aux violences urbaines, Yves Séguy a passé le 4 juillet auprès des agriculteurs. FDSEA et JA71 lui ont présenté toutes les principales productions départementales et fait part de leurs demandes les plus urgentes. Sans surprise : la prédation du loup, l’application de la loi EGAlim, le renouvellement des générations, les difficultés de recruter, le ciseau des prix des intrants, la préservation du foncier agricole, l’agrivoltaïsme, le changement climatique… Une journée chargée donc.

Acte I de la visite préfectorale, lait et céréales au menu du petit dej'

Après sa matinée viticole le 19 juin dédiée à la lutte contre la flavescence dorée, place aux autres filières agricoles. Rendez-vous était donné à Jugy, au Gaec Ferrière, pour parler lait et cultures dans un premier temps le matin. Associés sur 280 ha, Germain et David Gonthier ont 80 vaches laitières et livrent leurs cultures à Bourgogne du Sud. Outre un récupérateur d’eau de pluie (12.000 l), le Gaec a fait construire un bâtiment avec panneaux photovoltaïques (100 kWc). Problème, 6 mois après la mise en production, « EDF n’a toujours pas signé le contrat » et le Gaec ne bénéficie donc pas des tarifs d’achat d’électricité alors « qu’on paye l’emprunt et les coûts de raccordement », déplorait Germain. Cette situation n’est pas un cas isolé. L’État est désormais le seul actionnaire d’EDF.

S’engageait alors un débat sur un « souci local à Sennecey » : l’autorisation d’un permis de construire pour une école de vétérinaires pour chevaux de sport, « sur les meilleures terres », alors que des friches sont disponibles non loin. Président de la Comcom, Jean-Claude Bécousse défendait la genèse du projet, intégrant aussi une centrale photovoltaïque, et les négociations pour « réduire la voilure » à 11 ha d’emprise foncière. Vice-président de la chambre d’Agriculture, Luc Jeannin rappelait le courrier signé d’un « avis défavorable », non pas contre l’école vétérinaire, mais sur le fait qu’une zone urbanisée, utilisée ici pour le photovoltaïque, « aurait pu l’accueillir, alors que maintenant le projet consomme du foncier agricole ». Sans avoir de prérogative sur ce dossier, le préfet, Yves Séguy alerte sur « une situation qu’on va retrouver très souvent dans les temps prochains », en raison notamment de la loi ZAN, zéro artificialisation nette. Une « vision partagée des territoires » est à bâtir, alors que le préfet à pour mission de cibler des zones pour « accélérer » les projets d’énergies renouvelables. Le préfet accueillait jeudi la Ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher et promettait de lui « passer ces éléments » autour des questions de souveraineté alimentaire et énergétique qui sont des atouts, mais méritent sur le terrain de « trouver un juste équilibre ». La présidente de JA71, Marine Seckler ne désarmait pas et réclamait au préfet « une solution intelligente pour que le rêve de Baptiste (Gonthier, N.D.L.R.) de s’installer se réalise » et qu’il « ne soit pas moins considéré qu’un vétérinaire Belge renommé ».

Une marche arrière sans arrêt

Le président de la section laitière, Stéphane Convert aimerait pourtant bien voir le tout jeune Baptiste renforcer les 500 éleveurs laitiers (250 exploitations ; 23.000 vaches ; 120 millions litres/an) car le cheptel baisse de 3 % chaque année, même si le litrage se maintient. Mais, « quand on commence à mettre la marche arrière, on ne sait pas quand ça va s’arrêter », imageait-il pour reparler des stratégies de Danone qui ne voulait plus collecter le lait et orientait vers la laiterie Étrez. Aujourd’hui, la multinationale est à la recherche de lait. Autre retournement, les marchés du lait Bio, « au prix du conventionnel » qui certes a repris des couleurs. La loi EGAlim2 « fonctionne pour indexer le prix du lait sur les coûts de production », remarquait-il, bien qu’encore insuffisant en termes de visibilité à long terme, notamment depuis la hausse des charges (GNR, intrants…). Une demi-victoire, car la filière viande peine toujours à contractualiser en masse, notait au passage Christian Bajard, président de la FDSEA.

