Minoterie Forest
Céréales : Minoterie Forest, plus de 100 références et 100 ans d’expérience

Ariane Tilve
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C’est au cœur de la villa familiale, dans la salle à manger reconstituée pour les 100 ans de l’institution, que nous accueille la quatrième génération de Forest, aujourd’hui en charge de la minoterie. Une affaire de famille, donc, mais aussi et surtout une affaire de passion que nous content Nicolas et Carine, les aînés du quatuor qui dirige aujourd'hui l'entreprise.

 

La minoterie a traversé les époques, toujours avec un temps d'avance.
La minoterie a traversé les époques, toujours avec un temps d'avance.

Un ensemble de photos de famille nous accueille lorsque nous franchissons le palier de ce salon plein d’histoires. “C’est ici que Jacques, André et Alain, la troisième génération que constituaient nos parents, ont passé quelques nuits blanches à (re) définir la stratégie de l’entreprise familiale en présence de leurs parents à eux, la seconde génération” raconte Karine. Une reconstitution pour célébrer le centenaire de la minoterie qui aurait dû avoir lieu en 2021, mais n’a pu être fêté cette année-là, pour les raisons que l’on connaît. C’est en effet en 1921 que Claudius et Marie-Louise Forest investissent un petit moulin à eau, aujourd’hui devenu l’imposante installation de Bray. Cette rétrospective a pour but de faire revivre les origines et le parcours d’une famille, d’une entreprise, samedi 16 septembre à ses 160 collaborateurs, dont cinq meuniers, une vingtaine de collaborateurs sur le site de production et une vingtaine de chauffeurs (la minoterie dispose d’une flotte qui se charge d’une partie des livraisons). Le lendemain, dimanche 17 septembre, ce sont plusieurs centaines de collaborateurs qui ont célébré ce siècle d’histoire à l’abri de caméras. Ils ont même, pour l’occasion, réserver le Spot, à Mâcon, pour un moment convivial en marge de la visite. Votre journal L’Exploitant agricole a tout de même eu la primeur de cette belle rétrospective avant que les principaux intéressés ne découvrent les lieux et les secrets qu’ils renferment, comme les plans de construction ou encore les photos de chevaux qui transportaient les premiers sacs de farine. Une entreprise qui a dû, littéralement, renaître de ses cendres après un incendie en 1987. Il n’aura fallu que trois mois aux frères Forest pour reconstruire et relancer l’activité à l’époque. “C’est que qui nous caractérise, s’enorgueillit Karine, après chaque coup dur, on repart de plus belle pour ne pas perdre de temps”. C’est elle et son cousin Nicolas qui ont racheté l’affaire en 2019, après avoir travaillé plus de quinze ans aux côtés de leurs aînés. Karine, directrice, s’occupe des formations et du marketing. Nicolas est en lien avec la production agricole ; Valentin, le troisième cousin, est en charge des finances et des ressources humaines ; quant à Damien, le petit dernier et frère de Karine, il est responsable du commercial dans le sud de la France. Classée dans les douze premières moyennes meuneries de France, la Minoterie Forest couvre plus de cinquante départements grâce à ses six dépôts situés à Gonesse (95), Bouc-Bel-Air (13), Borgo et Sartène (Corse), Nîmes (30) et Carros (06), mais son seul site de production se trouve à Bray, en Saône-et-Loire. Une présence qui lui permet de répondre à 1.300 clients. “Aujourd’hui, nous écrasons à peu près 70.000 tonnes de blés pour 55.000 tonnes de farines. La moyenne meunerie est souvent beaucoup plus réactive que les grands groupes structurés qui ont tendance, en raison de leur fonctionnement interne, à être plus lents”, conclut la responsable.

Filière blé

La minoterie travaille uniquement avec du blé français, et sur 15 % certifiés Agriéthique. Un choix de commerce équitable revendiqué par Karine Forest : “Nous collaborons avec des exploitants qui travaillent très dur et sont soumis à de nombreux aléas, financiers notamment. Nous avons donc voulu nous extraire, dans une certaine mesure, de ce marché. Nous avons choisi de raisonner en termes de coût de production pour l’agriculteur, afin de leur assurer un revenu décent”. Des céréaliers qui se trouvent en moyenne dans un rayon de 150 km, à l’exception de quelques blés de force ou caractéristiques. La minoterie travaille en outre avec sept organismes stockeurs qui disposent tous de silos en Bourgogne-Franche-Comté (Cerevia, Établissement Bernard, Axereal, …). Le blé travaillé ici produit environ 80 % de farines et 20 % d’issues. Côté farine, on trouve une centaine de références dont des labels rouges, des mixtes, des pâtissières, des boulangères, certaines à façon, ou encore une farine baptisée La Centennale, pour célébrer les 100 ans, et qui a reçu le prix Pépite l’année dernière, mais aussi des farines écrasées sur meule. Quelles que soient les qualités recherchées, « nous recherchons des qualités quasi-exclusivement dans le grain de blé, d’où l’importance de travailler main dans la main avec les agriculteurs. Certaines variétés permettent en effet de trouver du jaune, de l’élasticité, de la conservation et même du goût », renchérit Karine. Des produits 100 % natifs, ce que le consommateur recherche de plus en plus. Des produits destinés à 60 % à une clientèle de boulangers et à 20 % à des entrepreneurs en Boulangerie et GMS. L’entreprise familiale travaille également avec les industriels, qui représentent environ 10 % de la clientèle, avec une livraison en vrac, en monocuve de 29 tonnes. Pour les issues, le son et le remoulage sont revendus sous leur forme brute à des producteurs d’alimentation animale. 200 tonnes de son, soit deux camions, partent chaque jour en direction de l’Espagne notamment.

