Les agriculteurs sont au coeur de la santé des territoires…
La dernière session de la Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire était consacrée au concept « One Health - une seule santé ». Derrière cette approche savante se cache un message plutôt réconfortant pour les agriculteurs. Ils sont au cœur de la santé des territoires.

Pensé à l’échelle mondiale, le concept « One Health » a commencé à émerger en France suite à la pandémie de Covid en 2020-2021. « One Health – une seule santé » est une approche nouvelle qui part du constat que la santé des humains, celle des animaux et l’état des écosystèmes sont liés. Aussi pour prévenir et gérer les crises sanitaires, notamment dues aux zoonoses (maladies transmises des animaux aux humains), One Health promeut la coopération entre les différents secteurs concernés (professionnels de santé humaine, vétérinaires, agronomes, écologues…). Car les maladies émergentes sont intimement liées aux crises écologiques, d’où l’intérêt de favoriser des systèmes durables bénéfiques à la santé publique et à la sécurité alimentaire.
Agriculteurs grands oubliés…
Constatant que les acteurs du monde agricole étaient les grands oubliés de cette vaste réflexion, le « think tank » Agridées (1) a constitué un groupe de travail sur le sujet : « One Health : Quel rôle pour les agriculteurs et les territoires ? ». Ce groupe d’experts a planché pendant 18 mois. Leur conclusion est qu’il ne peut y avoir de « One Health opérationnel sans agriculteurs ». Alors que les responsables en santé humaine ont « une bien mauvaise image de l’agriculture » qu’ils tiennent pour responsable de nombreux maux, Agridées est au contraire convaincu que les agriculteurs « sont au cœur de toutes les santés, avec les capacités d’améliorer la santé des territoires dans tous les axes : animal, végétal, alimentaire, environnemental et même économique », exposait à Jalogny Marie-Cécile Damave, responsable innovations et affaires internationales à Agridées.
Pour contribuer à la bonne santé des territoires, l’agriculture dispose de deux principaux leviers, pointe le think tank. Les filières et les circuits de distribution dits « de l’alimentation durable » constituent le premier. Les projets alimentaires territoriaux (PAT) en font partie, de même que les signes de qualité. L’autre levier repose sur les pratiques agricoles dans une optique d’agriculture régénératrice.
Une alimentation saine grâce à qui ?
Pour refléter la bonne santé d’un territoire, Agridées réfléchit à un « score » territorial. Cet outil permettrait de réaliser une sorte d’état des lieux d’un territoire en mettant en lumière les contributions des agriculteurs à la qualité de vie. Si l’agriculture est facilement mise en cause dans les problèmes de santé publique, elle est loin d’être la seule responsable, fait remarquer Marie-Cécile Damave qui évoque aussi les modes de vie des humains très déterminants sur leur santé. La représentante d’Agridées propose même de « retourner le problème » en allant « voir qui est responsable de la bonne santé des humains. Si aujourd’hui, on a accès à une alimentation saine et durable, c’est quand même grâce au monde agricole », affirme-t-elle, rappelant au passage l’importance de la prévention par l’alimentation.
La carotte plutôt que le bâton…
Et poursuivant son raisonnement, Marie-Cécile Damave estime qu’au lieu de « toujours vouloir pénaliser, il faut au contraire inciter les actions positives ». Agridées pense à des « paiements pour services sanitaires ». L’intervenante cite un certain nombre d’exemples de filières (Mc Do, Cristal Union, CRC, Sodiaal…) qui rémunèrent d’ores et déjà les efforts s’inscrivant dans l’agriculture régénératrice. Elle ajoute par ailleurs que les fonds d’investissements qui financent les grandes entreprises regardent de plus en plus leurs politiques RSE (Responsabilité Sociale et Environnementale).
Le concept parle-t-il aux agriculteurs ?
Ingénieure de l’Isara originaire de Sologny, Léa Robergeot a effectué un stage au sein d’Agridées sous la direction de Marie-Cécile Damave (lire Exploitant Agricole du 20 septembre dernier). Le « think tank » l’a chargée de réfléchir à la façon de promouvoir le travail effectué sur « One Health – une seule santé ». La future ingénieure a choisi d’effectuer une enquête pour sonder « si le concept parlait au monde agricole ». Elle est allée à la rencontre d’une vingtaine d’acteurs de terrain en Bourgogne Franche-Comté. L’enquête a mis en évidence « une connaissance souvent partielle de One Health », rapporte Léa Robergeot. À partir de cet état des lieux, elle a imaginé comment mobiliser davantage ces acteurs de terrain. Les stratégies passent par de la formation, de la collaboration interdisciplinaire et de la règlementation pour déployer les bonnes pratiques, présente la jeune ingénieure.
Parmi toutes les propositions d’Agridées, c’est l’idée d’un score territorial qui a le plus retenu l’attention des acteurs de terrains rencontrés, rapporte Léa Robergeot. Dans des zones rurales confrontées à la perte d’attractivité, le concept intéresse. Un territoire test servira de modèle pour mettre au point une méthode d’évaluation de l’état de santé d’un territoire. Le score n’a a priori rien à voir avec les étiquetages nutritifs censés flécher les consommateurs. Il constituerait plutôt un outil au service des élus territoriaux, argumente Marie-Cécile Damave.
Tout travail mérite salaire…
Comme le reconnaissait avec lucidité Léa Robergeot, le sujet a un côté « utopique », un concept un peu abstrait qui peut dérouter l’agriculteur dans sa cour de ferme. Mais, dans un contexte de clivages sociétaux systématiquement hostiles à l’agriculture, « tout ce qui peut permettre de montrer les bénéfices liés à cette agriculture est le bienvenu », se félicitait Christian Bajard, président de la FDSEA. Le président de la chambre d’agriculture, Bernard Lacour rejoignait les deux intervenantes dans l’idée qu’il faut que les agriculteurs s’emparent de la démarche sans attendre. One Health vient leur rappeler que « les agriculteurs sont la solution et non le problème ». Mais le volontarisme affiché n’empêche pas d’avoir à l’esprit que tout travail mérite salaire ! « Les attentes des consommateurs sont légitimes. Mais quand c’est plus vert, c’est toujours plus cher », prévenait Christian Bajard. Et pendant que l’on encourage les bonnes pratiques agricoles sur nos territoires, il ne faudrait pas que l’on importe des produits moins chers qui ne respectent pas les mêmes règles, tempérait Luc Jeannin.
Agridées est un lieu de questionnement, de débat et d’expertise réunissant les acteurs des secteurs agricoles, agroalimentaires et agro-industriels autour de l’agriculture du futur. Son président, la moitié du conseil d’administration et le délégué général sont des agriculteurs. Agridées fait intervenir des experts aux profils divers.