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Sommet de l'élevage 2025
Guerre commerciale et tarifs douaniers

Les vins de Bourgogne pris (à nouveau) en étau

La filière française des vins et spiritueux craint un recul d'environ 800 M€ de ses exportations à cause des droits de douane de 20 % imposés aux marchandises de l'UE par l'administration Trump (lire aussi en page HH). 

Les vins de Bourgogne pris (à nouveau) en étau
Image générée par l'IA
Trump jouant en Docteur Maboul de la mondialisation, retirant les USA du reste du monde.

Cette décision américaine aura « des conséquences extrêmement lourdes sur le secteur des vins et spiritueux français et européens », selon un communiqué de la FEVS (exportateurs) le 2 avril. En 2024, la France a exporté quelque 2,3 Md€ de vin et 1,5 Md de spiritueux aux États-Unis, son premier marché à l’exportation (25 %). De son côté, la Cnaoc (vignerons d’appellation d’origine) estime à « plusieurs centaines de millions d’euros pour la filière » l’impact des nouvelles taxes douanières américaines. Pour les eaux-de-vie (cognac et armagnac), « c’est une catastrophe d’une ampleur inimaginable. En addition du conflit avec la Chine, ces taxes vont mettre en très grande difficulté notre filière », souligne le vice-président Anthony Brun.

À l’occasion de la réunion le 3 avril à l’Élysée, le président de la FEVS, le Saône-et-Loirien Gabriel Picard a estimé qu’il fallait « une désescalade, même si cela doit passer par une phase de rapports de force ». La fédération souligne l’importance de conserver « un dialogue bilatéral ouvert et constructif », autour d’un agenda positif sur les sujets de commerce transatlantique. Objectif : l’élimination complète des droits de douane entre États-Unis et UE sur les vins, comme précédemment sur les spiritueux depuis un accord de 1997. Également présent à l’Élysée, le premier vice-président de la FNSEA et patron de la branche viticulture Jérôme Despey a lui aussi appelé Bruxelles à une « réponse diplomatique menant à une désescalade » des sanctions douanières. « Il faut sortir les produits agricoles et agroalimentaires des listes de rétorsion sur des produits américains » comme le bourbon, selon lui. La FNSEA réclame des mesures d’accompagnement des secteurs touchés, via des mesures de compétitivité, de simplification et de soutien aux moyens de production.

« Le couperet est tombé », les vins de Bourgogne impactés

L’Interprofession des vins de Bourgogne a réagi le 3 avril par la voix de son président, Laurent Delaunay. « La filière regrette fortement cette décision qui est un coup dur pour les vins de Bourgogne sur son premier marché à l’export. Elle va impacter fortement les exportateurs, leurs partenaires mais aussi les consommateurs américains. Le sentiment dans le vignoble est toutefois partagé entre sidération et un certain soulagement ». En effet, même si le couperet est tombé, Trump avait menacé de taxer à 200 % les vins Européens. La filière a l’impression « d’avoir d’échappé au pire. En effet, si cette nouvelle mesure affectera nos exportations, l’impact pour les vins de Bourgogne pouvant avoisiner 100 millions d’euros, elle ne provoquera pas un coup d’arrêt brutal comme cela aurait été le cas avec des taxes supérieures ». Le BIVB rappelle le précédent du différend entre Boeing et Airbus qui avait conduit à des droits de douane de 25 % sur les vins tranquilles en bouteille. « Cela avait eu un effet immédiat : nos importations avaient chuté brutalement de 15 % en volume en 2020 pour une perte de chiffre d’affaires de 22 % ! ». La filière espère à nouveau compter sur ses partenaires américains. « Le système d’importation de vins aux USA est assez complexe, avec une distribution en trois étapes obligatoires : importateur, grossiste puis détaillant, explique Laurent Delaunay. Cela alourdit déjà la facture pour le client final. Le risque de ces taxes supplémentaires est de faire franchir une barrière psychologique au prix de nos vins. Je pense que beaucoup de producteurs vont fournir un effort pour baisser un peu les prix des vins au départ de la cave. Mais il faudra aussi que nos partenaires américains prennent leur part en réduisant un peu leurs marges pour que le prix des vins reste dans une fourchette acceptable par le consommateur. Ce que nous redoutons aussi, c’est l’effet récessif et ses conséquences sur le pouvoir d’achat aux USA qui viendraient s’ajouter à l’effet direct de la hausse des droits de douane. Nous sommes également extrêmement inquiets de l’impact de ces décisions sur l’économie mondiale. Nous ne sommes sans doute qu’au début d’une forte période de turbulences qui pourrait affecter tous nos marchés ». La Bourgogne veut s’appuyer sur le dynamisme de ses entreprises qui exportent déjà dans plus de 170 pays. Une partie des vins qui ne seraient pas vendus aux États-Unis pourra être réorientée vers d’autres marchés. Mais cela va demander un investissement accru à toute la filière et prendre du temps.

Sans compter que les barrières vont s’ériger de toute part. La Chine a annoncé le 2 avril prolonger son enquête antidumping sur les importations de brandys en provenance de l’UE pour trois mois, quelques jours après le report de l’application définitive de droits de douane supplémentaires chinois sur le cognac. La filière est particulièrement dépendante des exportations, qui représentent 98 % de ses ventes, pour un montant de 3,35 Md€, avec comme premier client les États-Unis (38 % des expéditions), devant la Chine (25 %). Ses pertes, avec celles de l’armagnac, sont évaluées à 50 M€ par mois depuis l’instauration à l’automne des taxes antidumping chinoises.

Le marché des vins de Bourgogne aux Etats-Unis

En 2024, la Bourgogne a exporté près de 21 millions de bouteilles (+ 16 % / 2023) pour un chiffre d’affaires record de près de 370 millions d’euros (+ 26 % / 2023).

Les volumes se répartissent ainsi : 63 % de vins blancs, 26 % de vins rouges et 11 % de Crémant de Bourgogne. L’AOC Bourgogne est largement majoritaire, alors que les vins de Chablis représentent aussi 29 % des vins blancs commercialisés (1er marché pour les vins de Chablis depuis 2023).