L’infrastructure

Le site de Bray permet de stocker 1.200 tonnes pour une fabrication de douze tonnes par heure. Une fabrication qui tourne en trois huit, 24/24 h et 7/7. La minoterie est équipée d’un carrousel qui permet d’ensacher 700 sacs par heure, plus rapide que le moulin puisqu’il pourrait ensacher, en théorie, vingt tonnes de l’heure. La minoterie est alimentée en électricité par 430 moteurs. Étant donné l’explosion des prix de l’énergie, des études sont en cours pour éventuellement installer des panneaux photovoltaïques dans les champs environnants, achetés par les grands-parents pour y mettre, à l’époque, leurs 300 vaches. Des terrains actuellement loués. « Nous avions pensé utiliser l’eau, mais nous n’avons pas assez de débit » explique Nicolas. Face au moulin, on trouve en effet un bras de la Grosne dévié, en d’autres temps, par les moines de Cluny. Un point devenu le point incendie imposé par la Dreal. Quelle que soit la solution imaginée, les Forest tentent de privilégier la solution la plus respectueuse de l’environnement, à l’instar de la fauconnerie à laquelle ils font appel pour éloigner les nuisibles, tels que les pigeons et les moineaux. Idem pour le transport. Actuellement, un tiers de leur flotte est équipé du système Oléo100 : un carburant d’origine végétale fabriqué à base de colza français. Il permet de réduire les émissions de CO2 de 60 % environ. Sans oublier l’intérêt de la rotation de colza dans la culture de blé pour les sols. Encore faut-il investir dans la transformation des moteurs pour qu’ils puissent rouler au colza. L’objectif est de convertir la moitié des camions de la minoterie d’ici à la fin de l’année.

La minoterie 3.0, une multitude de services

“Nous avons développé une boîte à outils avec, notamment, une agence de marketing dédiée aux artisans boulangers pour mettre en avant l’identité de chaque client” explique Karine Forest. La minoterie a décidé d’offrir, depuis une quinzaine d’années, plusieurs services à ses clients. Au-delà des farines premium, on trouve ici une agence immobilière qui cherche des locaux correspondant aux attentes et au budget des artisans en devenir. Sans oublier l’académie, qui a formé l’année dernière plus de 700 personnes. “Nous vendons des solutions qui sont là pour faire monter en compétence les artisans”, renchérit la responsable. En clair, dans un secteur ultra-concurrentiel tel que la boulangerie et la pâtisserie, il ne suffit plus de proposer du bon pain pour se démarquer. Il faut proposer du snacking, un coin café, une image, un espace, bref une identité remarquable pour être remarqué dans le flot des offres. “Aujourd’hui, l’artisan est un entrepreneur, il doit savoir produire, vendre, manager, marketer, gérer, communiquer en digital”, renchérit-elle. D’où l’importance de les accompagner au niveau marketing, notamment avec les moyens digitaux. Et là encore, la Minoterie Forest innove en proposant des solutions marketing grâce à son agence de communication intégrée. Une agence dédiée aux artisans premium qui ne sont pas du tout sur le même type de cible clientèle que les grands groupes. D’autant plus que, selon Nicolas Forest, les CFA de la filière sont très en retard et n’apprennent que la boulangerie et la viennoiserie. « Aujourd’hui, il reste très peu de cafés ouverts tôt le matin pour proposer des cafés. Ce sont les boulangeries qui ont pris le relais. Elles doivent donc proposer des espaces et des produits appropriés, mais aussi des sandwichs pour le midi, etc. ». La stratégie de la Minoterie Forest fonctionne, entre sa centaine de références de farines et ses services, l’entreprise a enregistré 50 millions de chiffres d’affaires, soit un développement de 8 % entre 2021 et 2022. Reste le problème des locaux, toujours trop petits pour accueillir tous les besoins, de plus en plus nombreux, de cette affaire familiale, mais lorsque l’on voit l’évolution en cent ans, il y a fort à parier que l’essor de la Minoterie Forest est loin d’être terminé.