Groupement des Agro-biologistes de Saône-et-Loire
Agriculture Biologique : Face à la crise, structurer les outils en mangeant Bio

Cédric Michelin
-

Le 28 mars à Vinzelles, le Groupement des agrobiologistes de Saône-et-Loire (Gabsel) ouvrait aux invité la deuxième partie de son assemblée générale pour débattre d’un thème d'actualité : "Installation, transmission : vers une restructuration des fermes et une diversification des productions ?". Mais avant ce débat, celui des « reliquats » des fonds Feader se faisait jour. 

Agriculture Biologique : Face à la crise, structurer les outils en mangeant Bio

Mais avant de débuter, le président du Gabsel, Olivier Devêvre tenait justement à rappeler que les agro-biologistes en Saône-et-Loire recensent déjà une « très grande diversité de productions et des profils de gens », offrant ainsi une large vision de ce qu’il est possible de faire dans notre département surnommé la « petite France » pour sa diversité de filières et tous signes de qualité. Dès lors, beaucoup de dossiers sont à suivre. Pour coller à la grande région, l’interprofession Interbio Franche-Comté et l’association Bio Bourgogne ont fusionné en juillet 2023 pour aboutir à Bio Bourgogne-Franche-Comté. Ce réseau regroupe dedans les sept Gab des huit départements, puisque Doubs et Territoire de Belfort ne compte que pour un. Une structuration qui permet ainsi d’encore mieux remplir les deux objectifs de toutes ces organisations à la base, à savoir, représenter les producteurs bio, notamment auprès des collectivités et acteurs étatiques, et accompagner « au plus près » les producteurs et les porteurs de projet (formations, conseils individuels, visites, expérimentations…), insistait Sophia Majnoni, déléguée générale de la Fnab (Fédération nationale d’agriculture biologique). Olivier Devêvre rappelait également le lancement du « label Fnab » qui s’appuie sur un cahier des charges renforcé « dans certains domaines », lui qui est en polyculture-élevage et diversification (fruits…) à Cortevaix. Élu aux bureaux de la Fnab et de Bio BFC, il listait déjà toutes les vertus et avantages du label Bio.

« Manger Bio »

Un seul leitmotiv « manger bio » qui permet de « soutenir une agriculture qui respecte le vivant et préserve les ressources » (biodiversité, air, eau, bien-être animal…). D’autant plus que cela permettrait de faire faire des économies à la collectivité puisque le « coût de dépollution des eaux souterraines – nitrates et pesticides – coûte entre 522 et 847 milliards d’euros », selon une étude du Commissariat au développement durable (CGDD, 2011). Pour Sophia Majnoni, « il faut faire de l’achat bio un écogeste du quotidien ». La déléguée générale de la Fnab, originaire de Dijon et vivant dans le Morvan, profitait donc de la présence de la députée de la 4e circonscription, Cécile Untermaier et de la conseillère régionale, Claire Mallard pour leur redire le « besoin de tous les visuels de communication possible » car les agro-biologistes sont « plus heurtés par la baisse des prix d’achat de leurs produits bio que par la baisse des aides » actuellement. L’élue régionale, Claire Mallard annonçait justement que la Région Bourgogne-Franche-Comté va « soutenir » la campagne promotionnelle Bio Réflexe, « avec une somme non négligeable », même si pour l’heure, elle ne savait pas comment cette campagne serait « déclinée ».

Des « reliquats » conversion pour aider au maintien ?

Car après 20 ans de croissance à double chiffre, l’AB fait face à une crise sans précédent et espère relancer la consommation par la demande. Les conversions ont été divisées « par deux tiers ». Mais, il faut aussi aider l’offre. C’est pourquoi Claire Mallard rebondissait sur la question des aides à l’agriculture biologique indiquant que des « questions et un débat s’ouvrent sur les 28 millions d’€ d’aides à la conversion » (pour 350.000 ha en conversion) qui étaient fléchées l’an dernier, et qui, crise du Bio oblige, n’ont été apparemment qu’à moitié consommées. « Est-ce qu’on les remet sur des aides au maintien ? », semblait-elle favorable à « cette aide d’urgence » pour justement ne pas perdre les producteurs Bio en place en plus. Problème, la Région n’a pas su gérer les fonds Feader depuis le 1er janvier 2023 et beaucoup de dossiers PCAE et MAEC sont aussi à honorer ou prêts à déposer. « Vigilance donc sur ces reliquats », ne tranchait-elle pas, ne voulant pas les voir repartir à Bruxelles.

