FRSEA Bourgogne Franche-Comté
« Des solutions pour accompagner les transitions »

Lundi 25 octobre, rendez-vous était donné par la FRSEA Bourgogne Franche-Comté à Villers-Saint-Martin dans le Doubs, au Gaec Puy de la Velle chez la famille Jeannot puis au Gaec des Mésanges chez la famille Henriot. L’objectif, montrer à tous des solutions pour accompagner les transitions – notamment climatique – dans ce village rural qui mériterait d’être labellisé à énergies positives, agricoles, c’est sûr !

« Des solutions pour accompagner les transitions »

Cette journée nationale à l’initiative de la FNSEA avait pour objectif de valoriser les actions positives réalisées par les agriculteurs (rices) qui cherchent à concilier productions agricoles, adaptations climatiques et prise en compte de l’environnement. Ces sujets sont essentiels pour bien expliquer les grandes évolutions agricoles à venir. Pour le président de la FRSEA, Christophe Chambon, « la profession toute entière est fortement mobilisée pour l’accompagnement des transitions des exploitations agricoles car ces évolutions ne sont pas réservées à quelques-uns, cela va demander un travail de communication, d’information et de formation auprès de tous les agriculteurs (rices), mais nous devons couper court, face aux polémiques pour bien mettre en avant l’évolution de nos pratiques auprès des citoyens ».
Première étape donc au Gaec Puy de la Velle chez la famille Jeannot qui ne faisait pas « de longs discours ni de grandes théories » mais montrait à tous, des projets « concrets portés par les agriculteurs (rices) ». Car dans ce Gaec les taurillons côtoient la fabrication de… spiruline ! Une algue vieille de 3 millions d’années aux nombreux bienfaits alimentaires et en termes de santé. Et ce n’est pas tout, avec une unité de méthanisation et de plus classiques fromages. Un développement du Gaec qui s’est fait par étapes comme le rappelait Michel Jeannot : « je me suis installé en Gaec avec mon père et mon frère Philippe en 1990, sur une exploitation en polyculture élevage laitier. Mon épouse s’est installée en 2006. Au départ de mon frère, mon fils s’est installé après un BTSA à Dannemarie. Lors de son installation, plusieurs voies étaient possibles : développement de l’atelier laitier avec des robots de traite ou une diversification avec la méthanisation. Il a fait le choix de la petite méthanisation, un investissement de 650.000 € pour une production de 432.000 kW avec un contrat garanti sur 2O ans et un atelier de spiruline. En développant des énergies renouvelables, le Gaec bénéficie d’une activité stable et rémunératrice. La production de chaleur est utilisée par la serre pour la production de spiruline. La méthanisation valorise uniquement les effluents d’élevage à 80 % et 20 % de cultures dérobées. Nous gérons mieux nos effluents et nous avons fortement réduit les apports d’azote minéral. Nous travaillons sur l’autonomie de l’exploitation, nous modifions également les rations en privilégiant la protéine de proximité. Notre nouveau système va nous permettre de réduire les apports de tourteaux de 1 kg en moyenne par vache », déroulait-il en toute logique. Des choix et des orientations qui se poursuivent. « L’atelier de taurillons va s’arrêter cette année faute de rentabilité et de prise en compte des coûts de production » précise Michel. Pour le lait, il y a 80 vaches laitières avec 40 % de taux renouvellement. Le tout pour 700.000 litres de lait par an livrés à la fromagerie de Clerval. « Les surfaces en maïs vont fortement diminuer, au profit des surfaces en luzerne ou prairies temporaires, recommençait-il à expliquer ses grands changements du système. Avec le changement climatique, la production de maïs devient plus aléatoire, hormis peut-être cette année. À la demande de la fromagerie, l’alimentation des vaches laitières est sans OGM, avec système basé sur le pâturage, le maïs ensilage grains, l’ensilage d’herbe, le foin et l’enrubannage de façon exceptionnel ». L’atelier laitier n’est pas oublié et Colette Jeannot qui est chargée de la traite surveille de près la qualité du lait : « avec une installation qui commence à fatiguer, cela prend plus de temps pour assurer une très bonne hygiène et une qualité du lait ».

Une spiruline dopée au gaz


Beaucoup plus rare, une serre de 750 m2 - avec trois bacs d’une capacité de 480 m2 – chauffée avec la chaleur du méthaniseur, permet la production de spiruline qui se met doucement en place, passant déjà de 300 kg par an à 500 kg pour tendre vers 700 kg. Un m2 fournit deux kg de spiruline sèche par an pendant les belles saisons. Elle se récolte tous les jours. « La spiruline est un produit à base de cyanobactéries » explique Florian Jeannot. « Elle a besoin de chaleurs pour se développer, d’azote, de phosphore de potasse et de fer. Elle se consomme en complément alimentaire, elle contient 60 % de protéines. Considérée par l’OMS comme le meilleur aliment du XXIe siècle pour l’humanité, la spiruline possède une composition nutritionnelle exceptionnelle qui lui confère de nombreuses vertus pour la santé. C’est l’aliment d’origine végétale qui possède le plus de fer. La forte teneur en acides aminés et en vitamines offre également à la spiruline des propriétés intéressantes pour le foie, c’est un antioxydant efficace. Nous avons choisi cette production pour toutes ces raisons ». Et ses débouchés de plus en plus nombreux…
Reste que tout ceci demande du temps pour bien faire les choses et Justine la sœur de Florian a prévu de revenir travailler sur l’exploitation en tant que salariée pour développer cet atelier : « mon frère n’a pas le temps de suivre cet atelier. Nous pouvons augmenter la production et mieux valoriser cette production. Il y a la possibilité de développer la production en produits frais dans les magasins. Actuellement, nous vendons un tiers dans les magasins, un tiers par correspondance et tiers sur les marchés ou à la ferme. Nous souhaitons augmenter les ventes par les magasins de producteurs pour limiter le temps de commercialisation », prévoit-elle.

