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Jean-François Protheau

Eleveur de bovins "Hereford"

Depuis un peu plus d’un an, Jean-François Protheau élève des bovins de race Hereford dans la Côte chalonnaise. Conduits en plein air intégral, ces animaux rustiques s’avèrent très économiques à élever. Leur conformation bouchère particulière en fait des bovins bien adaptés aux débouchés industriels de la viande bovine.
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Domicilié à Mercurey, Jean-François Protheau a travaillé quinze années dans l’export en vin. En 2002, lui et son épouse vendaient leur exploitation viticole pour transformer leur maison en chambres d’hôtes. Une activité dont s’occupe aujourd’hui son épouse. De son côté, Jean-François a cessé d’être directeur export pour se reconvertir à l’élevage. Après avoir recherché en vain une ferme pour élever des cerfs, son choix s’est finalement arrêté sur la race bovine Hereford. Cette décision peu ordinaire lui vient en grande partie de ses voyages pour le commerce de vins. Ce Saône-et-loirien s’était étonné de voir autant de Hereford partout dans le monde : nord des Etats-Unis, sud Texas, Argentine, Nouvelle Zélande, Australie, Afrique du Sud… Une expansion impressionnante pour cette race native du Pays de Galle et d’Irlande. Au cours de ses nombreux déplacements, Jean-François s’est lié d’amitié avec un Canadien à la tête d’un immense élevage de Hereford. L’extrême rusticité de ce bovin a été un autre critère décisif.
Alors qu’on recense 200 millions d’animaux à pedigree dans le monde, la Hereford est encore très peu implantée en France : 6.000 animaux référencés. Pour dégoter ses propres bovins, Jean-François est allé se fournir dans « le top 14 » des élevages français. Ses animaux de souche proviennent de troupeaux de la Côte-d’Or et de l’Allier. Un peu plus d’un an après l’achat des premiers sujets, Jean-François possède 24 femelles en production ainsi qu’un taureau. L’objectif est de monter à 45 mères pour une production d’animaux reproducteurs. Conduit en plein air intégral, le cheptel disposera bientôt d’une quarantaine d’hectares d’herbages, situés principalement sur les hauteurs de Charrecey.

Hivernage et mise-bas en plein air


Les Hereford de Jean-François passent l’hiver et vêlent dehors. Pour l’alimentation, les bovins pâturent toute l’année et ce n’est que lorsque la neige recouvre l’herbe ou par grand froid que les bêtes sont affourragées. L’hiver dernier, l’éleveur dit n’avoir distribué qu’à peine 600 kg de foin par tête. Un fourrage grossier suffit. La complémentation est inexistante, sachant que « la viande des Hereford devient très grasse dès qu’on leur donne trop de granulés », indique Jean-François. « Pour finir des animaux, mieux vaut encore jouer sur la qualité du foin, éventuellement donner une petite ration de tourteaux de lin ou de la pulpe de betterave, mais en petite quantité », signale l’éleveur. Pour les questions techniques, ce dernier s’appuie aussi sur les conseils d’un ami éleveur charolais retraité.
Les vêlages se déroulent en principe de mars à début mai. « L’objectif, c’est que la croissance des veaux profite de la pousse printanière de l’herbe », explique Jean-François. « Les vaches Hereford ont l’avantage de donner des tout petits veaux. La plus petite femelle que j’ai vu naître pesait seulement 19 kg et la moyenne est de 27 kg ; 33 pour les mâles. Les mères vêlent la nuit. Pour cela, elles s’isolent dans les bosquets. Le lendemain, je retrouve d’abord la mère seule. Maternelle, elle finit par se rapprocher de son petit veau que je retrouve caché dans la végétation », explique l’éleveur. La mortalité des veaux est très rare dans la race. Les cas de jumeaux sont pratiquement inexistants et si une vache en met au monde, elle ne s’occupe que d’un seul des deux. « Le lait des Hereford est tellement riche qu’il en est impropre à la consommation humaine », confie Jean-François. Cette spécificité permet de très bonnes croissances uniquement au lait et à l’herbe : 1.250 grammes/jour pour les mâles et 996 g/j pour les femelles, cela en sept ou huit mois d’existence.
Rustiques, les Hereford engendrent peu de frais de vétérinaire. L’éleveur n’a eu à débourser que 17 € par tête en une année, essentiellement pour les vaccinations.

