Accès au contenu
Guerre commerciale

Face aux menaces sur l’alcool, l’UE reporte ses taxes

Alors que Donald Trump a décidé de cibler le secteur européen des boissons alcoolisées, lui promettant des taxes importantes, Bruxelles a décidé de reporter l’entrée en vigueur de ses rétorsions sur les produits américains pour trouver une solution amiable. Une décision qui intervient après des pressions conjointes du secteur européen et de certains États membres.

Par Cédric Michelin
Face aux menaces sur l’alcool, l’UE reporte ses taxes
Agri71.fr/CM
Les prix des vins de Bourgogne pourraient doubler, voire tripler...

« Nous envisageons désormais d’aligner le calendrier des deux séries de contre-mesures de l’UE afin de pouvoir consulter les États membres sur les deux listes simultanément », a déclaré le 20 mars devant les eurodéputés de la commission du Commerce international, le commissaire en charge du dossier, Maros Sefcovic. Et d’ajouter : « Cela nous donne également plus de temps pour négocier et tenter de trouver une solution mutuellement acceptable ». En conséquence, cela signifie que toutes les contre-mesures de l’UE annoncées le 12 mars entreront en vigueur à la mi-avril. Le droit de 50 % sur le bourbon américain, au centre de controverses dans le secteur et les États membres, ne s’appliquera donc pas au 1er avril, au moins dans un premier temps.

Un choix qu’avait notamment contesté le Premier ministre français, François Bayrou. Ce dernier a laissé entendre que la décision de Bruxelles de taxer le bourbon américain avait pu être une « maladresse ». « Est-ce que des maladresses ont été faites ? Probablement oui, parce qu’on a introduit le bourbon du Kentucky comme si c’était une menace commerciale parce qu’on a repris une liste très ancienne sans la relire comme il aurait fallu. C’est au niveau de la Commission européenne », a déclaré François Bayrou au micro de la radio France Inter.

Gueule de bois

En effet, en réponse aux mesures de rétorsions initialement envisagées par l’UE, Donald Trump s’en est pris aux boissons alcoolisées européennes, le 13 mars dans un message sur son réseau social Truth Social. Le locataire de la Maison blanche, dans une diatribe dont il est coutumier, a promis d’instaurer « prochainement » un droit de douane de 200 % « sur tous les vins, champagnes et produits alcoolisés en provenance de France et d’autres pays membres de l’UE ». Un choix stratégique, car les États-Unis sont un des principaux marchés pour le secteur européen des boissons alcoolisées. À titre d’exemple, la filière Champagne a exporté, en 2023, près de 27 millions de bouteilles pour une valeur de 810 millions d’euros.

Pour les représentants du secteur européen, cette annonce a fait l’effet d’une bombe. « Si ces droits de douane sont appliqués, le marché américain des vins de l’UE sera fermé, ce qui aura un effet dévastateur sur notre industrie », confirme Ignacio Sanchez Recarte, secrétaire général du Comité des vins (CEEV — exportateurs européens). Et d’ajouter : « Les États-Unis représentent 27 % de nos exportations totales et il n’existe aucun autre marché susceptible de compenser une telle perte ». De son côté, Pauline Bastidon, directrice du Commerce international chez Spirits Europe (industrie des spiritueux), avertit : « Ce cycle de représailles doit cesser immédiatement ! Nous exhortons les deux parties à cesser d’utiliser notre secteur comme monnaie d’échange dans des conflits qui ne nous concernent pas ».

Initialement prévu donc pour le début du mois d’avril, le paquet de mesures de la Commission européenne pour le secteur vitivinicole sera finalement dévoilé le 28 mars. Cette date a été confirmée par le commissaire européen à l’Agriculture, Christophe Hansen, à l’occasion de la réunion du Conseil des ministres de l’Agriculture de l’UE, le 24 mars à Bruxelles. « Comme promis, on a travaillé rapidement pour proposer des mesures permettant de soutenir le secteur et d’aider les producteurs à gérer leur production de manière plus efficace et plus flexible », s’est félicité le Luxembourgeois. Et d’ajouter tout de même : « Le secteur vitivinicole doit s’adapter à une réalité changeante de plus en plus complexe et saisir les occasions qui se présentent à lui ».

Trump reporterait aussi à mi-avril

Le report de l’entrée en vigueur des rétorsions sur les produits américains, devrait entraîner un ajournement jusqu’au 14 avril de la décision américaine concernant les taxes de 200 % sur les boissons alcoolisées promises par le président Donald Trump. C’est ce qu’indique l’US Wine Trade Alliance (USWTA, commerçants américains) dans une note à l’attention de ses membres. « Il s’agit d’un premier pas dans la bonne direction pour apaiser les tensions », a réagi l’association professionnelle, qui espère, à présent, que ce délai permettra aux parties de négocier une solution amiable. « Les droits de douane sur le vin sont néfastes pour l’Amérique », ajoute le président de l’USWTA Ben Aneff, qui estime, en outre, qu’ils constituent « un faible levier pour influencer les changements politiques ». Parallèlement, le commissaire européen au Commerce Maros Sefcovic s’est rendu, ce lundi 24 mars, aux États-Unis pour dialoguer avec ses homologues, Howard Lutnick et Jamieson Greer.