Le ciseau des prix

Même inquiétude de « ciseau des prix » pour les filières grandes cultures qui, certes connaissent des cours élevés, mais ont eu des « hausses de charges vertigineuses », alertait Benoît Regnault pour la section céréalière de la FDSEA, « autour de 1.600-1.800 €/ha pour l’emblavement des blés et maïs », estime Arvalis dans nos zones. Mais, derrière ces volatilités extrêmes induites par la guerre en Ukraine se cache également des choix politiques au long cours, comme le Pacte vert Européen et son cortège de « contraintes environnementales » et impasses techniques. Comprenant bien la solidarité pour les Ukrainiens, Benoit Regnault dénonçait aussi « le flou artistique quand la Commission Européenne, sans l’aval du Parlement sur la suspension des droits de douanes, laisse les traders céréaliers gérer, balayant les céréaliers polonais et roumains, symbole que les agriculteurs restent la variable d’ajustement ». Président de Bourgogne du Sud et de l’Alliance BFC, Lionel Borey le déplore également mais, sans naïveté, « voit juste ce facteur s’accélérer », lui qui anticipait plutôt des flux ferroviaires venant les concurrencer depuis l’Est dans un avenir plus ou moins lointain. « Les fluctuations des cours sont autant de signaux difficiles pour engager des démarches pluriannuelles, auxquelles pourtant nous sommes attachés, nous qui en région sommes sur des contractualisations de produits haut de gamme ». Les 1.200 polyculteurs de la coopérative devant aussi « diversifier les cultures et tenter de maintenir les productions » à l’horizon 2050 en raison du changement climatique qui va « faire évoluer les paysages » profondément sans doute.

« L’emploi devient l’élément dimensionnant l’activité »

Pour la section Employeur de main-d’œuvre de la FDSEA, Denis Chastel-Sauzet faisait un focus sur les difficultés de recrutement dans les filières agricoles. Si la FNSEA est reconnue nationalement pour être le seul représentant des chefs d’entreprises agricoles et viticoles, le syndicalisme ne peut que constater « les dérives de certains PSI (prestataires de service internationaux) », alertait le vigneron. Des « doléances » portées donc au Préfet, bien que ce soit aux pouvoirs législatifs de réguler ce marché international et Européen. La section Employeurs de main-d’œuvre, en lien régulier avec la Dreets (inspection du travail), voit là « un haut risque de faire appel à des PSI non sérieuses, car cela renvoie la responsabilité sur l’employeur, alors que ces PSI disparaissent souvent », dans la nature, laissant seul l’employeur répondre d’actes qui ne sont pas les siens devant la loi. Pour remédier à la forte demande en main-d’œuvre, la Saône-et-Loire a créé un Groupement d’employeurs (GED) pour recruter en commun afin d’effectuer différentes tâches sur l’année (castration de maïs, vendanges, travaux en vert…). À l’inverse cette fois-ci, la FDSEA déplore « les contraintes de lois se rajoutant tous les jours sans que d’autres lois ne bougent ou ne soient applicables ». Denis Chastel-Sauzet prenait l’exemple de l’interdiction de loger sous tentes des vendangeurs, lui dont le domaine du Beaujolais, voit autoriser cette pratique dans le département du Rhône voisin. La profession réclamait donc plus largement de « mettre fin à toutes les incertitudes » qui pèsent et pérenniser définitivement l’abattement TODE ou le Tesa simplifié.

Toutefois, les employeurs sont bien conscients que cela n’est pas le nerf de la guerre qui reste celui de l’attractivité des métiers agricoles et viticoles. La section, via l’Anefa, en fait la promotion, comme prochainement sur l’étape du Tour de France à la Chapelle-de-Guinchay. Conditions de travail et surtout salaires sont au cœur des annonces de recrutement. « Le marché recrute au plus offrant ». Les employeurs agricoles demandent donc la fin de certaines cotisations sociales (CMU…) pour avoir un salaire net plus élevé à proposer. Le préfet, Yves Séguy en convenait, « le retour de conjoncture fait que l’industrie débauche les salariés dans les entreprises à des tarifs bien supérieurs ». Un tractoriste expérimenté à Beaune peut désormais prétendre « à 3.000 € net/mois » pour être fidélisé. Fils de vigneron, Yves Séguy voit un dernier défi à plus ou moins long terme : « l’emploi devient l’élément dimensionnant l’activité. Dans la restauration-hôtellerie par exemple, les conditions de travail et l’organisation ont changé, car les salariés aspirent à des jours de congés, et c’est impossible de recruter sinon ». Ce qui pose une question de fond à l’heure d’exploitations qui se sont fortement « agrandies », à l’aube d’un important nombre de départs en retraites et avec une nouvelle génération de chef (fe) s d’exploitation qui, eux aussi, « aspirent à une vie de famille normale ».