Zones humides et travaux hydrauliques
Révision de la charte départementale relative aux zones humides et aux travaux hydrauliques

Florence Bouville
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Signée et mise en place en 2011, la charte départementale relative aux zones humides et aux travaux hydrauliques ruraux a été révisée au cours de l’année 2022. Pilotée par la chambre d’agriculture et la DDT, cette charte constitue un référentiel commun à destination des agriculteurs, entrepreneurs et administrateurs, un sujet essentiel évoqué lors de l'AG de la section céréalière du 8 février. Elle garantit la préservation et la gestion durable des milieux. En articulation avec la charte régionale signée en 2019, le travail de révision a permis d’intégrer les évolutions réglementaires ainsi que les nouveaux enjeux liés au changement climatique.

Révision de la charte départementale relative aux zones humides et aux travaux hydrauliques
La charte relative aux zones humides et aux travaux hydrauliques a été révisée en 2022.

Une zone humide se définit dans la loi selon deux critères : la morphologie des sols (liée à une présence prolongée d’eau) et la végétation (présence de plantes hygrophiles). Ces critères sont alternatifs ; il suffit qu’une zone ait la morphologie correspondante pour qu’elle soit qualifiée d’humide, et vice versa. La dénomination "zone humide" n’est d’ailleurs pas à confondre avec les termes "milieu humide", qui n’ont aucune valeur réglementaire pour les projets Installations, ouvrages, travaux et aménagements (Iota). Les inventaires de milieux humides constituent seulement un « outil d’alerte », comme l’a rappelé Bertrand Dury - technicien à la chambre d’agriculture - lors de l’AG de la section céréalière (lire aussi notre article du 17 février dernier).

Des démarches administratives amplement simplifiées

Au total, le service police de l’eau de la DDT reçoit en moyenne 200 demandes de travaux par an (plus de la moitié provenant d’agriculteurs). Mais très peu de travaux font in fine l’objet d’un dossier déclaration. Nouveauté mise en place par la charte : la fiche de signalement de travaux, à remplir en amont de travaux hydrauliques (curage, busage, franchissement de cours d’eau etc.) ou d’aménagements de points d’eau et de prélèvements (captage de source, retenue, forage etc.). Ce dispositif constitue une étape sécurisante visant à clarifier et optimiser le déroulement de l’instruction du dossier.

Le signalement préalable conduit à trois réponses possibles de la part de la DDT, obtenues généralement sous un mois. Premier cas de figure, votre projet « ne nécessite pas de procédure administrative (seuils de la nomenclature Iota non atteints) ». Deuxième cas, vous êtes orienté vers « une procédure administrative (déclaration loi sur l’eau ou autorisation selon les seuils) ». Troisième et dernier cas, votre projet n’est pas compatible en l’état avec la réglementation en vigueur. Pour chaque type d’intervention, tous les seuils réglementaires sont redétaillés dans la charte (par exemple le seuil de 100 ha au-dessus duquel la réalisation de réseaux de drainage est soumise à autorisation).

Autre préalable facilitateur pour l’exploitant, le "diagnostic zones humides", réalisable par la chambre d’agriculture. Il vise à déterminer la présence ou non de zones humides sur la surface devant accueillir les travaux. La chambre est entièrement compétente dans ce domaine puisque depuis 2015, elle a déjà effectué 250 diagnostics sur le territoire.

La charte met à disposition d’autres formulaires simplifiés spécifiques à la Saône-et-Loire : déclaration pour prélever dans les eaux souterraines ou superficielles, fiche d’interrogation sur le statut d’un écoulement… Une cartographie des cours d’eau est d’ailleurs désormais consultable en ligne sur le site web de la DDT71. Néanmoins, n’étant pas à l’abri d’erreurs potentielles, des journées de contre-expertise ont lieu sur demande de l’exploitant, associant les services de la DDT, l’OFB, la chambre et la FDSEA. Cette cartographie est donc mise à jour annuellement pour prendre en compte toutes les nouvelles expertises de terrain.

Schéma des démarches de signalement de travaux

 

Intégration de la doctrine "Éviter - Réduire - Compenser" (ERC)

La charte intègre, pour chaque projet, le dispositif ERC dont l’objectif est de réduire au maximum l’impact environnemental des travaux. Plus précisément, les mesures de la séquence ERC visent à obtenir une "équivalence écologique", c’est-à-dire la non-perte des fonctionnalités écologiques, voire un gain net. Le dispositif de signalement des travaux (présenté ci-dessus) est une première étape essentielle dans la recherche de minimisation des impacts. L’action de compensation est déclenchée pour tout projet soumis à une procédure loi sur l’eau dès lors qu’il y a destruction d’une zone humide, et pour toute opération impactant une surface de plus de 1.000 m². Ce sont les différents Sdage (schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux) qui fixent les règles et mesures compensatoires. À noter que sur le département, deux Sdage s’appliquent (Loire-Bretagne et Rhône-Méditerranée-Corse). Vous retrouverez toutes les spécificités et distinctions expliquées au sein de la charte.