Dans sa circonscription de la Bresse-Louhannaise, Cécile Untermaier a « ressenti en masse le problème de la suppression des aides au maintien Bio ». La députée a d’ailleurs écrit au Gouvernement à ce sujet pour « les garantir et les pérenniser » pour que « le bio ne se défasse pas ». Même crainte pour elle qui imagine déjà une vague de déconversion. Ses réflexions se tournent donc vers « des lois-cadres pour anticiper les transmissions », notamment du foncier, pour « fluidifier » les transmissions de « bio à bio ». Ce qui est déjà le cas dans le schéma des structures lui soufflait Nathalie Delara de la DDT de Saône-et-Loire, qui veille au grain.

C’est visiblement un regret de la députée, celle de suivre « la concrétisation des lois ». Cécile Untermaïer, juriste de formation, « se bat pour l’inscrire dans la Constitution Française ». Son constat est amer sur le rôle limité des législateurs qui multiplient les lois, mais ne suivent pas leur exécution, « avec des décrets pervertis », comme sur la loi EGAlim. La non-application des lois ne lui donne pas tort au vu des faibles résultats d’EGAlim alors que la loi oblige 20 % d’approvisionnement Bio dans les restaurations collectives (estimation de 7 % des établissements respectant leur obligation).

Structurer le territoire

Chargée de mission du Plan alimentaire territorial du Département de Saône-et-Loire, Maëlis Pouzet rappelait les progrès de la plateforme Agrilocal71, avec 900.000 € passés par cette plateforme web de mise en relation entre producteurs locaux d’une part et gestionnaires et cuisiniers des cantines des collèges d’autre part. Si ce constat est positif, il ne semble pas encore suffisant. De nouveaux axes seront prochainement dévoilés, peut-être dans l’optique de « recenser, cartographier, développer », les outils de transformation structurant les territoires.

Il faut aussi de l’animation derrière. Pour la plateforme Manger bio BFC créée par le réseau bio, ce sont quatre salariés de la Société collective d’intérêt collectif (SCIC) qui s’en occupent, insistait Olivier Devêvre qui se félicite que cela fonctionne mieux avec une « montée en puissance » du chiffre d’affaires (1,4 million d’€). 55 agriculteurs Bio approvisionnent la plateforme. « On a besoin de liens, de communication, de mise en réseaux, on est à un moment charnière, une génération se termine. Un bouleversement se prépare avec demain des gagnants et des perdants », concluait Sophia Majnoni.

Comment convertir les fermes d’élevage ?

