Marchés de l’emploi et salariat
Vers une pénurie de main-d’œuvre ?

Cédric MICHELIN
-

C’est sous un titre un brin provocateur que le cabinet d’étude Xerfi a publié une vidéo sur YouTube posant la question : « travailler plus et/ou immigration : le nouveau débat interdit » ? L’occasion surtout de se pencher sur la pénurie de main-d’œuvre touchant de plus en plus de secteurs et de filières en France. Après le choc pétrolier des années 1970, et peut-être avec un nouveau en cours, le marché de l’emploi semble toutefois tourner le dos au chômage de masse en France.

Vers une pénurie de main-d’œuvre ?
La population en âge de travailler diminue en France

« Nos cerveaux ne sont pas encore accoutumé à cette idée. Mais la question de la pénurie de main-d’œuvre va devenir prégnante dans un horizon très rapproché. Pour deux raisons simples », débute le directeur de la recherche chez Xerfi, Olivier Passet. Et comme à son habitude, cet économiste revenait sur les bases de son analyse, à savoir ici, la démographie française, voire européenne. Fondamental pour comprendre.

Même au début des années 2000, « la population en âge de travailler augmentait au rythme de 200 à 300.000 par an en moyenne jusqu’en 2010 » en France. Mais cette époque est révolue… définitivement avec la fin des départs en retraite de la génération des « boomers » (nés entre 1943 et 1960). Depuis quelques années donc, « nous avons basculé sur une décroissance de 50.000 par an » de la population en âge de travailler. Ce qui explique d’ailleurs une partie du débat sur l’âge de la retraite à l’heure des présidentielles. Mais « même si l’on suppose une mobilisation accrue de la main-d’œuvre plus âgée, la population active plafonnera sur un seuil de 29-30 millions de personnes qui s’étirera jusqu’en 2050 ». Si son analyse date du 14 février et que depuis la guerre en Ukraine vient modérer la reprise "post-Covid", Olivier Passet rappelait que lorsque la croissance française dépasse un certain seuil (0,7 % à 1 % selon les experts), « le contenu en emploi » s’accroît. Ce qui s’est passé jusqu’au milieu des années 2000 avec de nombreux nouveaux métiers. On pense forcément aux métiers du numérique ici et aux services. La France étant un pays « tertiaire » après sa désindustrialisation… et l’exode rural auparavant.

Le chômage recule et reculera

L’économiste considère que le quinquennat d’Emmanuel Macron a été marqué par une « orbite » de 200.000 créations d’emploi par an. Un exploit ? Non, juste « légèrement supérieur » à l’ère Jospin-Chirac par exemple. La vraie nouveauté réside donc dans le réservoir des personnes en âge de travailler qui recule. Du coup, la « décrue du chômage est très supérieure » à avant, « potentiellement de 200 à 250.000 par an ». De quoi perturber bien des politiques habitués à « 40 ans de chômage de masse ».
Robots et numérisations des économies ne renverseront pas cette nouvelle donne, estime Olivier Passet, se référant à une intensité capitalistique en baisse sur ce sujet du remplacement de l’Homme par des machines. « Le digital recrée un espace pour le travail non qualifié à travers ses mineurs du web et son armée de petits boulots dédiés à la logistique », prend-il pour exemple.

Inévitable pénurie de main-d’œuvre

Sa conclusion est implacable : « cette dynamique conduit inexorablement nos économies vers un problème de pénurie de main-d’œuvre ». Un phénomène qui sera exacerbé par « la transformation écologique de nos économies ». Et de prendre pour exemple, l’agriculture et les circuits courts requérant plus de main-d’œuvre locale couplée à des pratiques « moins productivistes ». Il citait d’autres exemples : renouvellement de nos infrastructures énergétiques, chantier de l’isolation thermique…
« Les difficultés de recrutement que nous vivons déjà et l’augmentation des emplois vacants ne sont que le prélude d’une tendance plus profonde », surtout en sortie de crise (Covid, Brexit, climatique, Ukraine…). Un seul conseil : « anticiper » pour « ne pas saper la croissance potentielle ». Et d’appuyer là où cela va rebattre les cartes dans les entreprises en matière de formation, de négociation des salaires, d’avantages pour les fidéliser… Un jeu à plusieurs bandes car les entreprises de la restauration, du bâtiment, etc. ont déjà commencé à recruter ailleurs que dans leur branche.

 

Selon Pôle Emploi, avec 6,8 % au troisième trimestre 2021, le taux de chômage en Saône-et-Loire est le même que celui de la Bourgogne Franche-Comté et inférieur à celui de la France métropolitaine (7,9 %). Il diminue de 1,1 point sur un an (contre +0 point et -1,2 point au niveau régional et +0,1 point et -1 point au niveau national).
Les métiers de premières et deuxième lignes face au Covid sont recherchés...