EXCLU WEB / Le retour des marchés des céréales sous pression

L’Ukraine se plaint des inspections de ses navires retardées par la Russie dans les ports turcs. Le corridor maritime de la Mer Noire pourrait ne pas être prolongé. Sur le marché du maïs, la conjoncture s’assombrit. 

EXCLU WEB / Le retour des marchés des céréales sous pression

Reconduit ? Pas reconduit le 19 mars prochain ? L’avenir du corridor maritime de la Mer Noire crispe déjà les places de marché des céréales. La Russie conditionnera son maintien en imposant ses conditions, bien sûr inacceptables par la communauté internationale, et par l’Ukraine en particulier. En attendant la Russie n’a jamais autant vendu de blé. Chaque semaine depuis le début du mois de février, elle expédie plus de 2,5 millions de tonnes (Mt) à 20 dollars de moins la tonne que la France !

Cependant, la Russie pourrait encore en vendre plus puisqu’elle dispose de 10 à 15 Mt de grains exportables en plus. Dans les ports turcs, le zèle déployé par les autorités russes pour empêcher l’Ukraine d’expédier à bon compte sa propre récolte n’aide pas la Russie à améliorer ses performances commerciales ! A Kiev, le gouvernement ukrainien « en appelle à la communauté internationale pour que la Russie mette fin aux tentatives d'utiliser la nourriture comme arme et de débloquer la navigation commerciale vers les ports ukrainiens de la Mer Noire en retardant les inspections des navires ». Mais la guerre commencée en Ukraine il y a un an, est appelée à durer. La Russie menace d’intensifier ses hostilités. Il n’en faut pas plus pour que le prix de la tonne de blé avoisine de nouveau le seuil de 300 €.

Pourtant, 212 Mt de blé pourront être exportées dans le monde durant cette campagne 2022-2023 qui s’achève. Ce qui constitue un record ! Mais beaucoup de tonnes de blé ne seront pas disponibles à l’export si le conflit ukrainien prend de nouveau en otage le fonctionnement des grains. Par effet de boomerang, la Russie pourrait même être empêchée d’écouler sa récolte si elle s’oppose à la reconduction du corridor. Quelle compagnie serait en effet prête à assurer ses cargaisons si le bassin de la Mer Noire devient de nouveau une zone risquée !

La Chine imprévisible

A ce jour, la nouvelle baisse de la production mondiale de maïs inquiète. Le ministère américain de l’Agriculture (USDA) ne l’estime plus qu’à 1 151 millions de tonnes (Mt, soit - 65 Mt sur un an dont – 50 Mt aux Etats-Unis) alors que les exportations atteindraient 181 Mt (+ 3 Mt qu’annoncé en janvier dernier).

Pour la première fois, le Brésil exporterait autant de maïs (51 Mt) que les États-Unis alors que sa production est trois fois plus faible (125 Mt) !

A sa façon, l’Union européenne attise les tensions sur les marchés en important toujours plus de grains (34 Mt). A Bordeaux, le prix de la tonne est supérieur à celui du blé. Les inquiétudes des opérateurs portent aussi sur l’approvisionnement des marchés des grains l’été prochain. En Russie, l’hiver est rude dans les régions du centre et la région de la Volga. La production de blé est pour l’instant estimée à 85 Mt (-10 Mt sur un an). L’Ukraine ne produirait pas plus de 16 Mt de blé et 21 Mt de maïs l’été prochain : moins de terres sont cultivables et cultivées. Les intrants manquent ou sont trop chers. En France, les agriculteurs ont priorisé les céréales d’hiver (6,8 millions d’hectares ; + 1,8 % par rapport à la moyenne 2018-2022) mais l’hiver s’achève avec des nappes phréatiques insuffisamment renflouées. Ce contexte alimente aussi les tensions sur les marchés et l’attitude de la Chine reste imprévisible. L’empire du milieu ne renouvelle pas seulement ses stocks colossaux de blé, de maïs et de riz pour assurer sa sécurité alimentaire. Il anticiperait aussi les mesures répressives que la communauté internationale pourrait prendre à son égard s’il avait quelques visées expansionnistes sur Taïwan. Mais ces stocks constituent aussi une arme commerciale redoutable si la Chine en met en vente une partie. De quoi faire effondrer les cours mondiaux.