Elections Européennes
Alliance rurale : « renverser la table des technocrates »

Cédric Michelin
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C’est une Alliance rurale qui fait des étincelles entre Jean Lasalle, fils de berger des Pyrénées-Atlantiques, qui philosophe passionnément autour de la ruralité et Willy Schraen, fils d’instituteurs du Nord, qui tire à boulet rouge sur les bien-pensants urbains de l’écologie, qu’il affronte en tant que président de la Fédération des chasseurs.

Alliance rurale : « renverser la table des technocrates »

Tous deux sont candidats aux parlements Européen et étaient invités, ce mardi 28 mai au Domaine Pigneret à Moroges, par la présidente des chasseurs de Saône-et-Loire, Évelyne Guillon, figurant en 19e position de cette liste. Tous revendiquent « l’urgence du bon sens ». Leur faisant visiter la cuverie et le chai, Eric et Joseph Pigneret plantaient le décor de ce domaine de 30 ha vendant à 80 % aux particuliers, « fruit du travail » de cinq générations. « Comme les agriculteurs qui misèrent, on est assailli de paperasseries, de normes… ». Willy Schraen fustigeait alors le Green deal (Pacte vert) Européen « et ses contraintes ». Et ne lui parler de souveraineté, car il estime que c’est un « piège pour nous faire manger étranger ». Lui préfère le terme « d’autonomie alimentaire » pour une « France forte » qui ne doit pas accepter de voir sa production agricole et viticole « être diminuée ». Pour cela, il promet « de se battre et de renverser la table européenne » quitte à y mettre « le bordel », s’amusait-il déjà.

À la crainte d’un nationalisme fermant les frontières aux vins français, Joseph Pigneret donnait l’exemple de « d’abord servir les locaux qui nous font confiance et après, les années généreuses, on peut exporter » vins et crémants élaborés et élevés sur place. Eric veut « faire notre vrai métier et pas remplir des papiers qui ne servent à rien ou juste pour marquer qu’on est plus blanc que blanc dans un cahier. Il faut travailler, c’est ça l’important ». Jean Lasalle fait le constat que l’administration « ne forme que des contrôleurs et plus de facilitateurs ». Pour Évelyne Guillon, l’autre mal de la France est de « créer des commissions et des observatoires qui sont des freins ». Willy Schraen voyait là un véritable « danger » démocratique d’avoir « 313 commissions à l’Europe, plus de 400.000 normes qui gèrent nos vies et surtout des gens qui sont payés pour chercher des idées afin de justifier leur salaire ». Pour simplifier, il promet de « diviser par deux les normes et d’arrêter d’en faire pendant dix ans ». À l’inverse d’une administration « pointilleuse », Eric Pigneret aimerait trouver de la main-d’œuvre. « Alors qu’on a des milliers de chômeurs, mon premier concurrent pour embaucher est l’État qui les paie à rester chez eux ». Le domaine fait alors appel à des Espagnols via une boîte d’intérim. « Ils sont consciencieux et motivés », souligne-t-il sur la valeur cardinale du travail.

« Prenant son temps » d’aller à la rencontre de la trentaine d’invités présents, Jean Lassalle observe « les microrégions et la PQR (presse régionale) se féliciter pour la chance d’avoir ce qu’ils ont en local », à l’inverse des médias nationaux et des réseaux sociaux qui « créent une étrange et pas sérieuse campagne » électorale. Pour lui, la politique a besoin d’un « petit supplément d’âme qui réveille le pays » et les « élites ». Loin de lui de ne pas savoir qu’il est tout autant un homme politique faisant sa 28e campagne électorale « et élu 25 fois sur 27 », il souhaite « mettre un pied dans la porte » à Bruxelles - des « technocrates non élus démocratiquement » glisse Willy Schraen - pour leur tendre un « miroir reflétant leur propre désarroi » : « est-ce que de Gaulle ou Eisenhower voulaient un marché ouvert qui nous écrase ? », renvoyait-il la réponse à l’histoire transatlantique post-Deuxième Guerre mondiale qui a abouti sur le plan Marshall. Jean Lasalle se disant partisan de « multiplier par dix le budget de la recherche » générale.

À la question du secrétaire général des JA71, Jérémy Gravallon sur la Pac et notamment le renouvellement des générations, d’éleveurs notamment, Jean Lassalle invitait à « revisiter les contraintes » et pas qu’agricoles ou administratives, mais aussi rurales et familiales. « Chaque agriculteur doit avoir plus de vie », et sans faire de sexisme, Jean Lassalle précisait sa pensée : « la femme d’un éleveur qui doit travailler à l’extérieur de la ferme, pour 500 €/mois après la nounou et le diesel, ne faudrait-il pas mieux qu’elle est un Smic pour être heureuse sur la ferme et avoir un équilibre familial ». Là encore, les deux compères se montrent ouverts et pas pour l’instauration de seuils à surveiller : « Si certains veulent se contenter de ça, c’est bien, mais ne freinons pas ceux qui veulent gagner plus par contre ».