Cifa Lameloise à Mercurey
La « revanche » par l’excellence

Cédric MICHELIN
-

Le 14 février dernier, le Cifa Lameloise célébrait la Semaine de l’Apprentissage de la plus belle des manières en saluant « l’excellence » de trois apprentis, en pâtisserie, en charcuterie et en boucherie. L’occasion de démontrer que « l’excellence » scolaire peut aussi passer par une forme de « revanche » sur les premières années d’écoles, parfois inadaptées. Et ce, avec l’aide de maîtres de stage et de professeurs bienveillants.

La « revanche » par l’excellence
Maud Laurencin, Thomas Duverne et Martin Cottet

Le réseau des Chambres de métiers et de l’Artisanat organisait la Semaine de l’apprentissage dans l’artisanat, du 28 janvier au 4 février dernier, sur tout le territoire. Cette semaine était l’occasion de faire naître des vocations, de casser les idées préconçues et de rendre plus visibles les actions quotidiennes menées par les CFA en faveur des apprentis.
En ce 14 février, jour de la Saint-Valentin, c’est une véritable « déclaration d’amour » qui a été faite à l’apprentissage sur le site Jean Lameloise à Mercurey. « Issu de l’apprentissage, je pense avoir réussi ma vie. Malgré les "on-dit", il n’y a pas de sous-métier. Reprendre ou créer une entreprise est la preuve d’un bon niveau intellectuel pour gérer son entreprise et du personnel », déclarait Jean-Philippe Boyer, président de la Chambre des Métiers de Saône-et-Loire. Et les familles et jeunes en sont bien conscients puisque la formation par apprentissage en France enregistre 110.000 apprentis dans l'artisanat, soit une hausse de +9,5 depuis la dernière rentrée scolaire. Il faut dire que 80 % des apprentis trouvent un emploi dans les sept mois après l’obtention de leur diplôme. L’artisanat dénombre quelque 250 métiers, au sein de ses 350 formations du CAP au Bac+ 3. Derrière, ce sont 1.700.000 entreprises artisanales (300 milliards de CA) et trois millions d’actifs (23 % sont des femmes) répartis dans le bâtiment (40 %), les services (36 %), la production (12 %) et l’alimentation (11 %).

« Motivés, méritants et émérites »

Au Cifa de Mercurey, le président saluait tous les maîtres d’apprentissage et les enseignants, remarquant au passage que les locaux – avec les derniers investissements - « sont dignes de ce nom » : Lameloise. Le nouveau directeur du Cifa (2021), Emmanuel Deschamps, saluait aussi tous ses élèves « motivés, méritants et émérites ». Des « performances » qu’il attribuait aux encouragements des maîtres de stages et des professeurs qui « poussent à progresser et à toujours innover ». C’est l’objectif aussi des concours que de « stimuler l’imagination et les savoirs ». Visiblement, les trois apprentis du jour avaient une vraie passion du métier et sont déjà bien armés « pour faire la différence et réussir » dans leur vie professionnelle.

Fissurer la carapace et « s’occuper des jeunes »

À commencer par Maud Laurencin, tout juste 20 ans, qui a remporté dans la catégorie Junior, le concours de la région Centre Est du championnat de France des desserts en pâtisserie. Sa meringue au persil a été très remarquée. « J’ai associé mes souvenirs d’enfance, les plats de grenouilles des Dombes, la pêche avec mon grand-père avec les bons citrons de Menton », expliquait-elle humblement. Surtout, elle avouait que la « carapace » qu’elle s’était forgée « s’affine avec le temps » et laisse maintenant entrevoir tout son talent. Son maître de stage, Stéphane Mangin, chef pâtissier de l’emblématique trois étoiles Georges Blanc à Vonnas, l’a aidée en cela : « je salue sa ténacité, elle a réussi à se canaliser ». Rappelant que la restauration « cherche des gens qui en veulent, même s’il y a des échecs, on veut un état d’esprit, on forme. Les compétences s’acquièrent et il y a possibilité d’évoluer au niveau supérieur ».
Et à force de volonté et de travail, tout est possible. Martin Cottet, 17 ans, a participé au concours régional du meilleur Apprenti de France dans la catégorie Charcuterie. « Un défi » pour lui qui n’a eu que deux mois « d’entraînement » chez Morey Traiteur à Châtenoy-le-Royal qui a dégagé du temps et des moyens pour cela. Déjà titulaire d’un CAP Boucher, il se disait fier de son buffet lors du concours. Pierre Morey confirmait cette envie de faire « progresser » et ne prêtait pas attention à sa seconde place. « De ta déception, il en ressortira du positif », le motivait-il encore et toujours, lui qui considère comme important de « s’occuper des jeunes ».

Une porte vers la réussite

Un message identique à celui de David Lespinasse du magasin Grand Frais à Châtenoy-le-Royal. « On sera toujours là pour les apprentis ». Avec lui, Thomas Duverne, à seulement 16 ans, a participé au concours régional du Meilleur Apprenti de France dans la catégorie Boucherie. « J’aime le métier de boucher depuis que je voyais le boucher venir à la ferme » à Saint-Symphorien-de-Marmagne. Intégrant le CAP à tout juste 15 ans, après 18 mois, Thomas prend sa revanche sur la vie : « maintenant, j’ai tout le temps les meilleures notes avec la pratique » de son futur métier, même s’il n’exclut pas un jour de rejoindre le Gaec pour développer un atelier de découpe et vente.
Comme le disait une représentante de l’Umih 71 (hôtellerie), « la base est le plaisir de progresser et d’intégrer de belles maisons. Même si le métier est dur, l’apprentissage permet de baigner dans un métier avec l’émulation d’une entreprise ». Le mot de la fin, très émouvant, revenait à Daniel Rogie, vice-président du Cifa Lameloise, les félicitant toutes et tous « pour leur abnégation, leurs sacrifices… ». Et de donner un dernier conseil : « Ne jamais considérer l’échec comme une fin mais comme une porte vers la réussite ». Un conseil valable pour les concours comme pour la vie en général.

 

L’apprentissage plébiscité par les métiers de l’artisanat

Les chambres des Métiers et de l’Artisanat ont réalisé un sondage auprès de 736 jeunes âgés de 16 à 29 ans. Pour eux, les métiers de l’artisanat sont des métiers manuels avant tout (89 %), qui rendent fiers (88 %), certes durs physiquement (76 %), où il faut être excellent (70 %) et qui sont toujours mal considérés dans la société (66 %). Un constat triste mais réaliste donc, alors que pour les jeunes interrogés, l’apprentissage devrait être davantage valorisé en France (92 %), prépare bien à la vie professionnelle (90 %), permet d’acquérir de la maturité (89 %) et permet de devenir indépendant financièrement (89 %). 85 % pensent en plus que l’apprentissage permet de trouver facilement un emploi. Décidément, les jeunes sont perspicaces puisque tout ceci est vrai.
Alors pourquoi les politiques et l’éducation nationale n’arrivent pas à changer cette mauvaise "réputation" ? Là encore, les jeunes ont un avis bien tranché : si 60 % ont déjà entendu parler des métiers de l’artisanat au moment de leur orientation, 23 % craignent la précarité et « des salaires ne permettant pas de s’en sortir ». Finalement, c’est peu comparativement au 64 % des jeunes qui choisiront leur orientation en fonction de leurs envies et vocations, voire 50 % par passion même. 42 % veulent un métier qui ait du sens pour s’épanouir et 88 % pensent que l’artisanat peut rendre heureux justement. Bien que 96 % pensent avoir eu suffisamment d’informations pour leur orientation, 65 % ont parfois regretté leur choix ensuite.