FILIÈRES ANIMALES
« Cessons d’importer ce que nous ne pouvons pas produire »

Avec plus d’une centaine de points de blocage, le monde agricole vient de vivre une mobilisation historique. Parmi les nombreuses revendications entendues, les accords de libre-échange qui impactent notamment les filières animales.

« Cessons d’importer ce que nous ne pouvons pas produire »
François Garrivier, éleveur en bovin allaitant à Grezolles (Loire) ©PDL

Poulets ukrainiens, moutons néo-zélandais, bœufs canadiens… nombreux sont les exemples de produits importés depuis des milliers de kilomètres, issus de pays qui produisent selon leurs propres normes, parfois interdites en France. Un écueil considérable pour les éleveurs français qui dénoncent l’importation de produits de qualité moindre, avec des règles environnementales bafouées.

« La filière ovine est impactée depuis 1980 »

Pour Michèle Baudouin, présidente de la Fédération nationale ovine (FNO), c’en est trop. « Il faut cesser d’offrir notre filière en pâture : nous connaissons pertinemment les conséquences des accords de libre-échange sur la filière ovine. En 1980, nous avions neuf millions de brebis, aujourd’hui nous n’en avons plus que cinq ». Pour l’éleveuse d'ovins, les responsables de cette baisse sont les accords de libre-échange, signés avec des pays tiers. « Ce n’est pas un accord de libre-échange qui est dévastateur pour notre secteur, mais ce sont tous les accords qui se signent, et les contingents qui augmentent. Nous avions déjà autorisé 150 000 tonnes à la Nouvelle-Zélande, ils ont obtenu récemment 30 000 tonnes supplémentaires. Le Royaume-Uni nous envoie également 150 000 tonnes d’ovins chaque année. Sans compter le nouvel accord récemment signé avec le Chili. Nous avons échappé de peu à un nouvel accord avec l’Australie, déjà exportatrice vers la France », relate-t-elle. Des accords qui détruisent le marché intérieur européen et français, à cause de normes de productions complètement opposées, et un coût de main-d’œuvre bien moins onéreux qu’en France. Résultat : des produits vendus à des prix défiant toute concurrence. « Aujourd’hui, le prix d’un agneau néo-zélandais est fixé à 9 €/kg. L’agneau français coûte 25 €/kg. En période de crise, que fait le consommateur ? Soit il achète l’agneau qui provient de Nouvelle-Zélande, soit il n’achète rien », explique Michèle Baudouin.

Bœuf et volaille, des échanges inéquitables

« Malgré les différentes positions qu’adoptent les agriculteurs, en fonction de leur sensibilité personnelle et/ou politique, ils sont majoritairement opposés aux accords internationaux de libre-échange », affirme François Garrivier, éleveur en bovin allaitant à Grezolles (Loire). Pour les éleveurs qu’il représente, l’internationalisation des échanges est une aubaine, dans la mesure où ces derniers sont équitables. Et l’éleveur l’assure, ce n’est actuellement pas le cas. C’est l’accord avec le Mercosur qui inquiète le plus. « Lorsque nous exportons, nous le faisons selon nos réglementations. Personne ne peut nous reprocher le fait que nos produits ne soient pas sains, éthiques, écologiquement responsables… ce qui n’est pas forcément le cas des produits brésiliens, chiliens, néo-zélandais ou encore australiens ». Concernant les échanges actuels, François Garrivier précise que leur volume n’est pas énorme à l’échelle européenne. Cependant, ces importations suffisent à créer une concurrence directe avec les morceaux de bœuf les mieux valorisés en France. « Il paraît complètement illogique d’importer de la viande produite sur des modèles incomparables aux nôtres. Sur le plan environnemental, également, c’est complètement saugrenu », ajoute-t-il. Du côté des éleveurs de volailles, l’heure est toujours à l’inquiétude : après deux années marquantes en termes de contingents d’importation, notamment avec l’Ukraine, le Mercosur s’annonce de trop pour la filière. « En deux ans, nous avons vu doubler les importations de volailles d’Ukraine. Nous étions environ à 90 000 tonnes en 2021. En 2023, on atteignait les 230 000 tonnes », explique François Gaudin, directeur de l’Association filières volailles Auvergne-Rhône-Alpes (Afivol). « Après plusieurs salves d’accords de libre-échange, les 230 000 tonnes ont été atteintes après la suppression des quotas. Désormais, on peut dire que plus d’un poulet sur deux vendus en France est importé », déplore François Gaudin. Le prix au kg éclaire également les difficultés des producteurs : le filet de poulet ukrainien coûte environ 3 € le kilo, contre 7 € pour du poulet français. « À côté de tout cela, on observe des réglementations se durcir, pour autant, on ouvre les vannes à davantage d’importations. Cette situation crée un réel agacement. La filière souhaite revenir au stade d’avant crise : 90 000 tonnes à l’importation, avant la libéralisation des volumes », explique le directeur de l’Afivol.

Charlotte Bayon

 

François Gaudin, directeur de l’Association filières volailles Auvergne-Rhône-Alpes ©Charlotte Bayon
Michèle Boudouin, présidente de la Fédération nationale ovine (FNO). ©Auvergne_Agricole