Les services environnementaux


Dernier né sur la ferme, le contrat de prestation environnemental passé entre l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée-Corse, la chambre d’agriculture Doubs/Territoire-de-Belfort et les agriculteurs (rices) intéressés et volontaires le long de la vallée du Doubs. Une contractualisation qui se base toujours sur des objectifs précis et réalisables. L’agriculteur est alors rémunéré en fonction des actions réalisées : plantation de haies (objectifs de planter 800 mètres linéaires), réduction d’intrants (IFT de 1,4 à 1), réduction de la fertilisation (-15 unités d’azote par ha), … Résultat, une aide d’environ 28.000 € par an sur cinq ans est prévue si les objectifs sont réalisés. Tous ces nouveaux ateliers, comme les prestations de services, ont été accompagnés par la chambre d’agriculture 25/90. Pour l’heure, cette démarche concerne une vingtaine d’exploitations seulement. Cela permet déjà de tester de nouvelles pratiques. « Il faut trouver de nouveaux modèles économiques, mais attention, l’accompagnement de ces transitions doit être accessible à un plus grand nombre d’agriculteurs », rappelle Christophe Chambon. Car, le manque de références sur ces nouveaux itinéraires n’est pas sans risque et ces évolutions ne doivent pas remettre en cause la rentabilité des exploitations. « Il est important de travailler tous les sujets pour récupérer de la valeur ajoutée, développer de nouvelles activités, mais l’activité de production agricole doit rester le fondement du métier d’agriculteur, producteur par nature de biens alimentaires… mais plus seulement ».

Recherche de valeurs ajoutées avec de nouvelles pratiques


La deuxième visite prenait place ensuite au Gaec des Mésanges chez Yohann, Sophie et Claude Henriot. Yohann s’est installé avec son père, en 2013 (Bac professionnel agricole) en reprenant les parts d’un cédant et son épouse 30 ans BTS à Poligny en agroalimentaire vient de s’installer en reprenant les parts de Claude. Il y a également deux salariés sur l’exploitation agricole : Sylvain Renaud et Clément Mangin. Pourquoi ? « Avec une exploitation de 206 ha en production laitière conventionnelle, basée sur l’ensilage de maïs, on a recherché à optimiser le système », explique Claude Henriot. « Malgré tous nos efforts on avait du mal à dégager un revenu et le changement climatique, les sécheresses successives nous ont obligés à réfléchir à trouver de nouvelles solutions ». La première étape a été le développement des énergies renouvelables juste avant l’installation de Yohann, se rappelle Claude : « maintenant cela semble tout simple, mais au départ, on a pris des risques ». Car ils ont installé 756 panneaux photovoltaïques sur une toiture de 1.300 m2 exposée Sud-Est soit un investissement de 640.000 € HT. Le contrat avec EDF a arrêté un prix à 0,42 € le kWh. « La production a dépassé nos objectifs et nous dépassons les 195.000 kWh par an. Nous n’avons aucun regret sur cet investissement qui a permis de sécuriser le revenu et améliorer les conditions de travail ». Mais ce n’en n’était pas fini pour autant du changement. « La deuxième étape a été notre projet », glissent Yohann et Sophie qui voulaient « passer d’un système « ensilage » à un système « pâture et foin-regain » pour des questions de sécurité économique avec la valeur ajoutée, avoir de meilleures conditions de vie, avoir une vie familiale… Dès lors, ils modifient complètement leur système fourrager, arrêtent l’ensilage pour passer en pâturage foin regain. « Nous avons vendu les robots qui sont interdits en AOP, repris une salle de traite. Et au niveau du système fourrager, nous avons voulu sécuriser l’approvisionnement avec des betteraves fourragères, développer le pâturage tournant et les prairies temporaires en mélange graminées légumineuses ».
Là encore, un contrat environnemental a également été mis en œuvre pour 206 ha sur 5 ans avec la réduction de l’IFT, des engrais azotés, désherbage mécanique des cultures, l’implantation de haie… Résultat final, une exploitation qui a changé de cap pour repartir sur de nouvelles voies. « Ces projets ont été source d’interrogations, d’incertitudes. Ces évolutions ne sont pas sans une prise de risques pour les agriculteurs (rices). Il est important de pouvoir accompagner les agriculteurs concernés pour trouver les nouveaux modèles économiques viables et vivables », conseillaient-ils en guise de conclusion.

Travailler plusieurs pistes en parallèle

Pour le président de la FRSEA, Christophe Chambon, les organisations professionnelles doivent travailler à fournir aux agriculteurs plusieurs pistes en parallèle sur :
- la valeur ajoutée ;
- les nouveaux produits, les nouveaux services adaptés aux territoires ;
- les énergies renouvelables,
- la neutralité carbone et les économies ;
- la souveraineté alimentaire ;
- la lutte contre le changement climatique et la prise en compte de l’environnement.
« Le rôle essentiel que joue l’agriculture : c’est l’une des seules activités avec la forêt qui a la possibilité de capter le carbone ! L’usine la plus efficiente capable de capter le carbone est la plante. Avec son mécanisme de photosynthèse qui synthétise le CO2 de l’air et de l’eau et libère de l’oxygène, l’agriculture est notre premier bouclier contre la pollution. Dans notre région de cultures, d’élevages, de prairies et de forêts nous devons constamment le rappeler ».