Ragondins et leptospirose
Le fléau sous-estimé des ragondins et de la leptospirose

Marc Labille
-

Entre 14 et 20 % des bovins seraient positifs à la leptospirose en Saône-et-Loire. La prolifération des ragondins n’y est pas étrangère avec un rongeur sur deux porteurs de la maladie. Difficile à diagnostiquer, la leptospirose coûte cher aux élevages. Le meilleur remède est encore le plan de régulation départemental du ragondin mis en place en 2020.

Le fléau sous-estimé des ragondins et de la leptospirose
Grâce au plan de lutte départemental, 5.228 ragondins ont été éliminés en 2021/2022 et 5.463 en 2002/2023.

Lors de la dernière assemblée générale du GDS 71, une table ronde était consacrée au ragondin, animal envahissant devenu hors de contrôle et connu pour être porteur de la leptospirose. Originaire d’Amérique du Sud, le ragondin a été introduit en Europe pour sa fourrure au début du XIXe siècle et depuis, ce gros rongeur s’est installé partout, expliquait Nicolas Gamb de la Fredon Bourgogne-Franche-Comté. Très prolifique et sans prédateur naturel, le ragondin produit 2 à 3 portées de 5 à 7 petits par an et il ingurgite entre 1,2 et 2,5 kg de végétaux par jour ! Il occasionne de nombreux dégâts aux cultures ainsi qu’aux berges et aux ouvrages du fait de ses impressionnants terriers. Provoquant par son activité un salissement des eaux, il aggrave l’envasement des cours d’eau et a un impact négatif sur les autres espèces. Il est aussi porteur de nombreuses maladies tout comme le rat musqué qui est moins préoccupant cependant.

Réservoirs à bactéries

Connue chez les animaux d’élevage, la leptospirose s’installe partout où il y a des réservoirs, expliquait à son tour Jocelyn Amiot du GTV BFC. Or ces réservoirs de maladies sont tous ces rongeurs de la grande famille des rats, ragondins inclus, poursuivait-il. Ils propagent des bactéries à travers leurs urines et ces bactéries peuvent contaminer d’autres animaux à la faveur d’une lésion sur la peau. 50 % des ragondins et des rats noirs sont porteurs de la leptospirose. Mais d’autres animaux peuvent la transmettre aussi, sauvages ou domestiques.

En France, il y a énormément de « sérovars de la leptospirose », indiquait Jocelyn Amiot, qui précisait que tous ne sont pas dangereux. La maladie est assez fréquente en Saône-et-Loire avec 14 à 20 % des bovins positifs. « La leptospirose est souvent présente sous forme subclinique. Dans ce cas, le sérovar adapté va préférentiellement sur un hôte réservoir. L’animal n’est pas malade, mais il est excréteur de la bactérie par ses urines ». Par contre, lorsque le sérovar est atypique de l’espèce (hôte accidentel), la bactérie est très agressive et provoque des formes aiguës de leptospirose.

La forme chronique la plus coûteuse

Le principal mode de transmission est la contamination directe via les souillures liées aux urines des ragondins. Le temps d’incubation est de 15 jours. Sous sa forme clinique, la leptospirose se manifeste par un syndrome grippal avec fièvre et même septicémie mortelle. Les signes cliniques sont cependant très variables selon l’âge, l’espèce, le sérotype. Et la leptospirose se traduit souvent par un portage sain avec des animaux porteurs de la maladie dont on a du mal à déterminer s’ils sont excréteurs ou non, confiait Jocelyn Amiot.

La forme la plus courante et la plus coûteuse est la forme chronique. Le critère d’alerte est un problème de reproduction, mais cette leptospirose est largement sous-estimée car son diagnostic est difficile, informait le vétérinaire. Les avortements peuvent aller jusqu’à 60 % sur quelques jours. Il y a aussi « des veaux mort-nés ou des veaux qui n’ont pas trop de vie ». Des problèmes d’infertilité (retour en chaleur) complètent ce tableau. La maladie affecte aussi la lactation avec chute de production, modification de la qualité du lait, mammites…

La prévention, meilleur moyen de lutte

À défaut de vaccin et de traitement efficace, le meilleur moyen de lutte contre la leptospirose reste encore la prévention, résumait Jocelyn Amiot.

Une prévention qui commence par une bonne régulation des ragondins envahisseurs. Le ragondin est classé dans la catégorie 1 des Espèces Susceptibles d’Occasionner des Dégâts (Esod). Cette catégorie contient les Esod non-indigènes, indiquait Céline Drion de la Fédération départementale des Chasseurs de Saône-et-Loire. Ce classement autorise sa destruction toute l’année par tir, piégeage ou déterrage, poursuivait la technicienne. Le piégeage peut être effectué par des piégeurs agréés ayant suivi deux jours de formation à la FDC 71. Il est possible de capturer les ragondins sans être piégeur agréé, mais il faut user de pièges qui ne tuent pas (catégorie 1) et disposer d’un droit de destruction écrit. La régulation par tir ou déterrage est réservée aux détenteurs de permis de chasser muni d’un droit de chasser ou d’un droit de destruction écrit.

Un plan de lutte départemental

Un plan de lutte départemental a été mis en place en juillet 2020, présentait Céline Drion. Il devait prendre le relais des initiatives passées manquant d’attractivité et trop disparates. Il s’agissait de « fédérer l’ensemble des acteurs concernés autour d’un seul et même projet ; mobiliser durablement chasseurs, piégeurs, déterreurs et trouver des partenaires pour mettre en place ce plan de lutte de manière pérenne », présentait l’animatrice. Le conseil Départemental finance l’animation, laquelle est assurée par la FDC 71. Cette dernière sollicite les Communautés de communes et les syndicats de bassins-versants avec lesquels des conventions d’actions sont signées pour financer les prélèvements. Chasseurs, piégeurs et déterreurs sont mobilisés et les conventions permettent de les indemniser pour leurs captures. Des conventions de partenariats sont également signées avec le GDS 71 et la fédération départementale de pêche qui participent à l’indemnisation des preuves de captures.

Le plan de lutte concerne aujourd’hui deux communautés d’agglomérations, huit communautés de communes et deux syndicats de bassins-versants. Chaque année, un bilan de collecte des preuves de captures (nombre de queues de ragondins prélevés) est réalisé. 5.228 ragondins ont été éliminés en 2021/2022 et 5.463 en 2002/2023.