Faire d’un défi générationnel, une « opportunité ». C’est le message volontaire lancé par Olivier Devêvre pour convertir au Bio les exploitations à l’heure où en France, près de « 50 % des agriculteurs partiront en retraite dans les cinq années. Un sur deux n’est pas remplacé aujourd’hui », précisait-il, voulant trouver une façon de maintenir les forces vives de la profession. De nombreux hors cadres familiaux sont aujourd’hui tentés par l’agriculture, pour un retour à la terre, et bien souvent en phase avec les valeurs de l’agriculture biologique. Mais toutes les filières ne sont pas dynamiques. Pour Sophia Majnoni, « l’élevage est la production la plus compliquée », en termes de cession et conversion, malgré le travail de la Fnab pour des « transmissions conversions » simultanée. Avec la Fondation pour la Nature et l’Homme (FNH) et Terre de liens, un travail d’analyse a eu lieu en France. Bien que l’étude soit plutôt orientée sur des exploitations en lait, porcin, ovin… à l’Ouest de la France, Sophia Majnoni a récupéré les données de la seule ferme étudiée en élevage allaitant. Sans surprise, comme en conventionnel, les mêmes maux provoquent les mêmes résultats. Beaucoup d’investissement, de charges, de travail… et peu de revenus. L’enjeu « bâtiments » à transmettre est bien souvent bloquant. Pourtant, « le taux d’endettement en Bio est dans la moyenne malgré la restructuration souvent nécessaire et nécessitant des moyens », mais compensée par une « baisse du cheptel avec des races plus rustiques ou mixtes ». 6 % des vaches allaitantes en France sont labelisées Bio. Si 6 % de la consommation des ménages est Bio, moins de 3,5 % pour les viandes. Ici, la ferme fait de la vente directe. Souvent, la diversification est aussi nécessaire. Dès lors, la Fnab a chiffré un budget de 12.000 € pour accompagner et former le repreneur en moyenne. Face à tous ces coûts, Sophia Majnoni défend le déploiement de dispositifs de stockage de foncier temporaire, car au départ d’un cédant, « il n’y a pas forcément quelqu’un qui attend derrière la porte ». D’où le phénomène d’agrandissement aussi.

Élu en charge du Pôle installation à la chambre d’Agriculture de Saône-et-Loire et éleveur allaitant bio lui-même, Joffrey Beaudot redit que 60 % du cheptel allaitant de Saône-et-Loire est détenu par des éleveurs de plus de 58 ans. Au total, toutes productions confondues, 1.450 agriculteurs vont ainsi partir prochainement en retraites. Pour l’heure, le département « renouvelle 1 pour 2. Malgré tout, les installations aidées avec DJA en allaitant ne pèsent plus que 35 % des dossiers contre 60 % il y a 20 ans ». Si la diversification, les hors-cadre… expliquent en partie cette baisse, « le point dur reste économique ». À la question de savoir si ce sont les « capitaux trop élevés » des cédants ou la « rentabilité trop faible » des élevages, sa réponse est claire : « un peu des deux », alors que les prix du foncier, eux, sont « raisonnables et maîtrisés » par la profession.

Faisant partie du collectif reprenant la ferme de Saint-Laurent à Château près de Cluny, Caroline confirme que dans le Rhône, où son collectif d’anciens étudiants de l’école d’ingénieurs l’Isara cherchait à s’installer, c’était souvent « trop cher, trop de bâtis, trop délabré… ». L’opportunité de reprendre une ferme collective qui correspondait parfaitement à leurs attentes, n’enlève cependant pas toutes les difficultés : chiffrer la restructuration, décaler les arrivées pour des questions de rémunération, se tester dans le métier (stages Start Agri) et tester « notre collectif, car travailler ensemble, ce n’est pas pareil qu’à l’école ou que les weekends ». Ils devraient opter pour la forme Gaec (pour la transparence des aides Pac notamment) et travaillent sur un « règlement intérieur » après avoir suivi un stage de communication non violente. « Pour faciliter les entrées et sorties, car on ne va pas forcément faire ce métier ou s’endetter toute notre vie, on voulait que le foncier ne nous appartienne pas », se rapprochant ainsi de Terre de liens après avoir étudié la possibilité d’une SCI.

Ce qui interpellait Pierre-Yves Descours du Gaec Copex à Taizé, autre ferme en avance sur son temps. Avec une pointe de déception, il dit à la « génération Z » que « la main-d’œuvre ne coule pas de source », lui qui vient de voir le « plus jeune associé être le premier parti ». Laissant les anciens inquiets pour la transmission et seuls pour assurer le travail. Pour Olivier Devêvre, ces exemples doivent être rapidement compris par les politiques. « Le ticket d’entrée » en élevage est relativisé par la nouvelle génération qui se voit « 5-10 ans » agriculteur avant de changer de carrière. « Dès lors, la réflexion pour s’installer est que cela ne coûte pas cher. La nouvelle génération détache le travail du foncier. Il faut admettre cette mutation et lever les freins pour juste vivre de son travail ».