Bocage
Valoriser ses haies grâce aux plaquettes

Ariane Tilve
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À l’occasion d’une journée de sensibilisation à la gestion durable des haies et à leur valorisation économique, organisée jeudi 29 septembre à Rigny-sur-Arroux, onze acteurs du territoire ont dévoilé leurs plans d’action pour développer une filière qui a de l’avenir.

Valoriser ses haies grâce aux plaquettes

Depuis plusieurs années déjà, on évoque l’intérêt des haies pour la biodiversité, le captage CO2 ou encore le bilan carbone. Dans notre article publié le 18 mai 2022 sur agri71.fr "Des haies agricoles pleines de ressources", toujours en ligne, nous détaillons les bénéfices directs en termes de production de bois et d’utilisation de cette biomasse, que ce soit pour la production d’énergie, la litière en élevage, ou encore, la régulation microclimatique.

Encore faut-il avoir les moyens et le temps de planter et/ou d’entretenir ses haies. Pour cela, une dizaine d’acteurs du monde agricole, de la Direction départementale des territoires (DDT) à la Chambre d’agriculture en passant par le Syndicat mixte des bassins-versants de l’Arroux et de la Somme (SMBVAS) ou encore la Fédération départementale des chasseurs, se mobilisent. Leur objectif est de sensibiliser le monde agricole à la gestion durable des haies, mais aussi et surtout à la valorisation économique d’une telle entreprise.

« Prenons l’ouest du département, entre élevages et bocages, explique Nathalie Delara du service économie agricole de la DDT. Sur une exploitation type de 120 à 150 ha avec 45 km linéaires de haies, il y a 14 jours d’entretien par an. C’est du temps de travail non rémunéré, du carburant et l’usage de l’équipement, sans aucun gain, si ce n’est un bocage parfaitement dessiné, ce qui tient énormément à cœur de certains. Nous partons du postulat que ces deux semaines de travail peuvent être rémunérées ou, du moins, engendrer une ressource ». La plantation et l’entretien de haies permettent, à défaut d’engendrer un gain, de ne pas générer de pertes. Une fois les haies taillées, il est possible d’en récupérer la biomasse et de la transformer grâce à un acteur incontournable : la Cuma compost 71. Depuis une dizaine d’années, la coopérative a conclu un accord avec la Cuma Terr’eau de la Nièvre pour déchiqueter le bois en plaquettes. Objectif : utiliser ces plaquettes pour la litière, la consommation en chaufferie, le paillage de plantations, BRF - bois raméal fragmenté - ou dans le processus de co-compostage. Une fois le bois broyé en plaquettes, il doit passer quatre à six mois à sécher pour baisser à 25 % d’humidité. En remplacement du paillage classique, ces copeaux de bois représentent une denrée d’autant plus précieuse en périodes de sécheresses, comme celles que nous avons connues en 2019 et 2020.

Valoriser les plaquettes en litière ou en bois énergie

La "litière-bois déchiqueté" est utilisée en élevage bovin allaitant ou caprin. Elle favorise le compostage des fumiers pour l’amendement et améliore la fertilité des sols. Selon les Chambres d’agriculture de Bourgogne-Franche-Comté, utiliser moins de paille permet de passer de trois à deux curages. Une tonne de plaquettes sèches (soit 4 m3) permet en outre d’économiser jusqu’à 1,5 tonne de paille. Autre avantage, cette litière est peu fermentescible et s’échauffe peu. Elle est donc plus saine et diminue le risque d’infections bactériennes (mammites, gros nombril, etc.) Attention tout de même, cette litière est plus froide, il faut donc rajouter immédiatement de la paille par-dessus pour les veaux.

Autre possibilité, la vente de plaquettes pour les chaufferies collectives. Le bois, énergie renouvelable, est valorisable en chaudière à bois déchiqueté pour l’exploitation (exemple en bâtiment d’élevage avicole) ou en chaufferie collective adaptée à l’utilisation de plaquettes bois, comme celle que nous avons pu visiter à Vendenesse-sur-Arroux. Il y a une dizaine d’années, la municipalité a remplacé ses trois chaudières par une chaufferie centrale bois qui consomme 100 tonnes de bois par an, à 100 € la tonne. Une aubaine pour la mairie à l’heure de la crise énergétique. À Poisson, on trouve une autre chaudière bois de 110 kW qui nécessite un approvisionnement de bois déchiqueté d’environ 500 m3. La commune de Bourbon-Lancy a décidé, en 2016, de lancer une étude de faisabilité pour la réalisation d’un réseau de chaleur alimenté par une chaufferie bois. Le projet prévoit l’installation d’une chaudière bois de 400 kW de puissance couplée à un appoint gaz de 900 kW. Quelques exemples parmi tant d’autres qui laissent envisager une filière de valorisation. Même si le maire de Vendenesse-sur-Arroux reconnaît, à son grand désarroi, qu’il ne se procure pas de bois local faute de disponibilité.

Des aides pour la plantation et la gestion des haies

Dans le cadre du plan de Relance 2021-2022, le programme "Plantons des haies" vise à accélérer la plantation sur des parcelles de terres agricoles. La préparation des terrains à la plantation, l’achat et la mise en place des plants, le paillage, les tuteurs, les protections contre le gibier et les clôtures peuvent être subventionnés par le ministère de l’Agriculture et le programme Feader. En 2021, huit projets ont été financés en Saône-et-Loire pour un total de 18 km de haies, pour un montant total de subventions de 176.602 €. Tout porteur de projet potentiel doit se rapprocher d’une structure d’appui qui l’accompagnera gratuitement dans le montage de son dossier. La Bourgogne-Franche-Comté et la Saône-et-Loire ont également mis en place leur dispositif "Bocage et Paysages". La Région finance 50 à 70 % des projets de plantation ou de restauration. À cela peut s’ajouter une aide complémentaire départementale de 10 à 30 % pour un taux d’aides publiques maximum de 80 %. Parmi les structures d’appui en Saône-et-Loire, on peut citer la Chambre d’agriculture, la Fédération départementale des chasseurs et Bio Bourgogne, qui peuvent aider les exploitants à définir leur projet, mais aussi à entreprendre les différentes démarches administratives.

Une fois plantée, encore faut-il conserver une haie en bonne santé. Pour éviter de détruire des espèces protégées en période de reproduction, il faut éviter de tailler la végétation ligneuse entre le 15 mars et le 31 août, sachant que toute intervention est interdite, au titre de la Pac, du 1er avril au 31 juillet. Mieux vaut en outre privilégier un lamier à scies, moins destructeur qu’un broyeur. Les coupes à blanc peuvent avoir un intérêt pour la régénération de la haie, mais, pour conserver des espaces refuges pour la faune, il est conseillé d’étaler la coupe dans le temps et l’espace. Attention toutefois, la destruction, l’altération ou la dégradation de haies, considérée comme un habitat d’espèces protégées, elles sont strictement interdites. Dans la plupart des sites Natura 2000 du département, l’arrachage de haie est soumis à autorisation. Une évaluation des incidences Natura 2000 doit être déposée à la DDT avant tous travaux. Le non-respect de la réglementation est passible de sanctions pénales.

Photos
La chaufferie de vendenesse-sur-Arroux.