Des interrogations liées aux BCAE de la Pac restent en suspens

La BCAE 2 pour la protection des zones humides et des tourbières ne sera effective qu’en 2024, deuxième année de programmation. Son contenu (types de zones humides, cartographies, pratiques agricoles à privilégier…) est basé sur une méthodologie développée par le ministère de l’Agriculture, ministère qui n’avait toujours rien arrêté le 16 février. Des territoires tests ont été sélectionnés, mais aucun ne se situe en Saône-et-Loire. « Il y a de plus en plus de réunions parisiennes où sur les cent invités, il n’y a que deux agriculteurs », s’est exclamé un céréalier. Les agriculteurs s’inquiètent donc fortement des contraintes qui découleront de cette BCAE.

Autres interrogations concernant la BCAE 4 pour la protection des cours d’eau contre la pollution et le ruissellement. Depuis le 1er janvier 2023, le long des canaux d’irrigation (ou de drainage) et des fossés, l’insertion d’une bande enherbée est obligatoire, avec l’interdiction d’utiliser des produits phytosanitaires. Le problème est qu’un "fossé" aux yeux de la Pac peut correspondre à un "cours d’eau" pour la police de l’eau. Les techniciens du territoire ont interrogé la DDT et le réseau des chambres ; il semblerait que la carte choisie pour les "fossés" soit celle de la police de l’eau alors que celle pour les "cours d’eau" reste la carte IGN. Cette BCAE n’a pas fini de semer le trouble…

Formations et supports de communication utiles

En lien avec les thématiques et le contenu de la charte, plusieurs formations sont proposées aux agriculteurs du territoire. 73 exploitations ont déjà été formées aux zones humides lors d’une journée technique coanimée par les animateurs de contrats de rivière et le CEN Bourgogne. Les objectifs de cette formation, réunissant une douzaine de participants, sont multiples : sensibilisation à la reconnaissance et aux enjeux de conservation des zones humides, présentation des bonnes pratiques d’intervention et des démarches administratives… Autre sujet majeur, la gestion quantitative de l’eau avec une formation cette fois-ci coanimée par la DDT. 65 exploitations y ont participé depuis 2020. Des formations destinées aux élus et aux entreprises de travaux seront également menées à partir de 2023.

Une plaquette de communication sera rédigée par la chambre et le comité technique de la charte d’ici la fin d’année. Elle sera diffusée dès 2024 par la DDT à toutes les exploitations et les mairies de Saône-et-Loire. Cette fiche synthétisera plusieurs éléments utiles : le dispositif de signalement de travaux, la liste des projets pour lesquels le signalement est préconisé et les contacts DDT et chambre accompagnateurs des porteurs de projet.

Les conséquences du dérèglement climatique sont multiples, notamment sur les terres situées en zones humides (intensification des crues et des inondations, prolongation des périodes de sécheresse…). Les agriculteurs ne doivent donc pas hésiter à faire remonter leurs besoins auprès des élus, en termes d’accompagnement et d’infrastructures, pour que ces derniers soient bien identifiés par les services publics. Les enjeux liés à la ressource en eau (amélioration du stockage, préservation des espèces aquatiques…) n’ont, dans tous les cas, pas fini d’être mis sur la table.

Trois nouveaux secteurs de référence intègrent la charte
Zone humide

Trois nouveaux secteurs de référence intègrent la charte

Au lancement de la charte en 2011, la chambre s’est appuyée sur 21 secteurs de référence, répartis sur l’ensemble du département. Cela a permis et permet encore aujourd’hui de prendre en compte la diversité géomorphique du territoire ainsi que la multiplicité des enjeux environnementaux et des savoir-faire des acteurs locaux. En 2022, trois nouveaux secteurs ont été intégrés à la charte afin de compléter le référentiel : Saint-Germain-du-Plain et Crissey-Sassenay dans le Val de Saône, ainsi qu’un secteur dans le Val de Loire, à Chambilly. L’étude de Saint-Germain-du-Plain (dossier engagé sur le curage de la Goutte) constitue un exemple en zone prairiale Natura 2000, tandis que le secteur de Crissey-Sassenay se situe en zone céréalière. L’accompagnement mené par la chambre sur ces territoires conduira à l’élaboration d’un plan de gestion appliqué aux secteurs de casiers d’inondation, formés par les digues agricoles. Ce dernier reprendra la forme d’un dossier de déclaration Loi sur l’Eau. Sur le secteur de Chambilly, un plan de gestion des écoulements sera construit à l’échelle d’une exploitation (GAEC Beauchamp Philippe et Isabelle). Il visera à différencier les "fossés" (définition de la PAC) des "cours d’eau" (définition de la police de l’eau).