Le négoce joue la montre
Le 17 avril à la Cité des vins à Mâcon, l’Union des producteurs de vins Mâcon (UPVM) faisait un point sur l’exercice clos, l’actualité économique et les événements à venir. Alors que les taxes Trump ont bloqué les marchés, les négociants ne sont pas aux achats. Pourtant, les vins Mâcons ont un rapport qualité-prix et une image « dynamique » qui plait de partout.
« On a beaucoup de demandes mais le conseil d’administration a décidé de diminuer un peu les droits (de plantation, N.D.L.R.) au regard des marchés et des plantations des dernières années ». Pour la commission technique, en une phrase, Marc Sangoy synthétisait la nouvelle situation économique des vins Mâcon, les ramenant de 30 à 25 ha en 2025-2026. Avec les replantations, les surfaces nouvelles restent tout juste en dessous de 50 ha (49,44). En 2024, les conditions de production avaient octroyé la possibilité individuellement de faire des volumes complémentaires (VCI) en blancs. Pas sûr que l’ODG en fera la demande au Crinao pour la vendange 2025, voire devra se contraindre à encore baisser les rendements avec les autres appellations Bourguignonnes ? Dans son rapport moral, le président des vins Mâcon, Jérôme Chevalier le laissait quelque part sous-entendre : « avec la récolte 2024, on va revenir à 320.000 hl de stock tous blancs confondus et le marché négoce est à l’arrêt, voire inexistant. Cela risque de nous amener à prendre des décisions importantes. L’actualité géopolitique ne nous rassure pas », sans savoir si la « belle sortie entrevue » de bourgeons en cette mi-avril est une bonne ou une mauvaise nouvelle pour les marchés vineux de la Bourgogne.
Demandes de modifications du cahier des charges
Surtout que les viticulteurs sortent rincés d’une année 2024 particulièrement pluvieuse (961 mm ; + 15 % par rapport à la moyenne 20 ans), avec des chaleurs estivales ayant fait flamber la pression sanitaire (mildiou…) et donc obligé de multiples passages pour traiter et sauver le millésime. La commission technique de l’UPVM continue donc d’avancer sur des modifications du cahier des charges. En 2024, l’UPVM a demandé à rajouter des cépages dits « accessoires » : aligoté, pinot gris et pinot blanc, comme les AOC Bourgogne et Viré-Clessé. Autre demande, celle d’abaisser la densité à 5.000 pieds par hectare au lieu des 7.000, comme dans les cahiers des charges des Bourgognes et Crémants. L’occasion de demander également à l’Inao, qui devra valider avec la CAVB pour conserver la cohérence des appellations Bourguignonnes et des replis, la possibilité de tester des cépages, sacy et melon, pour des opérateurs intéressés dans le cadre du dispositif d’évaluation des innovations (DEI). Dernier ajout demandé, celui d’interdire tout désherbage total. « Une fois inscrite, cela sera contrôlé car inscrit dans le cahier des charges », cherchait à avoir des réactions, Jérôme Chevalier, alors que la salle semblait approuver. En tant que vice-président de la CAVB, il voit surtout tout le travail en cours pour « harmoniser » les cahiers des charges et les demandes de modifications, qu’il faudra présenter au comité régional puis au comité national Inao, ce qui laisse craindre que ces modifications ne soient pas validées pour la récolte 2025, pense Caroline Guyotat, la directrice de l’ODG.
Hausse des cotisations flavescence et Arelfa
Ce qui l’est déjà en revanche, ce sont les mesures de lutte contre la flavescence dorée qui malheureusement a repris son extension. Après le foyer historique dans le Nord mâconnais, désormais la maladie frappe au sud, du beaujolais nord au sud mâconnais. Grâce à l’aide du Département pour les analyses, avec le suivi de la Fredon et du Sral, plus de 5.180 prélèvements ont été réalisés l’an dernier suite aux prospections. 439 échantillons sont revenus positifs flavescence faisant surtout grimper le nombre de communes (48 sur les 60 positives de Bourgogne). À cela se rajoutent même 4.685 échantillons positifs bois noir, autre fléau à bas bruit. L’arrêté ministériel définissant la lutte est actuellement en consultation et devrait « rajouter le nettoyage du matériel » aux autres piliers de la lutte : traitement des plants à l’eau chaude, prospection obligatoire, arrachage des pieds positifs, traitements phytos selon. Sur ce dernier point, Marc Sangoy rappelle « suivre principalement les recommandations du Sral » et ses calculs de risque de contamination.
La Bourgogne continue d’expérimenter pour ne pas traiter obligatoirement, avec des prospections individuelles donc. Certaines communes de l’aire d’appellation Mâcon vont ainsi faire (comme les ODG Saint-Véran et Viré-Clessé) de la prospection individuelle ou précoce.
Si une bataille est au sol, une autre se déroule dans les airs avec les générateurs « antigrêle » de l’Arelfa, qui ont été déclenchés 22 fois en 2024, soit le même niveau que les deux années précédentes. Même si ce dispositif « n’empêche pas les chutes de grêles », il réduirait de « l’ordre de 40 % environ la taille des grêlons atteignant le sol ». L’association qui couvre le Beaujolais et la Bourgogne va s’équiper de deux générateurs, « de nouvelle génération semi-autonome », qui seront testés en Côte d’Or.
Suite aux difficultés budgétaires (État, Région…), les cotisations « flavescence » passent de 10 à 15 € l’hectare « dès cette année pour la récolte 2024 », car « ce n’est pas le moment de relâcher » et celle pour l’Arelfa de 6 à 7 €/ha.
