René Grosjean à Péronne
René Grosjean à Péronne : « l’innovation est notre carburant ! »

Marc Labille
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Cela fera bientôt 37 ans que René Grosjean a créé puis développé son entreprise GRV à Péronne. Elle est aujourd’hui le seul fabriquant d’enjambeurs en Saône-et-Loire. Ses machines originales et innovantes lui valent une solide réputation dans le monde entier.

René Grosjean à Péronne : « l’innovation est notre carburant ! »
René Grosjean s’apprête à transmettre son entreprise à trois de ses collaborateurs dont son fils Romain.

Mâconnais de naissance, fils d’une commerçante et d’un mécanicien, René Grosjean a commencé sa carrière chez Renault Agriculture à Mâcon. C’est là qu’il s’est spécialisé dans la mécanique viticole avec l’envie de créer sa propre entreprise. René Grosjean s’est installé à son propre compte en 1987. Agent Renault, il pratiquait la vente et la réparation de matériel viticole avec 4 à 5 salariés. Pendant dix ans, « GRV » pour Grosjean René Viticulture, a commercialisé des enjambeurs Jacquet et des machines à vendanger Grégoire. À la demande d’un client, le jeune entrepreneur créait son tout premier produit, le « Bac à Terre », un épandeur conçu pour remonter la terre entre les rangs de vignes. La construction de cette machine était confiée à un prestataire dans les Ardennes. Mais en 1997, René Grosjean perdait du même coup son fabricant et la distribution des enjambeurs et des machines à vendanger. Du coup, il décidait de fabriquer lui-même ses produits en débutant par des épandeurs à terre, fumier et engrais. Mais ce marché s’est vite révélé trop saisonnier et l’entrepreneur s’est mis en quête d’un produit qui lui permette d’occuper son atelier toute l’année. C’est alors qu’il s’est lancé dans la conception et la fabrication de tracteurs enjambeurs en 2001.

Ne pas faire comme les autres

Dès le départ, René Grosjean a choisi de se démarquer de la concurrence en proposant une alternative aux gros enjambeurs. Son raisonnement était d’adapter l’engin et sa puissance aux différentes tâches à réaliser dans le vignoble. Un choix pragmatique qui répondait aussi aux problématiques d’érosion, de tassement des sols et même de prix. Le premier petit tracteur compact présenté au Sitevi 2001 n’a pas vraiment convaincu des visiteurs amusés. « Le produit était trop innovant pour son époque », confie aujourd’hui René Grosjean. Mais les années suivantes, le public a fini par s’intéresser à ce nouveau concept et les ventes ont décollé. Jusqu’en 2008, GRV fabriquait 60 à 70 épandeurs par an ainsi que 10 à 15 tracteurs enjambeurs. Mais la crise des « subprimes » a soudainement provoqué une chute du chiffre d’affaires de - 30 %. Cet aléa économique a inspiré une nouvelle remise en question à René Grosjean. Rejoint par son fils Romain, diplômé d’une licence de conception de produits industriels, le patron de GRV a fait naître une nouvelle gamme de tracteurs, certes plus large, mais toujours dotée de solutions techniques se démarquant du marché.

Un à deux brevets par an

Cette quête d’innovation a toujours été un leitmotiv pour René Grosjean. Avec deux grands principes : « savoir entendre les remarques et attentes des clients et s’imposer un à deux brevets par an ». GRV détient ainsi une quinzaine de brevets pour des innovations qui distinguent ses tracteurs et équipements de ceux des autres. Parmi ces inventions, l’Agrospire est un épandeur dont le fond a la particularité d’être équipé d’une vis sans fin. Le Click-Tool est un système de porte-outils pour enjambeur qui facilite l’attelage des outils.

Spécialiste de l’épandage, GRV a mis au point un appareil capable d’épandre aussi bien du compost que des granulés, de la terre ou du fumier. Il s’agit du Vari-Mat, épandeur doté d’un fond variable.

Enjambeurs double rangs

GRV s’est aussi fait une spécialité du tracteur à trois roues. Et il est l’un des rares constructeurs à s’intéresser aux vignes larges alors qu’elles représentent pourtant plus de 95 % du vignoble français et plus de 99 % des vignes dans le monde, affirme René Grosjean. Avec son enjambeur double rang, le constructeur du Mâconnais a développé une solution de désherbage mécanique. Alors que le tracteur étroit classique ne peut travailler qu’un seul inter-rang à la fois, l’engin conçu par GRV permet d’en travailler le double ; l’inter-rang central plus deux demi inter-rangs de part et d’autre. Pour cela, l’enjambeur possède un train avant breveté à doubles roues.

Cette innovation a permis à GRV d’implanter son enjambeur en Charentes dans le vignoble du Cognac. Le constructeur bourguignon s’est aussi fait un nom chez les producteurs de sapins de Noël en proposant un tracteur spécifique.

GRV rayonne aujourd’hui, à travers un réseau de concessionnaires, dans le Bordelais, le Val-du-Rhône, les Savoie, l’Alsace… et il a aussi des clients dans le monde entier : Californie, Canada, Brésil, États-Unis, Royaume-Uni, Australie, Nouvelle-Zélande… « L’export représente 15 à 20 % de notre activité », fait valoir René Grosjean.

Un bureau d’étude reconnu des plus grands

Le constructeur de Péronne possède son propre bureau d’étude, ce qui lui vaut la reconnaissance des plus grands constructeurs. Ainsi, le géant New Holland a fait appel à GRV pour concevoir le prototype d’une machine à planter les eucalyptus au Brésil. Des accords en recherche et développement lient la PME du Mâconnais avec la marque du groupe CNH. Dans ce cadre, GRV produit à Péronne les épandeurs de la gamme « Connect » aux couleurs de New Holland.

Seul fabricant d’enjambeurs en Saône-et-Loire, GRV produit aujourd’hui 25 à 30 tracteurs et 50 à 60 épandeurs par an. Il continue de proposer des machines originales, pensées avec et pour les clients. Des équipements innovants qui répondent à des besoins précis. L’entreprise emploie 32 salariés et elle forme en permanence quatre apprentis. En matière de main-d’oeuvre, René Grosjean privilégie « le savoir-être sur le savoir-faire ». Car ce « savoir être est important pour l’équilibre social et intellectuel de l’entreprise », estime le patron.

Transmission réussie

Après avoir passé 37 ans à développer GRV avec l’aide de son épouse, René Grosjean s’apprête à passer la main. Avant cela, il a investi dans 1.200 mètres carrés supplémentaires d’ateliers pour 1 million d’euros. Cette extension comprend un ban de découpe laser, une grande cabine de peinture, un atelier de montage équipé d’un grand moyen de levage. « Nous partons sereins avec un bel outil de production et un carnet de commandes remplis pour deux ans », se félicite René Grosjean. Au printemps prochain, l’entreprise sera transmise à trois actionnaires, tous trois issus de GRV. Il s’agit de Romain Grosjean et de deux autres collaborateurs, réunissant ensemble les compétences technique, financière et commerciale.

 

Conscience environnementale

Sur son siège de Péronne, GRV a investi dans des panneaux photovoltaïques (un tracker et des panneaux de toitures) avec lesquels l’entreprise couvre 50 % de sa consommation d’électricité. Sur le site, les eaux de lavages sont toutes collectées et les eaux de pluies sont récupérées pour ce lavage. C’est avec cette conscience environnementale que l’entreprise de René Grosjean s’est mobilisée dans l’opération « Cœur de Forêt ». Ainsi GRV plante cinq arbres pour chaque tracteur quittant l’usine. En 2022, 181 arbres ont enrichi les forêts grâce à GRV.