Le manichéisme est, dans sa définition contemporaine, une attitude consistant à simplifier les rapports du monde pour les ramener à une opposition entre le bien et le mal. Pour de nombreux sujets, le monde agricole souffre du regard manichéen que porte la société sur ses pratiques. L’actualité de la semaine est riche en illustrations.

Manichéisme de nos sociétés

Prenons l’exemple du vote du Parlement européen sur l’interdiction des produits phyto sur les surfaces d’intérêt écologique. Cela part d’un bon sentiment : réduire l’usage des pesticides. Problème : les protéagineux – dont la production a été relancée grâce à l’autorisation de les cultiver sur les SIE - ont une sensibilité très élevée aux maladies. Et, en année humide, le risque est grand de récolter un rendement dérisoire. Au final, sans le recours aux fongicides en année humide, nombre d’agriculteurs ne vont plus prendre le risque d’en implanter, d’où une diminution de la production de protéines végétales en Europe, d’où une plus grande dépendance aux importations de soja… OGM, dont la société européenne ne veut pas !

Autre exemple : la velléité d’interdire le glyphosate en Europe. On part du même postulat de base : les pesticides, c’est mal. Mais, en même temps, l’agriculture est sollicitée pour contribuer à lutter contre les émissions de gaz à effet de serre grâce à la faculté des sols à capter le CO2. Les agriculteurs sont invités à opter pour le non-labour et la couverture des sols hivernaux. Des techniques pointues qui, parfois – par exemple quand il ne gèle pas en hiver - nécessitent un passage de glyphosate. Son interdiction risque de conduire à un recours plus systématique au labour… néfaste pour les gaz à effet de serre.

L’agronomie, c’est complexe et nuancé.

Nicole OUVRARD - Agra Presse