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Décès d’Edgard Pisani

Un homme d’Etat nous a quittés

L’ancien ministre de l’Agriculture, Edgard Pisani est décédé à Paris, le
20 juin à l’âge de 97 ans. Né à Tunis le 9 octobre 1918, il participe à
la Résistance après des études de droit et de sciences politiques à
Paris.
Par Publié par Cédric Michelin
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Interné, il s’évade avant de jouer un rôle important dans la Libération de Paris. Il devient alors le plus jeune sous-préfet de France en 1944, dirige le cabinet du Préfet de police, puis du ministre de l’Intérieur et enfin du ministre des Armées. Il est ensuite nommé préfet de la Haute-Loire puis de la Haute-Marne entre 1944 et 1954. Il s’engage alors en politique et est élu sénateur de la Haute-Marne en 1954 jusqu’en 1961. C’est là que le Général de Gaulle vient le chercher pour le nommer ministre de l’Agriculture, après un débat sur l’agriculture au Sénat où il s’était fait remarquer par Michel Debré, alors Premier ministre, alors qu’il n’était pas un spécialiste du sujet. Reçu par le Général avant de prendre ses fonctions, Edgard Pisani aimait à rappeler les propos que le chef de l’Etat lui avait tenus au cours de ce rendez-vous. « Monsieur Pisani n’oubliez pas que vous êtes le ministre de l’Agriculture, pas des agriculteurs ». Ministre de l’Agriculture, il y resta près de cinq ans, jusqu’en 1966, le plus long mandat à ce poste. Mais c’est surtout la politique qu’il mena qui est restée dans l’histoire. Il fut l’artisan, avec les Jeunes agriculteurs de l’époque, de la formidable modernisation de l’agriculture française et de la mise en œuvre de la PAC. C’est lui aussi qui mis en chantier la loi complémentaire de modernisation en 1962 qui est venue compléter la loi d’orientation agricole adoptée en 1960. Après la politique des structures et la création des Safer et des groupements fonciers agricoles, la loi complémentaire fut à l’origine des groupements de producteurs et des comités économiques pour renforcer le pouvoir des agriculteurs vis-à-vis de leur aval. Deux ans plus tard, en 1964, fut votée la loi sur l’économie contractuelle qui jeta les bases des premières interprofessions dans le secteur viticole et dans les fruits et légumes transformés. Cinquante ans plus tard, le sujet n’est pas épuisé. Ministre de l’Equipement de 1966 à 1967, il démissionne en mai 1967 quand Georges Pompidou, alors Premier ministre, décide de promulguer des ordonnances. Elu député du Maine-et-Loire, il vote en 1968 la motion de censure. Après avoir démissionné, il est battu aux élections suivantes et redevient sénateur de Haute-Marne de 1973 à 1981. C’est à ce moment-là qu’il se rapprocha de la Gauche rocardienne. Sans rancune, François Mitterrand le nomme, en 1981, commissaire européen en charge du développement. Il le rappelle en 1984 pour résoudre le problème calédonien secoué par des revendications indépendantistes, en le désignant Haut-Commissaire pour la Nouvelle-Calédonie puis ministre de la Nouvelle-Calédonie. Une fois la tâche accomplie, il rejoint le Cabinet du président de la République en tant que conseiller pour l’Afrique de 1985 à 1992. Il fut également président de l’Institut du monde arabe (1988-1995) et président du Centre national des Hautes Etudes agronomiques méditerranéennes de 1991 à 1995. Depuis 1995, Edgard Pisani se consacrait à la réflexion et à l’écriture principalement dans les domaines de l’agriculture, de l’éducation et de la politique. Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont le « Vieil homme et la terre ». Homme de conviction, esprit inventif et audacieux, « révolté mais non révolutionnaire », comme il se décrivait lui-même, nous pourrions retenir les propos qu’il délivra lors du débat agricole au Sénat à l’origine de sa nomination à l’Agriculture et qu’il rappelait, il y a quelques années lors d’une interview. « On ne peut résoudre les problèmes ni par l’argent, ni par la loi mais par la politique, c’est-à-dire en mettant en place les conditions socio-économiques favorables ». Un message qui reste d’une brulante actualité.


Xavier Beulin : « une vision pour l’agriculture »

Apprenant le décès d’Edgard Pisani, Xavier Beulin lui a rendu hommage, voyant en lui « un homme de dialogue avec la profession » qui « a su porter sa vision pour l’agriculture, celle d’une agriculture moderne faisant face à un monde en pleine mutation ». Comme ministre de l’Agriculture, « son nom reste indissolublement lié à la révolution silencieuse et à l’immense mutation vécue par l’agriculture française dans les années 60 » rappelle-t-il. Les lois qu’il a mis en chantier « incarnent la réforme, le projet, la vision d’une agriculture moderne adaptée aux défis de son temps », précise-t-il.

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