Élevage
Revaloriser la laine et les peaux ovines

Dans un rapport récemment rendu public, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) préconise de redonner à la laine quelques perspectives économiques qui se sont évaporées au fil des dernières décennies. 

Revaloriser la laine et les peaux ovines
Le CGAAER estime à environ 10 000 tonnes la quantité de laine en suint produite en France©iStock-esemelwe

Après avoir dressé un état des lieux de la situation des filières laines et peaux lainées tout en dressant un portrait des marchés dominés par la Chine, qui absorbe 70 % du marché mondial, les deux auteurs* ont étudié les freins à la valorisation de laine française, en lien notamment avec ses caractéristiques techniques. Une chose est certaine. La France dispose du potentiel nécessaire pour développer une filière laine et peaux lainées, bien qu’elle soit largement distancée, dans ce secteur par ses concurrents. En effet, notre pays compte environ sept millions d’ovins soit 24,5 fois moins qu’en Chine (172 millions), dix fois moins qu’en Australie (70 M) et quatre fois moins qu’en Nouvelle-Zélande (28 M).

Défi logistique

En l’absence d’unité de mégisserie lainière industrielle en France, la quasi-totalité des peaux lainées, soit environ 2,5 millions de pièces, est exportée essentiellement vers l’Italie et la Turquie. Il existe donc un réel gisement économique. Dans ces conditions, les membres du CGAAER s’interrogent : la laine et les peaux lainées sont-ils des produits à valoriser ou bien des déchets à éliminer ?  Si relance d’une filière il doit y avoir, il faudra lever de nombreux obstacles, à commencer par celui, assez coûteux, de la logistique. S’appuyant sur une enquête menée par la Fédération nationale ovine (FNO), les auteurs du rapport constatent que le stock des laines en élevage est estimé à environ 3.000 tonnes. La FNO fait état de treeize départements dans lesquels il n’y a plus de collecte de laine en ferme et 24 autres où la collecte n’est que partielle. Par ailleurs, le prix actuel payé au producteur pour la laine brute (0,20 €/kg) « ne permet pas de couvrir les frais de tonte », souligne le rapport. Ces derniers avoisinent environ 2 €/animal. Il y a encore cinq ou six ans, les éleveurs pouvaient rentrer dans leurs frais car la laine était payée entre 1,80 € et 2 €/kg brut.

Valorisations potentielles 

Autre obstacle à lever : les freins juridiques et réglementaires européens sur les sous-produits animaux. En effet, la laine de brebis et de bélier n’est toujours pas considérée comme un produit, ni comme un co-produit, mais comme un déchet. Elle est classée en “catégorie 3”, ce qui contraint les laines et peaux à être traitées et les entreprises qui effectuent ces travaux à être dûment enregistrées auprès des préfectures, avec des contraintes environnementales et sanitaires fortes, comme peuvent l’être les usines d’équarrissage. L’utilisation ou l’élimination des laines et de peaux « doit suivre les règles définies dans les règlements européens et la laine ne peut pas être enfouie ou incinérée dans les champs ni épandue sur le sol sans traitement préalable », confirme le rapport. Malgré tout, les multiples usages des laines et peaux permettraient de créer une filière française pour alimenter l’industrie textile (vêtements, tissus ameublement, tapis...), la matelasserie (matelas, futons, couettes, oreillers), l’isolation thermique des bâtiments, l’industrie du cuir (maroquinerie, cordonnerie, ganterie, sellerie…). D’autres valorisations potentielles sont à développer, indique le rapport : La transformation en produits pour l’alimentation animale, le compostage, la biométhanisation, les engrais organiques, etc.

Mieux connaître le marché, mieux structurer l’offre, mais aussi appuyer le développement d’une interprofession laine en France, sont quelques propositions des deux auteurs qui soulignent les initiatives locales comme Tricolor (lire encadré). « Cependant celles-ci restent artisanales, économiquement fragiles et non coordonnées », remarque le rapport** CGAAER. 

Christophe Soulard 

(*) Françoise Lavarde Ingénieure générale des ponts, des eaux et des forêts et Jean-Pierre Orand, Inspecteur général de santé publique vétérinaire

(**) Le rapport est disponible à l’adresse suivante :https://agriculture.gouv.fr/la-valorisation-de-la-laine-et-des-peaux-lainees 

Le collectif Tricolor

Le collectif Tricolor est une association interprofessionnelle qui rassemble des éleveurs ovins, des artisans, des manufactures, des acteurs de la création, de la distribution et des territoires. Lancée en 2018, elle regroupe environ 70 membres et ambitionne de remplacer l’interprofession lainière disparue il y a environ 40 ans. Son ambition est de valoriser localement, d’ici à 2030, 25 à 50 % des toisons françaises.