Pas de « fesses », mais un dos très musclé


Adultes, les Hereford atteignent 900 à 1.100 kg pour les mâles et 650 à 750 kg pour les femelles. Bien que races à viande, « les Hereford n’ont pas de fesses », souligne l’éleveur. La conformation du Hereford, c’est un dos très plat, un gros avant, mais pas de « culotte rebondie », comme on les aime en France. « Il n’y a que chez nous que les animaux sont très conformés. C’est parce que les français privilégient le steak provenant des arrières. Ailleurs dans le monde, on consomme la viande de bœuf sous forme de grillades et de viande hachée (boulettes, hamburgers…). Conséquence : pour ce marché, ce sont les avants et les muscles du dos qui sont les plus intéressants, pas les arrières », fait remarquer Jean-François. Pour ce dernier, ce constat est renforcé par la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs qui privilégient des morceaux moins gros et moins onéreux. Moins chères à produire que des animaux à forte conformation bouchère, les Hereford répondent bien à ces tendances économiques.

Abattage à deux ans


Dans la production de Jean-François, seuls les animaux inaptes au marché des reproducteurs seront destinés à la viande. Les Hereford ont la particularité d’atteindre leur maturité bouchère dès deux ans, quel que soit le sexe. Les carcasses ne pèsent guère plus de 350 kg ce qui facilitera la vente en caissettes envisagée par Jean-François. L’éleveur signale par ailleurs que les Hereford sont acceptées de bonne grâce par certains gros abatteurs français. Ces derniers important beaucoup de ces carcasses pour leurs outils industriels. Cette viande est destinée à la grande distribution et aux chaînes de restauration rapide.

Grosse demande en reproducteurs


La valorisation en reproducteurs sera la priorité pour Jean-François. Les produits se vendant environ trois fois plus cher qu’à la viande, indique ce dernier. La rusticité des Hereford leur vaut déjà d’être utilisés en croisement avec des génisses allaitantes françaises pour les facilités de vêlage. Jean-François a ainsi revendu un taureau Hereford à un élevage de charolais nivernais. A l’international, il existe une grosse demande en génisses vers les pays émergeants (Europe de l’Est, Chine, Russie…). Australiens et néo-zélandais se sont bien entendu immédiatement positionnés sur ces marchés. Mais les petits pays producteurs comme la France ont tout de même leur carte à jouer en faisant valoir l’originalité de leurs souches. Pour l’export, Jean-François peut se tourner vers l’association Hereford France, l’équivalent d’un Herd-book, ainsi qu’une société britannique spécialisée dans la promotion et l’exportation des produits agricoles.
En octobre dernier, l’éleveur de la Côte chalonnaise recevait une délégation d’éleveurs Hereford allemands. Effectuant un véritable tour de France, ces derniers étaient à la recherche d’animaux tout en étant eux-mêmes vendeurs.
Bien que dispersés pour l’heure, les éleveurs de Hereford français commencent à s’organiser. Fédérés par Hereford France qui gère les fichiers raciaux et les pedigree, ils envisagent de créer un site internet pour développer cette race d’origine anglo-saxonne.



Avec ou sans cornes


Le berceau historique de la Hereford est le Pays de Galle et l’Irlande. Hereford est le nom d’une ville du Pays de Galle. La race est sortie des Îles britanniques au moment de la colonisation de l’Amérique, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande et de l’Afrique du Sud. « Du Hereford é été exporté partout où il y avait des troupes britanniques ainsi que des détenus à nourrir », confie Jean-François Protheau. Aux Etats-Unis, un berceau secondaire est apparu en Ontario. C’est là que la race s’est divisée en deux rameaux l’un avec cornes (élevées dans les ranchs texans) et l’autre sans (comme les animaux de Jean-François). La Hereford est une des grandes races utilisées pour l’élevage extensif dans le monde.



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