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Agrisolidarité

Une convention d'accompagnement avec le tribunal de Mâcon, une première en Bourgogne-Franche-Comté

Le 24 mars, rendez-vous était donné au Tribunal de Mâcon pour une première en Bourgogne-Franche-Comté : la signature d’une convention avec Agrisolidarité qui apporte un accompagnement, au sens large, aux agriculteurs en difficulté. Ici, à la sortie du Tribunal, au moment de prendre les bonnes décisions.

Par Cédric Michelin
Une convention d'accompagnement avec le tribunal de Mâcon, une première en Bourgogne-Franche-Comté

Depuis plusieurs années, une succession de crises agricoles (liées au climat, aux faibles rémunérations, aux crises sanitaires…) a touché l’ensemble des secteurs d’activité du département, et pas que. Sans oublier que le métier et les fermes ont beaucoup évolué avec toujours plus de réglementations, de logiciels à maîtriser et d’obligations administratives. Dès lors, pas étonnant, de voir des agriculteurs en proie à une mauvaise passe ou à des difficultés conjoncturelles ou structurelles. Les causes professionnelles, empiétant souvent sur la vie personnelle et familiale, sont multiples : surendettement, problèmes techniques, soucis de commercialisation, accident de la vie, ennuis de santé ou familiaux… ce qui fait dire au président d’Agrisolidarité, Jean-Charles Blanchard, « que tout le monde et toutes les productions » peuvent être malheureusement un jour ou l’autre, confrontés à des difficultés d’adaptation à court terme ou au long cours. C’est pour accompagner les agriculteurs dans ces moments de difficultés que l’association Agrisolidarité a été créée en 2007 par les organisations professionnelles agricoles de Saône-et-Loire et à l’initiative de travailleurs sociaux de la MSA. La juge du pôle social du Tribunal judiciaire de Mâcon, Audrey Landemaine rassure déjà sur le nombre de dossiers annuels, autour d’une trentaine par an pour toute la Saône-et-Loire en agriculture et en viticulture (ne sont pas inclus les Haras et prestataires de services).

La présidente du Tribunal à l’initiative

Et la présidente du Tribunal de Mâcon, Madame Marion Goddier a très vite compris l’intérêt d’Agrisolidarité. C’est la présidente qui a été à l’initiative de cette convention pour prendre le relais de la justice, qui elle est là juste pour trancher en fonction du droit… sans accompagner ensuite. « On cherchait une prise en charge au long cours », pour ne pas laisser les ressortissants agricoles seuls. Passer devant un juge au tribunal est souvent « effrayant et déroutant », explique Violaine Bigot, la conseillère d’Agrisolidarité. « Qu’une juge propose un accompagnement peut sembler surprenant, mais l’idée est d’éviter des contentieux futurs ». Violaine Bigot a déjà accompagné ou « orienté » deux personnes à la suite des audiences de décembre. Le tribunal lui met à disposition un bureau directement dans les locaux, pour être à la sortie de l’audience groupée. « Il n’y a qu’à traverser le couloir ».

Construire une voie de secours

Agrisolidarité permet de gagner en efficacité et d’aborder les problèmes de façon globale et non pas de façon sectorisée, en fonction des compétences de chacun. « On propose par exemple un accompagnement technique avec la chambre d’Agriculture », si le problème principal est de cette nature. Mais cela peut être d’autres formes (social, administratif…). Agrisolidarité avec l’agriculteur en difficulté va en effet construire un diagnostic partagé pour retrouver des perspectives, consolider l’exploitation ou encore, et ce n’est pas un tabou honteux, envisager une reconversion professionnelle. D’ailleurs, les entreprises sont souvent à la recherche de profils travailleurs et multi-compétents qui sont la base du métier d’agriculteur. L’accompagnement d’Agrisolidarité ne s’arrête pas au volet professionnel, il englobe également la famille si besoin.

Gratuit grâce à la solidarité

« Si on peut éviter l’ouverture d’une procédure collective », c’est-à-dire une cessation de paiement, la présidente du Tribunal se dira déjà satisfaite. La juriste de la MSA Bourgogne, Céline Lescouzeres l’explique autrement : « quand le tribunal rend sa décision, la MSA se met en route », souvent pour tenter de récupérer les impayés de charges sociales, « alors que la MSA est très favorable à ce type d’échanges avec Agrisolidarité », avec qui la MSA travaille quotidiennement presque, pour donner du temps aux agriculteurs en difficulté et échelonner si possible les remboursements. C’est le double rôle de la MSA, ne pas léser l’intérêt et la défense sociale collective et en même temps, accompagner les agriculteurs. « Agrisolidarité est neutre », rappelle Violaine Bigot. « Nous ne voulons laisser aucun agriculteur dans la nature en difficultés, isolé ou même dans un mal-être s’installant », insiste son président, qui craint plus que tout l’isolement ou descente aux enfers.

Pour l’agriculteur, pour cet accompagnement, une simple contribution forfaitaire (100 €) est demandée, plus pour ancrer l’engagement moral réciproque. Le vrai coût de l’accompagnement est en réalité pris en charge par les organismes intervenants, la MSA et la chambre d’Agriculture. L’aide précieuse des partenaires est essentielle (Conseil Départemental, Crédit Agricole, certaines collectivités locales).

La protection de la justice

Généralement, le passage au Tribunal est la résultante d’une accumulation de difficultés. « Souvent, cela commence par l’arrêt des services du comptable, qui ne fait plus les déclarations. Les impayés et dettes s’accumulent. Et d’autres difficultés sous-jacentes que la MSA ne peut détecter », ni le Tribunal. Agrisolidarité est aussi là pour être à l’écoute, bien en amont. Et pour dédramatiser si possible le fait de demander au plus tôt l’aide du tribunal, qui saisit à temps, offre des solutions à l’amiable un peu plus faciles à mettre en œuvre et avec de meilleures chances de réussite de se sortir des difficultés, avant l'excès d'impayés de partout. Ce que tous les signataires du jour espéraient sincèrement. Cette convention, d’un genre nouveau, aurait tout intérêt à être signée partout en France.