Des stocks et des VCI en hausse
Michel Barraud faisait ensuite un point sur les statistiques de récoltes. Alors que les surfaces « ne bougent pas beaucoup » (4.375 ha), sauf en mâcon rouge qui continue de « baisser rapidement » (-8 % en surfaces ; 166 ha en mâcon rouge et rosé et 140 ha en mâcon + DGC), la récolte 2024 a été au final de 219.700 hl, « déficitaire » par rapport à 2023 (271.995 hl) et 2022 (258.539 hl). Les stocks de VCI « se font et se défont ». En 2022 (dérogation au dépassement exceptionnel du rendement butoir) et 2023, les stocks de VCI s’étaient bien reconstitués jusqu’à atteindre 38.940 hl. L’an dernier, 16.200 hl de VCI ont été utilisés en complément de récolte et 21.000 hl ont été « rafraîchis ». 2.370 hl nouveaux VCI ont été constitués pour finir à un stock de VCI de 23.400 hl.
Le directeur du pôle Marchés au BIVB, Philippe Longepierre était donc convié à faire un point économique sur les marchés, de Bourgogne et Mâcon plus précisément. Dans un marché de la grande distribution en France « au ralenti », la Bourgogne viticole performe « même si les prix baissent un peu » (10,73 €/col contre 6 € en moyenne pour les autres vins AOC). Il n’y a pas que le marché des GMS qui est en baisse, l’export aussi, mais là encore, les vins blancs de Bourgogne sont « en croissance ». « Les vins Mâcon redémarrent sur l’export. 80 % de la croissance en régionales blancs, sont le fait des Mâcon », positivait-il. Les vins Mâcon ont donc « perdu » 2 mois de stocks sur l’outil du BIVB qui permet de mesurer les flux, portant actuellement à 25 mois de stock en cave si les ventes se maintiennent au rythme actuel.
Il faut donc regarder les tendances mondiales pour voir que dans un océan de déconsommation, la consommation généralement va vers « moins mais plus souvent » et vers des « prix hauts ». « Ce qui ne veut pas dire qu’il faut vendre plus cher », mais que les vins Mâcon sont actuellement sur le bon segment à « l’excellent rapport qualité prix », souligne toujours Jérôme Chevalier. Attention toutefois, « les jeunes vont chercher du vin en dehors des circuits des plus anciens », notamment aux États-Unis. Ainsi, si Trump arrête ses sautes d’humeur, le commerce des vins Mâcon a de bonnes bases pour repartir.
La communication pour faire grandir l'appellation
Responsable de la commission communication à l’UPVM, Blandine Guerrin listait les nombreuses opérations habituelles de communication de l’appellation avec notamment la distinction Saint-Vincent Mâcon qui permet d’avoir des vins « vitrine » de l’appellation. Ils sont et seront notamment servis lors du Mâcon Wine Note ? (16 et 17 mai prochain) même la dernière édition à vu un « temps maussade », faisant un peu baisser la fréquentation. Heureusement, l’UPVM a pu se rattraper lors du Tour de France, puisque Mâcon était ville de départ, et lors du Congrès national des pompiers à Mâcon également. Pour 2025, les Mâcon Wine Note font place à une « nouvelle programmation qui vous plaira, on espère », avait-elle visiblement hâte. Il y aura aussi le Rallye des vins (6 au 8 juin) et la Fête des Grands vins à Beaune. Mais Blandine Guerrin et Isabelle Meunier faisaient surtout un très bon retour de l’opération en Asie, à Singapour et à Taïwan. « Nous sommes très satisfaits des retombées médias et bien sûr des retours des dégustations et visitorat très pro, qui connaissaient les terroirs mâcon », notamment avec la vidéo de la Master of Wine, Jacky Blisson. Jérôme Chevalier en est persuadé, « les vins Mâcon ont des marges de progression immenses et on doit amplifier la communication, voire cibler autres pays ».
Si les résultats de l’ODG sont « un peu négatifs » lors de cet exercice, c’est donc pour la bonne cause, « se servir un peu de la trésorerie pour promouvoir l’appellation », rassurait la trésorière.
Surtout qu’il s’agit d’une stratégie à l’échelle de la Bourgogne que de mettre en avant des appellations moins connues et accessibles surtout. La directrice du pôle Marketing du BIVB, Virginie Valcauda venait d’ailleurs présenter la nouvelle campagne de communication « Tellement » du BIVB, ciblant notamment « les consommateurs de demain, les 25-40 ans ». « Il fallait s’adresser à eux différemment » avec un discours simple. Ne faisant pas uniquement de la promotion sur les réseaux sociaux, le BIVB surveille l’image et la notoriété. Un point sera fait prochainement et « il faudra s’en servir et s’en resservir », invitait Michel Barraud qui fait partie de la commission du BIVB. Car, Virginie Valcauda veille : « On a un bruit de fond d’une Bourgogne trop chère donc lorsqu’on vient avec un message de vins de Bourgogne accessible, on a l’écoute des gens », et aussi des prescripteurs (9.000 formés par an par le BIVB) et les grands amateurs sont également sensibles. « On n’a pas à rougir et on peut être fier de nos Mâcon », concluait Jérôme Chevalier qui d’ailleurs notait un « rajeunissement » du conseil d’administration de l’UPMV, avec des jeunes qui ont envie de « faire grandir l’appellation ».